Tripoli promet des élections d’ici six mois par la voix du ministre des affaires étrangères libyen, Abdoul Ati Al-Obeidi, en échange d’un arrêt des bombardements alliés. " Saïf Al-Islam a indiqué au cours d’une émission télévisée sur sa chaîne, Allibya, qu’il était "très optimiste" et que le régime allait l’emporter face à l’insurrection qui secoue le pays depuis plus de deux mois. "La situation évolue chaque jour en notre faveur", a-t-il lancé."

La photo, choisie par le journal "Le Monde", aurait-elle vocation à influencer l’opinion afin de rendre plus sympathique le fils du dictateur ? Pas sûr, elle inquiète même, surtout lorsque l’on sait quels drames se jouent dans ce pays.

Voici un commentaire que j’ai laissé sur un article de C4News et qui vaut pour tous ceux qui seraient tentés de se réjouir :

"Franchement, c’est du n’importe quoi. Le type a déjà tué 10 000 personnes et vous vous réjouissez qu’il fasses des élections. Excusez-moi mais, ça ne tourne pas vraiment rond chez vous. Le pire, c’est qu’il y en a sur internet qui font comme vous, ils applaudissent un être sanguinaire. Je ne marcherai JAMAIS dans votre truc, ce serait me rendre complice d’un massacre. J’espère que vous dormez bien la nuit. Remarquez, vous devez être comme des millions de Français sous antidépresseurs et voilà ce que cela donne". La moutarde commence sérieusement à me monter au nez,  comme vous avez pu le constater…

Pour mémoire :

Kadhafi continue d’utiliser les ficelles (ou utilise ses dernières cartouches médiatiques) qu’il a encore en sa possession, la dernière en date, l’intervention de sa fille Aisha, le 14 avril, qui aurait pu émouvoir la communauté internationale, une fin en soi.

Le dictateur sait à quel point les alliés de la coalition sont sensibles au bien-être de la gente féminine ; aussi jolie soit-elle, cela ne suffit pas, elle demeure la fille d’un dictateur avec lequel elle partage la manne financière du pétrole dont les insurgés revendiquent leur part légitime après 42 ans de privations.

Aïcha Kadhafi est avocate, elle défend son frère Hannibal en Suisse accusé d’avoir maltraité des domestiques, le même homme qui n’hésitait pas à rouler, éméché, sur les Champs-Elysées en contresens de la circulation dans sa magnifique Porsche, à 2 heures du matin. Une bagarre s’en était suivie, un policier avait été blessé, le fils Kadhafi s’était réfugié à l’ambassade et pour repartir pour Tripoli. C’était en septembre 2004. Un an plus tard, il était condamné à Paris pour avoir battu sa compagne enceinte. »

Aïcha Kadhafi est aussi celle qui a fait partie des avocats de Saddam Hussein, entre autres clients ; elle est donc habituée à défendre l’indéfendable.

En même temps temps que la fille du dictateur s’exprimait, une lettre ouverte a été écrite à l’attention du fils aîné, Saif al-Islam Kadhafi par Alaa al-Ameri , économiste et écrivain britannique-libyen avait déjà témoigné dans une tribune du journal « The Guardian » de sa désillusion concernant ce fils qui promettait un bel avenir à la Libye.

Alaa al-Ameri raconte pourquoi il ne fait plus confiance à la famille Kadhafi, notamment à ce fils qui s’était transformé en homme menaçant et haineux.

« Certains disent que nous devons « ouvrir la porte au « patriote » Saif al-Islam Kadhafi. Après toutes les épreuves subies par ma famille, je ne peux présager que le pire.

Saif al-Islam,

Je suis trois ans plus jeune que vous. Ma famille a été obligée de quitter la Libye en raison de l’habitude de ton père, de punir ceux qui le contredisent ou de les torturer à mort dans des conditions que la plupart des gens sains d’esprit préférerait ne jamais imaginer.

Un de mes plus anciens souvenirs de la vie en Libye est que je regardais des dessins animés à la télévision un après-midi et qu’ils furent interrompus sans avertissement pour nous montrer les images d’un homme venant d’être pendu dans, d’après ce que je crois me souvenir, un centre sportif . Les partisans de votre père rivalisaient pour balancer ses jambes qui luttaient encore.

Pendant longtemps, j’ai choisi d’interpréter le comportement de ces sociopathes comme une forme de pitié désespérée – Je me suis convaincu qu’ils essayaient de limiter les souffrances de la victime. Il a fallu de nombreuses années avant que je comprenne qu’ils essayaient, en fait, de capter l’attention de votre père. Ils voulaient prouver qu’ils étaient assez impitoyables et implacables pour être considérés comme de vrais disciples du culte narcissique de votre père. Fidèle à ses habitudes, votre père a récompensé des gens comme Amr Ben Huda et Moussa Koussa en leur donnant pouvoir, richesse et impunité.

Si je me souviens de ces choses, je me demande comment vous avez appris à interpréter la brutalité dont vous avez été témoin et avec laquelle vous avez grandi. Je ne peux vous blâmer pour les crimes commis votre père avant votre naissance et au cours de votre enfance. Je ne suis pas psychiatre mais je suis presque certain qu’être élevé par un homme pour qui assassiner faisait partie des activités quotidiennes ne peut pas être considéré comme une éducation saine.

Je peux donc vous donner le crédit d’être le seul membre de votre famille à avoir jamais exprimé une prise de conscience qu’il existe, dans le monde, une chose telle que la dignité humaine ; votre prise de conscience semblait basée sur votre désir que le pays dont vous avez hérité serait brillant, nouveau et moderne.

Si vous avez grandi dans la richesse et de la sécurité, j’ai regardé mes parents lutter pour élever mes frères et sœurs et moi, dans un pays étranger, loin de ceux qu’ils avaient aimés et dont dépendait toute leur vie. Quand votre chauffeur et vos gardes du corps vous amenaient à l’école, mon frère et moi avons appris à varier le parcours qui nous menait à la nôtre de façon à veiller à ce qu’aucun des hommes de votre père ne nous ait suivis.

Bien que je sois assez chanceux d’avoir encore mes parents, je me souviens de la douleur d’un ami d’enfance dont le père a été assassiné par des voyous commandités par votre famille. Je me souviens de son père comme étant doux, accueillant et drôle. Je me souviens qu’il a gagné la confiance des gens parce qu’il était honnête, chaleureux et sympathique. Je me demande si vous connaissez la signification de ces mots. Je sais qu’il aimait tendrement sa famille et avait été contraint à l’exil pour avoir commis le crime de dire ce qu’il pensait. Il n était pourtant pas une menace pour vous ou votre famille, cependant, il a été assassiné en votre nom.

Je me souviens de toutes ces choses quand j’entends des gens faisant valoir que vous devriez avoir un rôle de premier plan en Libye sur le terrain de la démocratie. Je me demande comment vos champions et vous envisagez la démocratie, en réalité. Votre ancien associé, Benjamin Barber, dit que nous devons "ouvrir la porte" au «démocrate» et «patriote» qui sont en vous.

Je n’ai, moi-même jamais exigé de quiconque que me soient ouvertes de telles tribunes comme on l’a fait pour vous. J’ai appris, avec l’expérience, que le respect des autres êtres humains est la seule façon pour moi de gagner le droit de vivre parmi eux. Vos défenseurs et vous n’avez pas conscience du fait que ceux qui sont attirés par le respect des droits des hommes ne sont souvent pas autorisés à vivre librement dans une société civilisée à cause de vous.

Votre défenseurs semblent désireux de trouver les moyens de vous absoudre et de blâmer vos victimes par un bain de sang que vous nous avez promis en cas de désobéissance. J’ai du mal à imaginer ce qu’ils entendent par « démocrate » pour parler d’une personne qui tue ceux qui ne veulent pas s’incliner devant lui. Ou comment le mot « patriote » peut être appliqué à un homme qui gaspille la richesse qui ne lui appartient pas alors que la moitié des Libyens vit avec moins de 2 dollars par jour.

Soyons généreux à votre égard, cependant, et prenons au sérieux l’affirmation selon laquelle vous êtes tiraillé entre votre famille et votre pays. Permettez-nous aussi de ne pas croire qu’une seule cour de justice sur la planète accepterait que la défense d’un homme complice d’avoir assassiné en masse serait : « mon père m’a dit ».

Les dernières semaines ont démontré que bon de nombre de Libyens avaient beaucoup plus à perdre que vous qui faites le choix entre la famille et le pays, qu’ils étaient des jeunes hommes sans le sou luttant contre les brigades de vos frères lourdement armées ou Iman al-Obeidi qui a risqué sa vie pour dénoncer la violence qu’elle a subi aux mains des forces de votre père, ou encore Moussa Koussa, l’homme qui a terrorisé mon enfance et abandonné sa famille pour faire défection à votre père. Qu’est-ce qui ferait que votre sacrifice serait plus grand ou plus digne de considération que les leurs ?

Aucune porte supplémentaire ne doit ouverte pour vous. Vous n’aviez rien de spécial ; vous pouvez choisir de sortir par la même porte que le reste d’entre nous ou vous pouvez choisir de protéger le privilèges et la puissance auxquels vous êtes habitués. Il n’y a pas d’autre choix.

J’ai grandi dans la peur de votre père et de votre famille mais je n’ai plus peur maintenant. Si vous choisissez de continuer à rejeter nos droits en tant qu’êtres humains, en ce qui me concerne, je continuerai à vous combattre avec tous les moyens à ma disposition aussi longtemps qu’il le faudra, jusqu’à ce que nous soyons libres.

Mais j’ai un avantage. Mon but est la liberté pour mon pays et mon peuple, un but qui sera atteint même si je en suis plus là pour le voir.

Votre but à vous est votre patrimoine personnel et le pouvoir qui mourront avec vous. »

The Guardian