Le réconfort avant l’effort. J’ai sillonné et je sillonne encore un copieux Dulaurens ressurgi de l’ombre des Lumières et voici que je traite d’abord d’un Guy aussi quercinois que narquois, ce qui les rassemble, d’un Kermit se gaussant, grivois au gré du vent, des coassements des faiseurs d’air du temps, ce qui les relie tout autant, poussant jusqu’à faire un « bœuf » d’un unique placet quand le Henri-Joseph charrie et varie tout une œuvre pesante. Souffrez qu’avec cette Lettre aux politiciens, aux juges, au citoyen, de
J’ai encore sur la planche un Daniel Neveu, et son Le Mort n’a pas le profil d’un assassin, aux éditions Anabet, qui a déjà poussé jusqu’au Café Crimes de Jacques Pradel, une Lara Mate pour un Half the Sky, 21st Century China Girls, production de La Chienne éditrice, et bien sûr le Stéphan Pascau, Écrire et s’enfuir dans l’ombre des Lumières, Henri-Joseph Dulaurens, dans la collection des Gueux littéraires des éditions Les Points sur les i. Excusez du peu, et je vous en passerai plus tard quelques autres, et non des moindres, encore en souffrance.
Ne reculant jamais face à la facilité, c’est donc le savoureux soufflet de
Naguère, dans Le Canard enchaîné, Roland Bacri, dit le Petit Poète, qui tenait son Journal d’un râleur, et clamait son Refus d’obtempérer, mais d’autres aussi, maniaient l’alexandrin. C’était parfois leste, comme les contrepets de Patrick Dessi, et
Des doigts nous menaçant d’outrecuidants rappeurs
Distilleraient ces vers aux tympans attentifs
Des racailles grimpant sur nos générateurs
Lors qu’on flatte leur flanc d’un bâton curatif.
Le Kärcher® cingleur qui fait plier l’émeute, les « pistolets de fureurs électriques », rime avec le Taser™ émoustillant le scribomaniaque qu’est de Quercy. Mais il emploie plutôt des vocables mieux choisis pour appeler de ses vœux la chute du ludion malfaisant.
Que n’éradiquons-nous cet irrévérencieux
Ce fol olibrius qui vertement se moque
Met notre école au ban, notre ennemi aux cieux
Et nos réputations, apertement en loques…
Charles Duchêne, de BTF Concept, vingt-sixième éditeur pressenti, n’a pas été rebuté par les notes en bas de page explicitant un usage désuet, un syntagme acéré telle la sarisse des phalanges mais qu’un affût des dictionnaires actuels ne débusque plus, une épithète aussi précieuse et vibrionnante qu’obsolète mais dont l’imprécateur saronide fait mouche (aussi, polissoir de culasse, de canardière).
L’intérêt de ce court (une centaine de pages) recueil est que l’on s’amuse et qu’à l’occasion, y folâtrant, on trouvera matière à bien des envois adressés aux fâcheux, aux grippeminauds et aux forbans rhéteurs qui nous régissent. Pour évoquer l’actualité, un quatrain « du » Quercy, bien décoché, vaut bien un dessin, une image… Ainsi de la crise financière…
Ceux qui ont aujourd’hui un faciès dépité
Et qui tordent l’État pour éponger la dette
Hier ne trouvaient pas un sou pour éviter
Que meurent nos emplois, même pas une miette
Admettons le, si les rimes sont riches, la césure bien campée entre deux hémistiches, l’ « aristarque acerbe » trouvera, ça et là, quelque ampoulé artifice suppléant une euphonie limite. Mais le genre le supporte. Et puis, pour fustiger le contempteur des écoles publiques qui, dans la moindre des ses allocutions, massacre l’élocution, pluriélise les désaccords du plurier, il est loisible de s’accorder quelques licences, et on sera en droit, eu égard à ce petit maître aux parchemins suspects, de décocher quelques assonantes flatulences…
Pour la scolarité, tu lâches allégrement
Des vents perchés plus haut que tous tes orifices
Empestant et fétides, ces prétentieux serments
De la perfection prétendent faire office
Autant pour le protochanoine (d’Embrun, ébreneur de Phynances), et de ses séides qui font la chattemite auprès des mitrés…
À confesses serviles, adeptes d’ablution
Égrenant chapelets en colonnes gourmandes
Parcimonieux ils portent leur contribution
Pressant saint Hypocrite d’en alléger l’amende
Ces vautours en habit, « Par la majorité ! »
N’ont rien à émeutier de la sainte intinction
L’agape n’est pour eux qu’une fourbe addiction
La trop prévisible déroute des marchés, qu’experts et plumitifs laudateurs de la bancassurance feignirent d’appréhender au dépourvu, inspire à de Quercy une saine défiance du trop faible émétique administré aux uns, aux effets sitôt compensés de la lancette subie par tous les autres.
Et au lieu d’imposer que toute action acquise
Soit sans délais payée et sa vente interdite
Avant qu’un mois n’échoie, pour endiguer la crise
Vous maintenez les rets que jadis vous ourdîtes
Oui, quand l’Autorité des marchés financiers
Se penche sur la bourse, afin d’y remédier
C’est le trou de son cul qu’elle observe à la loupe
Et pour stopper la crise, elle y fourre une étoupe
Les sans emplois bientôt en fins de droits et non allocataires, les précaires, les mal logés et les délogés ne sont pas évoqués d’une plume légère… en regard des libéralités dont se dotent les prébendiers.
Emplois déqualifiés, sous-emplois déguisés
Revenus temporaires, que tes lois sont marrantes
Pour donner aux contrats, à tes fins maîtrisés
Des airs de privilèges, que d’astuces navrantes !
Baissant les employés au rang de demandeurs
Et ces derniers à ceux de radiés menteurs
Tu effaces chômeurs ou formes optionnelles
Et votes en fin d’année la prime exceptionnelle !
(…)
Courageux, noble et beau, tu parviens même à faire
Condamner par un pitre en habit de justice
Ceux qui souillent ta vue en défendant les hères
Qui campent dans la rue où ta chienne pisse
Mais l’ire croît et s’amplifie lorsque sont abordés les détournements du langage, les faux-semblants, le verbe mystificateur, le galimatias abusif des porte-voix, députés, sénateurs, conseillers, auditeurs, ministres, communicants vaseux et spin docteurs ès niaiseries, nègres assermentés hantant les cabinets.
Grégaires, vous inventâtes une assemblée bavarde
Prenant du poulailler l’exemple « poulaillant »
Haute-cour, basse-cour, de vos idées blafardes
Péniblement l’idiome se fait vicariant
(…)
En fichu de soubrette, est-il un journaliste
Celui qui complaisant fait le lit du tyran ?
Et son patron signant ces contrats publicistes
N’est-il pas collabo, abject et transpirant ?
Dulaurens empruntait parfois à Cervantès ou à Cyrano des images, voire de courtes descriptions. Guy de Quercy, qui emprunte peu, pourrait y ajouter Marat, l’Ami du Peuple, qui considérait de la liberté naît de la sédition et d’une saine violence, et il se fait lui aussi anathème, ou encore Eugène Vermersch. Certes, la Chanson du Père Duchesne ne trouverait sans doute guère une ouïe complice chez de Quercy mais, comme Hugo, il a perçu « la réclamation des gueules de l’abîme » sans peut-être déceler l’alliance de « la robe, la mitre et la finance ».
Mais il pourrait sans doute reprendre à son compte ces appréciations du médecin-journaliste sur les manipulations de l’opinion : « Persuadés d’ailleurs combien il est commode de régner sur un peuple abruti, ils s’efforcent de le rendre tel. Que d’obstacles n’opposent-ils pas au progrès des lumières ? (…) d’autres empêchent le peuple de réfléchir, en l’amusant continuellement par des parades, des spectacles, des fêtes, ou en le livrant aux fureurs du jeu. » (Les Chaînes de l’Esclavage). En tout cas, s’il y avait encore un mastroquet du Rat Mort (le Café Pigalle, qui faisait face à