Le roman historique est un genre à part, qui connait un regain d’intérêt ces derniers mois. Et pourtant….

Son existence n’est pas nouvelle, et pourtant on ne cesse de découvrir, que le genre du roman historique réussit, mieux que d’autres types de littérature, à traverser la crise. Serait – ce à dire, qu’il s’agit d’un goût immodéré des Français pour l’Histoire ? Je ne crois pas, même si il est indéniable, qu’un roman historique nous apprend, dans la majorité des cas, quelque chose (sans citer aucun nom, précisons tout de suite, que certains romans historiques relèvent plus de la science fiction que de la narration de notre passé). Pas toujours la grande Histoire, mais parfois celle plus quotidienne, moins éblouissante et pourtant tout aussi enrichissante. Ainsi, à la lecture du très documenté Les Révoltés de Cordoue (Ildefonso Falcones. Paris. Robert Laffont. 2009.876 pages), on en apprend moins sur la révolte des Maures de Grenade dans cette fin du XVIème siècle, que sur la vie des musulmans (persécutés par les chrétiens), et cet éclairage reste aussi instructif sur les mœurs de l’époque que la lecture des dernières thèses universitaires (de plus en plus souvent plagiées, malheureusement).

Mais, le succès de Max Gallo  ou encore, dans un autre registre de Mireille Calmel, qui a réussi a émerveillé des millions de lecteurs, s’explique aussi, en partie, par notre besoin de nous évader, de fuir ce quotidien si morose bien souvent. Ce qui signifierait, qu’à chaque crise (financière et /ou morale) , on se réfugie dans les romans historiques, comme un échappatoire. En nous livrant une superbe épopée (L’Oracle della Luna. Paris.2006. Albin Michel), Frédéric Lenoir,  plus connu pour ses écrits de théologie,  répond à cette attente d’évasion, en réunissant l’amour, l’aventure, la religion, le pouvoir, le tout sur un fonds historique fort bien documenté.

Le roman historique n’est pas qu’une simple transposition d’une intrigue dans le passé, et on se désole en parcourant certains romans, qui n’ont su, faute d’érudition (et donc de travail), nous faire ressentir cette exploration du passé. Il ne suffit pas d’aligner les dates, et les personnages, pour faire d’un mauvais récit un bon roman historique. Walter Scott l’avait déjà fort bien compris, et à sa suite, de nombreux auteurs se mirent en quête de cette « grâce ». Ainsi, en est-il peut être d’Umberto Ecco, qui nous plonge non pas dans l’histoire médiévale, mais dans le monachisme franciscain, s’opposant aux fils de Saint Benoit. Le nom de la Rose  n’est pas un traité monastique, et pourtant il nous familiarise avec le quotidien des abbayes médiévales, et de la rhétorique, si chère aux bénédictins.

Preuve supplémentaire du succès du roman historique, de grands auteurs américains, spécialisés dans la multiplication des best seller , se sont lancés dans la voie, avec la création, parfois, de héros récurrents. Cotton Malone n’est –il pas le récipiendaire de l’imagination sans borne (en apparence) d’un Steve Berry, plus écrivain qu’avocat , ces livres se lisent avec gourmandise, car il a su transposer une culture monumentale dans un schéma traditionnel de récit policier. Le plaisir est garanti, même si je dois bien avouer, qu’après avoir lu tous ses livres, la répétition du schéma en devient par trop lassante et monotone.

Pourquoi écrire un article sur le roman historique ? Pourquoi pas ? Plus sérieusement, passionné de lecture, j’affectionne particulièrement ce type de récit (sans rejeter, bien au contraire, les autres), et me désole de voir parfois de petits bijoux ignorés de tous, et condamnés par les critiques.  Ainsi, un couple d’italiens publia, en 2002, un chef d’œuvre du genre : Imprimatur (Paris. 2002. Lattés). Aussitôt traduit et publié en France, le livre de Rita Monaldi et Francesco Sorti fut très rapidement attaqué par le Saint Siège. Aussi, le 2ème opus mit un peu plus de temps à être publié (Secretum), alors que les 5 derniers (l’ensemble des 7 titres devant alors former une phrase latine, titre de l’œuvre titanesque) ne le seront peut être jamais, même si on en trouve trace en Allemagne.

Comme quoi, le roman historique, pour exister, doit se jouer de bien des pièges, et contrairement à une idée répandue, il est plus facile de se fâcher avec bien du monde en ressassant le passé qu’en se moquant du présent.