Les sarkozyens : la belle vie en Colombie

Ce n’est pas bien du tout de pomper les confrères, mais, là, pour évoquer les débuts de l’enquête de Karl Laske et Fabrice Arfi, de Mediapart, sur « les secrets du clan Sarkozy » (premier volet de trois), sauf à ce que Come4news m’offre le billet vers Nilo (et la base aérienne Tolemaida), Google Maps ne me suffira pas pour vous décrire les retraites idylliques de Thierry Gaubert et Jean-Philippe Couzi. Il y a comme un « cactus » pour trouver d’autres sources… aux rives du rio Pagüey.

C’est titré « En Colombie, le palais caché d’un homme du président ». Pas bidonné, mais il ne faut rien exagérer : comparée à La Lanterne, la finca Cactus, de Thierry Gaubert, reste modeste. La Palmera, de Jean-Philippe Couzi, décrit « numéro 2 de LVMH », souffre mieux la comparaison. Mais les deux demeures pouvaient recevoir du beau linge sans qu’il se sente à l’étroit dans une lessiveuse (à billets ?). Laske et Arfi, de Mediapart, citent (dans l’ordre) :
• Ziad Takieddine (intermédiaire dans diverses affaires industrielles, d’armement ou autres) ;
• Olivier Dassault (parent du constructeur du Rafale) ;
• Alexandre de Juniac (ancien du cabinet de Sarkozy au Budget, Air France actuellement) ;
• Jaïme Luis Vargas (médecin, résident local lui aussi) ;
• Andres Pastrana (ancien président colombien) ;
• Juan Manuel Santos (actuel président colombien) ;
• Jorge Enrique Mora (général, ex-chef d’état-major) ;
• Teodoro Ocampo (ex-directeur général des polices colombiennes) ;
• Astrid Bettencourt (sœur d’Ingrid, ex-épouse J.-Ph. Couzi) ;
• Juan Carlos Lecompte (ex-mari d’Ingrid Betancourt).
Peut-être aussi Maria Lucia Ramirez (ministre de la Défense).

Or donc, la finca Cactus, du nom « du mot de passe de son ordinateur, de son compte de courriel, de son iPad, et d’un trust ouvert aux Bahamas », est la bâtisse érigée sur un hectare de selva colombienne pour accueillir Thierry Gaubert, Hélène Gaubert, ci-devante de Yougoslavie, princesse, et Nastasia, leur fille. Bon, à moins d’avoir construit ric-rac en limites de l’hectare, ce doit être un peu plus grand, puisque selon Hélène Gaubert, la maison couvre dans les mille m².
D’autant plus qu’une ancienne gouvernante fait état d’une trentaine de chevaux et de vaches, qui ne devaient pas être des poneys ou des vachettes d’appartement. Les bestiaux batifolaient aux abords d’un lac artificiel.

 

Le voisin, Couzi, a fait construire une retraite un peu plus importante, genre monastère, avec colonnades, &c. Mais tout cela revient assez cher. Comptez 50 000 dollars pour l’entretien, pour tenir un an (sans travaux prévisionnels, précise un document que reproduit Mediapart). Gaubert, qui a dû peut-être réduire la voilure, a déclaré que 30 000 euros lui suffisent, à la louche, pour entretenir la demeure… annuellement, bien sûr. Et dire qu’on se plaint des charges locatives, des syndics parisiens.

Mais, après tout, pourquoi pas. Sauf que la finca des Gaubert n’avait jamais été déclarée au fisc français. 

Sauf que le prochain épisode s’intitule « l’album de voyage du clan présidentiel ».
Le troisième, danseuses et Chippendales pour les croisières du clan présidentiel ?
Juste une précision finale qui n’a bien sûr rien à voir.
Transparency International classe la France au vingt-cinquième rang (sur 182 pays, derrière bien sûr les pays scandinaves) pour la corruption et l’évasion fiscale. Ce n’est pas (déjà) dans Mediapart, mais ailleurs, et vous retrouverez facilement.

Portes (virtuelles) ouvertes

Jaloux de n’avoir pas été convié(e) chez les Couzi ou les Gaubert ? Vous pouvez vous rattraper avec la journée portes (virtuelles) ouvertes de Mediapart.

À mon humble avis, c’est ouvert aux non-abonné(e)s, peut-être histoire de récupérer vos adresses de courriel et vous faire des propals d’abonnement.
C’est demain 2 décembre et voici le lien vers « Mediapart ouvre ses portes… numériques ».
Pas d’huissier à l’entrée, pas trop de frais d’entretien après le passage des invité(e)s.
Je ne sais si on vous ouvrira l’album de famille des Gaubert.
Pour vous faire saliver, voici les légendes des photos de l’article ci-dessus :
« la guérite qui protège l’entrée de la propriété de T. Gaubert » ;
« le balcon de la maison Gaubert » (aurait gagné à être « l’un des balcons… ») ;
« le patio et sa fontaine » ;
« le lac artificiel chez les Gaubert » ;
« la propriété de Couzi, en 2003, avant qu’une tour ne soit édifiée ».

Tiens, si on veut faire travailler des gens en RSA ou en ASS, à 150 dollars du mois (dont 75 de la quinzaine, car ils doivent pouvoir chercher du travail), pourquoi ne pas en placer à la finca Cactus ? Frais de transport assurés par l’employeur. Régimes de bananes en libre-service dans les environs.

Second volet

Tant qu’à expédier deux envoyés spéciaux en Colombie, autant ne pas se contenter d’un seul papier. Or donc, ce vendredi 2 décembre, Mediapart en rajoute sur la finca de Gaubert. Avec notamment des photos de visiteurs, dont Takieddine. Qui sait rendre la pareille dans sa coquette propriété du cap d’Antibes. Photo aussi avec Olivier Dassault, se livrant aux joies du jardinage avec Takieddine dans la selva. Histoire de manier la machette pour faire gaucho ou défricheur de pampas. La vie s’écoule, ponctuée de promenades à cheval, de tournois de billard, de visites des bases aériennes militaires voisines. Nouveau voisin bientôt : Thierry de la Brosse, qui s’offre une charmante demeure à proximité.

Peu d’infos vraiment nouvelles dans ce second volet (quelques-unes quand même dont j’attendrais sans doute en vain qu’elles soient reprises et développées dans Le Figaro des Dassault). Mais les documents ont valeurs démonstratives. Les amis et proches de ceux qui vont nous prêchi-prêcher la rigueur, l’austérité, n’auront sans doute pas trop à se l’appliquer à eux-mêmes. Ils ne vont quand même pas réduire les rations de leurs perroquets ramenés en souvenirs.
« Regarde les riches… », qu’elle chantait, la Kaas. Eh bien, on voit. Pédagogique pour celles et ceux ne sachant pas trop, et qui croient que les excentricités sont réservées aux footballeurs, aux vedettes de l’écran, et à quelques rejetons, enfants terribles des familles royales ou princières.

Comme le dit Olivier Todd (encore sur Mediapart), la gauche, « contrainte d’être plus offensive, devra désigner le véritable ennemi: la nouvelle oligarchie, le nouveau système de pouvoir, les nouveaux rapports de classe… ».

Il y a quand même un signe. 20 minutes reprend les infos du reportage de Mediapart. L’Express pas encore, mais nul doute que lorsque les avocats en partie civile du procès de Gaubert (pour les histoires de détournement des fonds du 1 % logement du 92, qui seront débattues le 7 février devant le tribunal de Nanterre) produiront les photos des fincas, il y sera sans doute fait de nouveau allusion. De même seront sans doute évoqués les retraits de Gaubert en Suisse, confirmés par le banquier Mauricio Safdié.

Quand vous constaterez la débauche de documents électoraux de l’UMP pour faire réélire Sarkozy (à moins que des affaires ne le rattrapent avant mai), ayez une pensée émue pour la villa de Gaubert en Colombie. Vous n’allez quand même pas ruiner les ambitions de ces amphitryons exquis qui savent si bien recevoir. Des gens pourtant simples, qui traînent eux-mêmes parfois le cabas au marché si pittoresque de Girardot, la ville voisine de Nilo. Avec une discrète élégance (chaussures blanches assorties au polo, short bleu ciel pour Takieddine). Des hôtes amènes et débonnaires avec la domesticité, qui regrette leur absence et leurs contributions directes au développement durable local. Bien sûr, bien sûr, pour celles aux dépenses de fonctionnement des écoles et des hôpitaux en France, c’était moins évident. Mais tout cela, ce sont de si vieilles histoires… Il n’y a que des méchants, des envieux, des fielleux, pour remuer ce riant passé, c’est sûr. En 2012, sachez voter pour la tradition du bon goût, du chic, du sémillant… Avec eux, c’est sûr, vous aussi, vous l’aurez, votre finca en Colombie : il suffit de retrousser ses manches.

Troisième volet : Nibar et Nichon
À Nilo, Cactus-Gaubert avait ouvert le Nibar, et Palmera-Couzi, le Nichon. Deux bars, financés on ne sait trop comment. Diverses opérations hors sol (offshore) ont aussi été menées par les deux amis et voisins avec pour couvertures Monahan International et Airedale Business. Divers commerces ont aussi été acquis à Nilo, dont un El Pollo frances (commerce de poulets, pas vraiment de Bresse). En tout cas, il y en a eu, dans l’entourage de Sarkozy, à traire les deux mamelles de la France. Au point de les nommer Nibar et Nichon ?

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !