Il y a cinq ans, elle a fui son pays pour échapper à un mariage forcé. Réfugiée en France, la lycéenne se pensait protégée. Jusqu’à ce que la police la traite en coupable.

 

Cette date-là, elle la connaît par coeur, le 20 août 2005, jour de son arrivée en France. " C’était le paradis. La liberté de finir mes études. Et de pouvoir dire oui ou non quand je veux." Ce droit fondamental de choisir qui aimer et quoi faire sa vie, l’adolescente risquait de se le voir voler : " Mon père avait arrangé un mariage avec un cousin. Toutes mes soeurs ont vécu ça . Pour moi, c’était Impossible. Je voulais me créer mon propre avenir." Alors, Najlae la courageuse fuit son pays, le Maroc, laissant derrière elle quatorze années de sa vie. Hébergée en France, chez son frère, dans le Loiret, elle se pense en sécurité  et s’intègre rapidement : "J’allais au collège de la Vallée de l’Ouanne. J’y ai fait ma scolarité de la 5ème à la 3ème. Tout se passait très bien." Mais quand elle veut s’inscrire en BEP hôtellerie-restauration, son frère s’y oppose. Formellement. Il lui faudra attendre d’être majeure pour être enfin pensionnaire  au lycée professionnel, dans la section qu’elle a choisie: "J’ai commencé la formation en décembre 2009, trois mois après tout le monde, mais j’étais tellement motivée que j’ai tout fait pour rattraper mon retard en une semaine."

Son frère ne le supporte pas: " Il ne voulait plus que je sorte. Quand je rentrais chez lui, je ne pouvais rien faire." Violent, il maltraite régulièrement la lycéenne. Jusqu’au 16 février dernier, où tout dérape: " Pour un mégot de cigarette retrouvé dans ma chambre, il m’a frappé avec l’aspirateur puis mon fer à lisser. Tout ce qui passait devant lui." Des violences extrêmes qui valent à la jeune femme 8 jours d’incapacité de travail. Cachée chez une amie, l’adolescente est perdue: " J’ai beaucoup hésité à déposer une main courante. C’était difficile d’avouer que c’était mon frère qui m’avait fait ça." Mais malgré sa peur, Najlae décide de briser le silence. Deux jours après l’agression, s’armant de courage, elle se rend à la gendarmerie de Montargis : " Je ne pouvais rien dire à mon père de peur qu’il m’ordonne de revenir au Maroc. Je me suis dit qu’en France, la loi me protégerait contre mon père et mon frère." Il n’en sera rien. Encouragée par les gendarmes à déposer plainte en bonne et due forme, elle se rend au commissariat de Château-Renard: " J’ai demandé à ce qu’on m’accompagne d’abord chez mon frère pour récupérer mes affaires. Puis les policiers m’ont demandé de revenir à 15 heures." Mais jamais sa plainte sera entendue. En attente de régularisation, Najlae est considérée comme en situation irrégulière et placée immédiatement en garde à vue. Le piège vient de se renfermer. " J’étais choquée. Je ne comprenais pas. J’ai été fouillée, condamnée comme si j’étais coupable." Le lendemain à 4 heure du matin , elle apprend qu’elle va être expulsée par l’avion de 7h35 pour Casablanca: " Là-bas, j’ai été placée en garde à vue, enfermée dans une cellule avec une dizaine de personnes. J’étais terrorisée." Aidée par deux avocates de RESF Maroc ( Réseau d’éducation sans frontières ), elle ressortira libre au bout de 24 heures, mais  sa condamnation demeure : " C’est très dur d’être ici. Je ne suis pas chez moi. Je ne connais personne  et je ne veux pas revenir dans ma famille. Mon pays, c’est la France, je veux y retourner. Retrouver mes études et mes amis qui se mobilisent pour que je rentre et que je veux remercier." Pendant ce temps, le frère de Najlae est en totale liberté sur le territoire français. Pour avoir eu le courage de dénoncer sa violence, sa petite soeur a été expulsée en moins de 24 heures. Drôle de morale en ce début 2010 censée être l’année de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Aujourd’hui Najlae Lhimer  est revenu en France grâce à la pression de la presse et de ses amis, mes pour ce qui est de son frère il est toujours en liberté n’a pas répondu de ses actes devant un tribunal.