I. Les Emberas

La communauté indienne embera est constituée de nomades qui transitent sur les terres de Colombie, du Panama, de l’Équateur et du Costa Rica. Elle est constituée d’environ 60.000 individus qui tentent de préserver leur culture ancestrale et de survivre dans un monde qui les dépasse. Leur nom signifierait « les gens du mais ».

Selon leur emplacement, l’Embera se classe lui-même en différentes communautés : il sera Dóbida s’il vit aux bords d’une rivière, Pusábida s’il habite près de la côte, Oíbida dans les forêts, Eyábida dans la savane et enfin Chamí s’il réside dans la Cordillère.

En Colombie, la communauté embera est présente dans plusieurs départements, notamment dans celui du Risaralda, où je réside actuellement. Comme nous sommes dans la cordillère des Andes occidentale, il s’agit donc d’Indiens emberas chamí.

Ils vivent en petits groupes familiaux dans des villages éphémères. Lors de nouvelles alliances matrimoniales, ou lorsque des querelles surgissent au sein d’un groupe, il est fréquent que certains membres quittent le village pour en reconstituer un autre un peu plus loin.

Les Emberas pratiquent l’horticulture itinérante ; ils vivent également de la pêche, de la chasse et de la cueillette. À cause de l’envahissement de leurs terres par le monde moderne, de la déforestation massive et de leurs contacts permanents avec la société dite « civilisée », de nombreuses communautés emberas sont devenues sédentaires et certains de leurs membres travaillent même comme journaliers au sein des plantations de café.


II. Les Emberas et la société moderne

Malgré cette promiscuité avec la civilisation, les Emberas conservent leurs traditions et surtout leur vision plus « spirituelle » de l’univers. En effet, un aspect très important de la vie de ces Amérindiens est leur relation continue avec le monde des esprits, des puissances magiques qui gouvernent le monde, dirigent les vies, envoient fléaux ou abondance, maladie ou bonne santé.

Pour protéger ces peuples et leurs croyances, la Constitution colombienne leur a accordé des territoires autonomes censés protéger leur mode de vie ancestral et les autorisant à rendre justice selon leurs propres lois. Différents programmes luttent également pour garantir l’enseignement et la survie des langues primitives.

Hélas, la cupidité des hommes se moque des lois, et les Indiens doivent lutter contre les bûcherons illégaux attirés par les bois exotiques, contre les mineurs improvisés qui sondent leurs rivières ou creusent leurs terres à la recherche d’or ou de pierres précieuses, contre les narcotrafiquants et leurs champs de coca et contre les différentes guérillas ou groupes paramilitaires qui se rient des flèches et des lances de ces « emplumés ».

Cet état de fait est la cause de nombreux affrontements et différents entre les Indiens et le gouvernement colombien chargé de faire respecter les lois sur l’ensemble du territoire et devant donc garantir et protéger les régions autonomes… ce qu’il est bien entendu encore incapable de faire dans les régions les plus reculées du pays, préférant sans doute conserver ses troupes pour défendre villes et villages.

Une autre source de frictions provient de la justice indienne souvent plus « expéditive » que les systèmes juridiques modernes (de nombreuses communautés andines pratiques encore la mise à mort par lapidation).

Bien que la Constitution colombienne précise en son article 246 de la Loi de 1991 sur les peuples indigènes : « Les autorités des peuples indigènes peuvent exercer les fonctions juridiques dans leurs territoires, en conformité avec leurs propres normes et procédures, pour autant que celles-ci ne soient pas en contradiction avec la Constitution et les lois de la république », le gouvernement national éprouve des difficultés à faire respecter son point de vue sans que les choses ne dégénèrent.

Il en est de même avec certaines de leurs coutumes ancestrales qui peuvent nous choquer par leur violence en ce début de XXIe siècle, coutumes que nous nous devons de combattre comme les Conquistadores ont lutté contre les rituels impliquant des sacrifices humains.

Ainsi, nous nous trouvons confrontés à un dilemme quasi insoluble où il nous faut choisir entre défendre des peuples ayant une culture totalement différente et une vision de l’univers plus respectueuse que la nôtre et notre désir naturel de faire respecter ce qui nous semble juste et correct comme les droits de l’homme et l’égalité entre les sexes.

Sources :

Robert Mykle, Colombia’s Sierra de la Macarena, août 1998
Kate Warburton, Embera fear complete extinction of culture, juillet 2009
Hernández Camilo, Emberás. Territorio y Biodiversidad, Programa Semillas, 2001
Teresa Severino, Creencias , usos y costumbres de los indios Emberás, Programa Semillas, 1989
Davantage d’autochtones déracinés en Colombie, HCR, mars 2009