L’Espagne, laboratoire de la déchéance sociale européenne – 1

La crise ! Toujours la crise… Voilà un mot qui fait notre quotidien, depuis déjà bien des années, à tel point que j’ai l’impression de n’avoir connu que ça depuis ma jeunesse des années 80…

Sauf que depuis 4 ans, elle semble prendre une ampleur, à lire les médias, qui la titre telle la plus grave de l’histoire de la société industrielle, pire même que celle de 29 qui était de loin restée la référence du "plus jamais ça" !

La crise aujourd’hui, qui la comprend vraiment ? Tenter de l’expliquer, c’est d’abord de voir que LA crise est en fait un conglomérat de plusieurs crises simultanées, économique, bancaire, politique, sociale, démocratique, le tout sévèrement compliqué par celles et ceux qui en tirent les bénéfices, à constater que, malgré tout, un certaine classe de la société, déjà riche, s’enrichit encore d’avantage.

 

Mais, expliquer la crise est une chose, et ce qui m’intéresse, moi en particulier,  comme certainement beaucoup d’entre vous, serait plutôt savoir comment y faire face et en sortir…

Parce que, à l’échelle planétaire, pendant que le plus petit nombre s’enrichit à outrance, la majorité s’appauvrit de jour en jour, de manière insidieuse et sournoise, certains mêmes, sont totalement exclus du système sociétal, malgré tout ce qu’on nous chante de la "protection sociale" en "haut lieu"…

 

La crise a ses effet, au quotidien, et même si en France, pour le moment, beaucoup en sont encore relativement épargnés, il faut se demander pour combien de temps encore, car, ne pensez pas que l’impensable ne puisse pas survenir dans un futur proche…

Certains me diront que oui, il suffit de regarder la Grèce aujourd’hui, pendant que d’autres affirmeront avec raison que ce n’est pas comparable, en raison de la situation de ce pays qui a "triché" au moment de son entrée dans l’Europe…

 

Mais l’Espagne… Qui se souvient de l’Espagne, celle d’il y a dix ans, citée en exemple à grand cris médiatico-politiques, comme modèle économique exemplaire, sa croissance à 10 %, son modèle social révolutionnaire, ses excédents commerciaux, ses infrastructures devenues gigantesques, peuplée de 90% de propriétaires… ? Le pays rêvé, pour la classe politique Française toute entière, envieuse de cette réussite, preuve aussi de la réussite de l’union européenne…

PUIS…

2011, l’Espagne : 21 % de chômAGE… 800.000 familles à la rue, sans AUCUN revenu ni aide ou prestation sociale, une dette du crédit bancaire insurmontable, une industrie paralysée, 80% des régions administratives en faillite (à tel point qu’elles entraînent la faillite des pharmacies auxquelles elle ne peuvent rembourser les médicaments distribués aux patients…), 40 % d’hôpitaux publics fermés, les salaires publics et privés dévalués, une inflation annuelle de 10 %, 2 millions de foyers vivant sous le seuil de pauvreté (426 euros mensuels)…

Une Espagne, dont on minimise sciemment la situation globale, pour ne pas effrayer plus les "marchés" et autres agences de notation, qui dissimule en son sein une bombe à retardement économique liée à l’hécatombe du crédit immobilier dans le secteur bancaire…

Et ce n’est pas un hasard de constater que c’est en Espagne que sont arrivé les premiers "indignados", c’est qu’ils ont eu les bonnes informations, au bon moment, pour s’indigner face à la manipulation d’une coalition politico-financière qui détruit brutalement le tissu sociétal du pays…

Comment un tel pays, sorti avec tant de brio de la pauvreté d’une guerre civile et d’une dictature militaire, a pu en revenir à cet état de misère ? C’est ce que je vais tenter de détailler, au fil de mes articles, témoignant de mon expérience d’expatrié et résident en Espagne depuis 6 années…

Je vais surtout mettre en surbrillance l’analogie entre le déclin Espagnol et celui qui commence à apparaître en France, sans que rien ne semble pouvoir, ou vouloir le freiner.

Les châteaux en Espagne…

Un petit rappel succinct de l’histoire récente de l’Espagne est inévitable pour comprendre par la suite que bien des "erreurs" politiques et économiques ont été commises pour en arriver à la catastrophe.

Régime monarchique par excellence, l’Espagne a toutefois connu une première courte période républicaine démocratique entre 1873 et 1874, qui échoua, pour revenir au règne de la dynastie des Bourbons en 1875.

En 1936, nouvelle tentative des Républicains qui débouche sur une guerre civile (appelée aussi révolution Espagnole), perdue en 1939 contre les Nationalistes qui instaurèrent un régime dictatorial et militaires sous pouvoir de Francisco Franco

1975, à la mort de Franco, lui succède le roi Juan Carlos, qui laisse naître la démocratie parlementaire. Il signe ainsi la fin d’une ère de dictature militaire, malgré une tentative de coup d’état fomentée par les généraux "nostalgiques" en 1981, et avortée.

 

L’Espagne entre alors au royaume des démocraties reconnues, à celui du libre échange international et surtout européen par son adhésion à la CEE en 1986, marquant l’époque du développement du pays. Grâce aux aides européennes intarissables, l’Espagne surtout a fondé sa croissance sur la les secteurs de la construction et l’immobilier, incitée, sous le gouvernement de droite d’Aznar, à penser que les valeurs immobilières ne seraient jamais affectées dans le futur.

L’Espagne a aussi développé un second axe majeur de croissance en développant très significativement son secteur du tourisme balnéaire e majeure partie, mais aussi montagnard et rural, dont elle jouissait déjà, avec un certain succès, depuis les années 50.

 

L’industrie lourde n’a cependant pas réellement fait partie de la stratégie de croissance, le boum de la consommation intérieure étant essentiellement porté par les importations, dont beaucoup de provenance Allemande, on ne vit se développer que de petites structures "artisano-industrielles" locales, vouées à la sous traitance ou répondre à une demande de proximité. Les plus grosses industries se comptaient surtout dans le secteur de l’extraction minière, charbons et métaux non précieux.

L’industrie financière, quant à elle, a été le support le plus fort de ce développement. Adossée au système hypothécaire présumé infaillible, la dette privée était quasi proportionnelle que celle constatée aux Etats-Unis au plus fort de l’ère du consumérisme frénétique Espagnol. C’est ainsi que la majorité des familles Ibèresse sont retrouvées majoritairement propriétaires, influant une forte demande de construction neuve qui permirent de grands chantiers d’urbanisation…

Au plan gouvernemental, ce fut aussi l’euphorie totale… Infrastructures autoroutières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires… Des musées, des théâtres, des salles de concert, complexes sportifs, stades et piscines municipales dans des villages de 500 habitants… (Si si… !), des subventions à tout va pour la culture, "l’environnement et la création d’entreprise" (j’y revendrai ultérieurement), des fêtes locales rivalisant de merveilles spectaculaires…

Le décor général est donc planté, laissant s’accroître opulence, abondance, plein emploi, richesse, loisirs, confort, le tout fortement aidé par un Euro, nouvelle monnaie abondante qui a fait grimper les prix à la folie, pour des acheteurs insouciants de payer grâce aux multiples cartes de crédit offertes sans gage de contrepartie…

Puis vint 2007 et le début des problèmes… et vous donne rendez vous dans mon prochain billet où vous découvrirez vite le revers de la médaille, pourquoi et comment…

10 réflexions sur « L’Espagne, laboratoire de la déchéance sociale européenne – 1 »

  1. Attention aux graves erreurs et approximations de l’article. Il n’y a pas 21 millions de chômeurs en Espagne, mais 21% de taux de chômage (ce qui est déjà énorme, je vous l’accorde), soit 5 millions de chômeurs.
    Par ailleurs, attention aux clichés véhiculés par les médias ambiants : l’industrie, lourde ou légère, existe bel et bien en Espagne, et ce sont les exportations dans ce secteur (mais aussi dans l’agriculture et les services) qui lui permettent de conserver encore un peu de croissance aujourd’hui. Voitures, pétrochimie, chimie, énergies renouvelables, textile, agriculture…, voilà quelques secteurs qui fonctionnent en Espagne (en plus du tourisme et de la grande finance : ne vous en faites pas pour les grandes banques espagnoles, elles se portent très bien…).

  2. J’ajouterai, pour conclure, que si problèmes il y a en Espagne, le pays n’est pas « retombé » dans la misère, en tout cas pas plus que les millions de chômeurs en France ou les 25% de travailleurs pauvres en Allemagne (qui constituent autant de « chômeurs cachés »). Ne pas minimiser la situation, bien sûr, mais ne pas la caricaturer non plus…

  3. Sans compter que depuis les dernières réformes, s’annonce une très timide, mais réelle tendance à la reprise…
    Il ne faut pas toujours noircir le tableau, il l’est déjà suffisamment !

  4. @ NICOLAS, merci d’avoir repéré la coquille, c’est corrigé… J’hésitais entre 21 % et le nombre en millions et finalement, me suis planté… ! Merci encore 😉

  5. @ Nicolas et Nordi – J’aborderai le sujet de la « reprise » dans mes billets suivants… Cependant, je vis en Espagne depuis 6 ans, « indignado de la première heure, je suis impliqué dans divers mouvements sociaux locaux et associations syndicales qui recèlent d’information directes, du terrain, avec des chiffres NON « CORRIGÉS » par les instances au pouvoir…
    Et lorsque je parle de misère ou pauvreté, je citerai prochainement des exemples concrets… Un peu de patience… En tout cas, merci pour votre intérêt et vos interventions… Amicalement.

  6. Pour moi la crise c’est quoi?un grand contenaire remplis d’argent sale et en dessous des grands trous ou les 1% récolte le pognon si on ferme ce trou plus de crise c’est trou.

  7. « une croissance à 10% »…
    Petit addendum pour l’auteur qui oublie que celle-ci a eu lieu dans le contexte de l’euro, avec son taux de change fixe et son taux directeur commun du coup parfaitement inadapté à la situation de ce pays car bien trop bas relativement à la croissance de l’Espagne…
    Avec un taux directeur suivant la croissance du pnb comme cela devrait toujours être, cette explosion immobilière n’aurait pas pu avoir lieu, et de manière générale ce pays n’aurait pas été dopé de la sorte par de l’argent devenu gratuit car au taux allemand.
    Taux de changes fixes et banque centrale commune à taux directeur « moyen » sont les pêchés originels de l’euro, malheureusement nous risquons de le payer pendant encore quelques années.

  8. @ yoyo :
    Je n’ai fait que reprendre le chiffre de la croissance dont tous les médias et politiques faisaient écho à l’époque…
    je n’a volontairement pas voulu entrer dans le détail purement économique, ce billet n’est que le préambule à une approche « simplifiée » de la situation pour les « non initiés » au cadre économique.
    Cependant, merci d’avoir apporté votre précision.

  9. [b] »Une Espagne, dont on minimise sciemment la situation globale,
    pour ne pas effrayer plus les « marchés » et autres agences de
    notation, qui dissimule en son sein une bombe à retardement
    économique liée à l’hécatombe du crédit immobilier dans le
    secteur bancaire »…[/b]
    [url]http://www.pauljorion.com/blog/?p=8148[/url]

  10. UMP complice :
    exemple de contamination :
    « MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DE L’ÉNERGIE, DU DÉVELOPPEMENT
    DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE
    DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NÉGOCIATIONS SUR LE CLIMAT
    Arrêté du 19 janvier 2010 autorisant la société
    [b]Goldman Sachs International[/b] (GSI)
    à exercer l’activité de fourniture de gaz »

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