et les jeunes qui les regardent jalousement.

 

 

Dire à quelqu’un qu’il est vieux marque une attitude inélégante, pour ne pas dire de l’irrespect, de la part de celui qui le dit, la vieillesse est une évolution naturelle, et le dire de façon péjorative est vexatoire. Pour une jeune de 20 ans un vieux est souvent celui qui tient un langage hors de l’époque, non branché comme on dit, et on l’entend souvent clamer d’un air dépité, c’est un vieux pour marquer qu’il n’est déjà plus là. C’est donc des générations qui se confrontent avec des décennies d’écart. Ce n est pas comme beaucoup le clament un conflit de génération, c’est tout simplement que les raisonnements sont différents, «le jeune» ne voit pas les choses comme «le vieux», et c’est bien normal. Les années ont tanné le raisonnement du jeune le faisant devenir vieux, il a donc un regard sur la vie autre que celui qu’il avait lorsqu’il était jeune. En fait, c’est le jeune qui est dans l’époque, le vieux subsiste, s’accroche, et c’est pour cela qu’il reste jeune. Mais le vieux a l’expérience de l’âge ce qui le place comme un guide pour la jeunesse, et cela se remarque notamment dans des pays musulmans ou il est entendu, écouté et respecté. Le vieux c’est bien souvent celui qui sait, et le jeune sait qu’il sait.

Au cours de mes treks à quelques endroits de la planète j’ai pu apprécier le respect du vieux. On venait me voir pour me demander, alors que mes compagnons, beaucoup plus jeunes, étaient tenus à l’écart. C’est donc une question de culture familiale, qui dans nos pays, dits avancés, n’est plus de mise. On quitte le foyer familial pour vivre sa vie, parfois un peu trop tôt, alors que dans ces pays l’attachement à la famille est d’un lien bien plus solide.

En fait, sait-on quand commence la vieillesse, il n’y a pas de seuil a franchir, elle commence dès la naissance, c’est une évolution continue qui peut s’écouler par paliers dans lesquels le corps et l’esprit restent stables. Le corps se développe en même temps que l’esprit, mais déjà le corps se charge de tout ce qui va le dégrader, tandis que l’esprit se cultive. Le corps vieillit donc plus vite que l’esprit, c’est pour cela que les vieux restent jeunes souvent dans leur tête, jusqu’à bien sûr ou l’âge fini par tout dégrader.

Mais jamais corps et esprit, ces deux variables de l’état humain, ne retrouvent leur qualité d’avant, c’est tout simplement une évolution irréversible, l’entropie du corps ne fait qu’augmenter. C’est, par analogie, ce que nous apprend le principe d’évolution de la thermodynamique qui, d’une façon générale marque scientifiquement la dégradation d’une évolution. La grande différence entre une évolution physique et le corps humain, c’est que celui-ci peut se régénérer de lui-même, se réparer en quelque sorte, tandis, que dans le cas de la chose physique, il faut y apporter de l’énergie. Mais l’évolution analogique est évidente.

Le monde évolue, il ne revient pas en arrière, il n’y a pas de feedback, tandis que les humains, comme la nature, se régénèrent dans un cycle de vie. C’est un phénomène qui ne cesse pas mais qui compromet l’existence de ceux qui sont encore en vie puisque le nombre d’humains sur terre ne cesse d’augmenter.

En fait on ne dit plus vieux, mais «séniors» c’est plus élégant, le terme «vieux» serait presque insultant. Pour les retraités on emploi le vocable «personnes âgées», pour les copains d’école «les anciens», et pour la famille «les aînés». Le langage s’est démocratisé, modernisé, mais finalement il signifie la même chose pour un jeune, c’est le «vieux».

C’est vrai que les jeunes les regardent jalousement quand ils constatent qu’ils prennent la vie à pleins bras après leur retraite. Les progrès de la médecine, l’augmentation de l’âge de la mort par une meilleure qualité de vie qui, avec le progrès, font qu’ils restent en forme plus longtemps qu’avant. Il y a plus de 50 ans, on ne pensait pas que l’an 2.000 serait accessible pour les âgés de l’époque. Ne voit-on pas des séniors sac sur le dos arpenter les sentiers de randonnée, visiter le monde dans une soif de liberté et de connaissances ? Cette qualité de vie fait dire, aux jeunes, qui voient que leurs conditions de vie de futur retraité seront très affectées par nos conditions économiques actuelles, ne leurs permettant pas cette retraite dont les séniors, assez vieux, sont nantis, ayant bénéficié des 30 glorieuses. Mais, il faut distinguer, tous les retraités ne sont pas dans les mêmes conditions ce qui limite le raisonnement. Combien sont ceux qui galèrent avec même pas de quoi vivre et se soigner décemment. Et ceux là, leurs montrent ce qui les attend.

Il faut aussi dire, que ceux de mon âge subirent les années de souffrance de la guerre et de l’après guerre, ce que les jeunes ne connaissent pas. Mais ces années difficiles furent en fait une chance qui leur permit, par l’expérience qu’ils en tirèrent de résister à une évolution économique et technologique sans précédent qui balaya et balaye encore tout, dès lors, qu’ils comprirent qu’il fallait s’adapter, ne pas faire d’excès, et qu’une vie saine était porteuse d’espoir.

Le problème du chômage est crucial, les vieux qui vivent de plus en plus âgés mobilisent les emplois, conduisent à un conflit de génération. L’article du Monde diplomatique, une planète grisonnante par Jérôme Pellissier, la crainte de la vieillesse et l’obsession économique conduisent à déformer la réalité. «On majore toujours le nombre de ceux que l’on rejette». La France compterait aujourd’hui d’avantages de mineurs, 14 millions, et de personnes de plus de 65 ans, environ 11 millions. Et trois fois plus de jeunes, 30 % de la population à moins de 25 ans, que de vieux 9 % à plus de 75 ans. Pour Jérôme Pellissier, la population se répartira globalement en trois tiers, avec une proportion identique de moins de 30 ans, de 30-60 ans et de plus de 60 ans. Tous les âges seront représentés en 2060.

2060 cela fait 47 ans de plus, si l’on considère que la médecine et les conditions de vie permettent une plus grande espérance de vie, il faut se poser la question de ces vieux qui ne meurent pas, et qu’il faudra bien nourrir et aider. Une espérance de deux années pour les hommes et de trois années pour les femmes tous les dix ans, en 2060 c’est en moyenne 12,5 années de plus l’augmentation de la vie de la population française. C’est une toute autre société qu’il faudra construire, à moins que d’ici là, on fasse ce que la nature fait de moins en moins c’est à dire un grand conflit qui donne de la place.