Les Robin des bois écopent de 15 jours pour vol aggravé

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Mylène, Antoine, Hugo, Nora, Benjamin, Andy et Elodie. Les sept jeunes Robin des bois comparaissaient hier devant le tribunal correctionnel pour vol aggravé commis dans le cadre d’une opération d’auto réduction au supermarché Casino de l’avenue Honoré-Serres, le 11 mars dernier. Une opération revendiquée d’auto réduction, c’est-à-dire de réappropriation des richesses en vue d’une redistribution aux plus pauvres, qui a valu à ses auteurs le surnom de Robin des bois.

Ce jour-là, dans un contexte social, une cinquantaine de personnes entrent donc dans le supermarché Casino de l’avenue Honoré-Serres. Un premier groupe remplit huit chariots pendant que le second bloque les caisses. Le « raid » dure quatre minutes selon la caméra de vidéosurveillance.

Aux cris de « De l’argent il y en a dans les caisses du patronat », les Robin ressortent avec sept chariots qu’ils commencent à redistribuer à des passants, place Arnaud-Bernard.

Puis ils se dirigent vers le Capitole mais n’ont pas le temps d’y parvenir.

À  Saint-Sernin, les policiers interviennent. À défaut d’avoir tous activement pris part à l’action, et en tout état de cause sans en être les instigateurs, les sept jeunes gens qui comparaissaient hier sont interpellés par la police qui cible ceux qui poussent ou se trouvent à proximité des chariots.

À noter que la quasi-totalité des marchandises, d’un montant d’environ 3 000 €, a été restituée au supermarché.


 Or la question qui se pose est : Faut-il les sanctionner durement pour une action symbolique, politique, voire morale pour une partie de l’opinion, consistant, en raccourci, à voler aux riches – la grande distribution – pour donner aux pauvres ? La question a traversé une audience d’une grande sérénité, alors qu’à l’extérieur du palais de justice les forces de l’ordre gardaient un œil inquiet sur les dizaines de personnes venues soutenir les sept jeunes gens. Une audience aux accents paternalistes jusqu’aux réquisitions du procureur, Olivier Kern. « Je leur tends ce défi : un ajournement de peine pour apprécier si, dans un délai d’un an, ils ont montré leur volonté de reclassement. Que cette audience serve à leur fournir un complément de maturité », espère-t-il.

À défaut de les dédouaner, même l’avocat de Casino le reconnaît : « Ce ne sont pas ceux-là, les organisateurs», dit Me Marty « Derrière, il y a des gens, peu nombreux – peut-être y en a-t-il dans cette salle – qui se servent de leur crédulité pour les envoyer au massacre. Des gens qui poursuivent un autre but. Le film de vidéosurveillance montre des meneurs de 35 à 40 ans. »  Jean-Pierre Vergne quant à lui  résume  la situation en déclarant : « S’il n’y a pas de réponse de la société à ce type de comportement, ça peut être la porte ouverte à n’importe quoi. »

À la vérité, tour à tour à la barre, les sept Robin des bois ne présentent pourtant pas ce profil de proies aisément manipulables. Sont-ils révolutionnaires ? Pas forcément. Révoltés ? Sans aucun doute, car précaires, rappellent leurs avocats, MesZapata et Heybert. Mylène, Antoine, Hugo, Elodie, Benjamin, Nora et Andy sont en effet étudiants en philo, en lettres classiques, sans emploi, ou animateur pour 400 € mensuels.

Quoi qu’ils en discutent la forme et en reconnaissent la mauvaise organisation, aujourd’hui, tous persistent à revendiquer une action qu’ils ont suivie en conscience.

Les sept Robin des bois  regrettent la forme mais revendiquent toujours le fond :

Élodie : « C’est évident qu’on a tous été dépassés par la situation. Mais ça avait du sens pour moi. »

Andy : « C’était une action politique. On ne prenait pas à M. Casino mais à une société symbole. Sur la forme ça a été un véritable échec. Mais le fond est justifiable. »

Benjamin : « Je me suis dit que c’était une bonne action de donner à manger à des gens qui ont faim. Je me suis senti concerné. »

Nora : « J’assume. Cette action était symbolique, légitimée car de plus en plus de personnes n’ont rien à manger. » Vol ou redistribution ? s’interroge le président Vergne en rappelant que les chariots ne contenaient pas que des produits de première nécessité mais aussi du champagne, du whisky, du saumon… bref de quoi faire la fête entre manifestants plutôt que de nourrir les pauvres. Un mini-dialogue démarre avec Nora. Le président Vergne : « A qui vouliez-vous redistribuer ? » Nora : « Aux plus nécessiteux. » Le président : « Comment savez-vous qu’ils le sont ? » Nora : « On a distribué aux SDF dans la rue. » Le président : et après ? Nora : « Il y en a déjà beaucoup. » Rires dans la salle.

Mylène : « Je trouve ce genre d’actions justifiable parce des gens n’ont rien à bouffer. Je ne le referais peut-être pas dans ces conditions. »

Antoine : « J’ai fait ça parce que j’ai faim, que je suis SDF et sans travail. Je ne regrette pas le fond de l’action. »

Hugo : « J’y suis allé sans avoir exactement en quoi consistait l’action. Mais je la revendique, même si je ne recommencerais pas sous la même forme. »