A en croire les sondeurs, l’incertitude et l’hésitation sont pour l’instant les grands gagnants du premier tour. Les français sont indécis depuis des semaines, des mois et leurs doutes, toujours selon les instituts, ne se dissiperont que quelques jours, quelques heures avant le scrutin. Dans le jargon de la Sofres ou de BVA, on appelle cela la « cristallisation ». Réaction chimique intime et secrète, la cristallisation de l’électorat semble avoir besoin d’un catalyseur puissant : l’isoloir.
Pour ma part, j’ai l’impression de subir une réaction inverse. A mesure que le jour J approche, mes doutes augmentent au lieu de disparaître, ma conviction s’étiole à la vitesse des heures qui nous séparent du dimanche fatidique. A force d’entendre encore et encore les arguments des uns, les attaques des autres, les soutiens qui se croisent et qui transforment petit à petit le paysage politique français en plat de spaghettis, les appels au désespoir ou au vote utile, j’en ai le vertige. Et si je me trompais ? Et si tout ce que je raconte dans mon blog depuis trois mois n’était que ma façon personnelle d’être manipulé par tous ces discours de circonstances ? Et si je restais dans mon jardin pour tailler mes rosiers (je n’aime pas la pêche) ?
Bref, l’angoisse est à son comble. S’il y en a beaucoup comme moi, ça promet des divines surprises et un joyeux foutoir sur les plateaux de télévision ce dimanche à 20 heures.
Reprenons nos esprits. Comme tous les militants et sympathisants UDF, je viens de recevoir un ultime message hyper court, hyper synthétique, hyper pédagogique, reprenant les « 4 raisons de voter François Bayrou dimanche 22 avril ». Oubliez tout le bla-bla de la campagne, revenez aux fondamentaux (cela prouve en tout cas qu’en haut lieu, ils se rendent bien compte de l’état d’inquiétude des troupes et des français).
Je cite :
Il est le seul vote utile pour la France
Il est indépendant du système
Il refuse de faire des fausses promesses
Il propose un projet équilibré et concret pour améliorer votre quotidien
Je traduis pour ceux qui n’auraient pas tout compris :
1- Ségolène est cuite, si vous voulez battre Sarkozy, y’a plus que Bayrou.
2- Si vous voulez vous défouler, oubliez Le Pen et Besancenot, soyez dans le coup, le vrai vote protestataire en 2007, c’est Bayrou.
3- Vous n’y croyez plus, vous n’avez plus confiance dans la politique pour résoudre vos problèmes, la vérité c’est que vous n’avez pas complètement tord.
Cette campagne a été longue, très longue, trop longue. Ras-le-bol d’entendre les mêmes litanies, les mêmes postures. Vivement dimanche.
Je vais voter Bayrou. Tout de même.
Parce que je hais les extrêmes et les extrémistes. De droite, de gauche, ils se ressemblent tellement. Ils ont en commun de refuser la réalité, de se focaliser sur les misères et les peurs. Ils ont en commun une certaine haine de l’humanité, avec ses bons et ses mauvais côtés. Ils idéalisent la pureté. Pureté d’un monde imaginaire, peuplé de gaulois depuis cinquante générations ou peuplé d’ouvriers sans entreprises et sans patrons. Parce qu’ils refusent de voir le monde tel qu’il est, ils ont en réalité en commun le refus de la réforme. Leurs solutions se résument à jeter l’anathème sur une catégorie de la population (les immigrés, les riches, les patrons), source de tous nos problèmes. L’extrémisme est un leurre, c’est le pire de tous les conservatismes déguisé en révolutionnaire.
Parce que la France a besoin d’une politique économique libérale. En ce point, les orientations de Bayrou et de Sarkozy ne sont pas très éloignées.
Parce que le parti socialiste reste vieux, dogmatique, langue de bois, que personne ne sait où ni avec qui il va gouverner. Parce qu’il est incapable d’impulser la modernisation nécessaire à la gauche, qu’il camoufle ses divisions, qu’il se retranche derrière une image providentielle de candidate qui ne lui ressemble pas. Parce que rien de garantit que Ségolène Royal ne fera pas alliance avec les communistes et les gauchistes de l’extrême, prélude à de nouveaux échecs et de nouveaux renoncements. Non merci.
Parce que Dominique Voynet ne représente pas grand-chose à par elle-même et quelques potes. C’est dommage sans doute. Hulot aura dissous l’écologie politique dans Ushuaia. Un peu comme BHL aura vendu la cause du Darfour au rabais contre un bulletin Royal.
Parce que Nicolas Sarkozy joue trop avec le feu. Il n’est ni extrémiste, ni raciste, ni eugéniste. Certes. Mais ce ne sont pas des concepts dont on s’amuse en campagne. J’étais de ceux qui s’agaçaient il y a quelques mois du discours « Sarkozy fait peur », un discours qui ressemble trop à celui décrivant les communistes avec le couteau entre les dents. Mais tout de même. Trop c’est trop.
Parce que je crois sincèrement que le paysage politique doit se recomposer en France autour de deux grandes sensibilités : la droite conservatrice et la social-démocratie. Il y a peut-être plusieurs voies pour y parvenir. Nicolas Baverez dans la Point explique pourquoi le vote Sarkozy est la meilleure. Après en avoir dit pis que pendre, BHL penche pour Ségolène en appelant de ses vœux la désignation de DSK comme premier ministre. Je continue de penser quant à moi que seul l’électrochoc centriste fera exploser le vieux socialisme d’Epinay.
Un vote par défaut ? En partie. Pas complètement.
Le deuxième tour risque fort d’être une toute autre histoire …