Ce qu’on ne vous dit pas dans les médias et qui risque de causer notre perte, les dessous d’une crise hellénique qui n’est que l’arbre qui cache la forêt. Aux manettes la plus grande banque d’affaires américaine et mondiale, Goldman Sachs, épaulée par JP Morgan (le banquier-conseil des gouvernements américains) qui joue un double jeu : d’un côté elle a aidé le gouvernement grecque a dissimuler sa dette et de l’autre sachant que le révéler (« pas folle la guêpe ») va conduire à la chute de l’euro, elle spécule à terme sur la monnaie unique en vendant de l’euro, pour le racheter plus tard à son plus bas… CQFD

Cette banque accusée mi-avril 2010 d’avoir vendu volontairement à ses clients en 2007 des « junk bonds » (obligations pourries) et autres produits financiers complexes ayant comme support les crédits hypothécaires subprime – pour le compte du fonds d’investissement Paulson & Co, qui pariait sur la chute des prix immobiliers, et donc de la valeur des titres en question (voir détail plus loin) –, est le principal instigateur de la dissimulation de la dette grecque, pour lui permettre d’entrer en 2001 dans la zone euro.  En effet, celle-ci qui n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine de la malversation – elle a été accusée d’avoir précipité la faillite de l’assureur AIG en 2008, tout en bénéficiant de son sauvetage par l’Etat américain –, a aidé le gouvernement égéen à cacher la réalité de sa dette dès le début des années 2000. Pour y arriver elle a utilisé la sophistication des produits dérivés qui trônent sur marchés financiers, en titrisant[1] (transformant) la dette de la Grèce sous forme de CDO[2] et CDS[3]. L’affaire a été révélée par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel du 8 février 2010 puis le 14 par le New York Times.

« Le New York Times rapporte qu’avec l’aide de Goldman Sachs, la Grèce a pu dissimuler pendant des décennies des milliards d’euros de dette sans que celle-ci ne figure en tant que telle dans la comptabilité européenne. D’après le journal, début novembre 2009, soit trois mois avant qu’Athènes ne devienne l’épicentre d’une « angoisse financière globale », une équipe de Goldman Sachs arrive dans la capitale hellénique avec une proposition très moderne visant « à dépanner un gouvernement en proie à une crise budgétaire ». L’équipe, dirigée par le président de Goldman, Gary D. Cohn, propose de « reporter la dette du secteur de santé de la Grèce à plus tard, un peu de la même façon qu’un deuxième crédit hypothécaire permet à l’acheteur d’une résidence de combler son déficit provenant de sa carte de crédit ».

« Dès 2001, après la décision de la France et de l’Allemagne de faire entrer la Grèce dans la zone euro, Goldman avait arrangé plusieurs milliards de crédits pour l’Etat grec. Ces accords, conclus dans le plus grand secret, furent présentés comme des ventes, non comme des dettes, et permirent à Athènes de donner l’impression de respecter les critères de convergence imposés à tout pays membre de la zone euro. Selon le Times, un montage élaboré par Goldman Sachs en 2001, par le biais de swaps de devises, aurait notamment permis au gouvernement grec, juste après l’adhésion d’Athènes à l’union monétaire, d’emprunter plusieurs milliards en « dissimulant la transaction aux yeux du public ». Ce schéma, parfaitement légal, aurait aidé la Grèce à respecter les règles imposées par Bruxelles en matière de déficit. Goldman Sachs aurait perçu, au passage, quelques 300 millions de dollars de commissions. »

« Selon Der Spiegel, Goldman Sachs aurait mis au point en 2002 un produit financier dérivé, un swap de devises (« cross-currency swap ») qui aurait permis à la Grèce de mettre en place un emprunt qui n’apparaît pas dans les statistiques officielles. Comme dans la crise des subprimes et l’implosion de l’affaire AIG, écrit le Times, « les produits financiers dérivés ont joué un rôle dans l’explosion de la dette grecque. Goldman Sachs, JP Morgan Chase et une vaste palette d’autres banques permirent aux autorités grecques, italiennes et éventuellement d’autres à camoufler des emprunts supplémentaires. Dans des douzaines de contrats dans toute l’Europe, les banques ont troqué leur offre de cash en échange de recettes futures des gouvernements (…) Par exemple, la Grèce a hypothéqué les recettes provenant des taxes aéroportuaires (en créant la structure Aeolos en 2001) et de la loterie (en créant Ariadne en 2000). » Donc, si la Grèce est tant attaquée aujourd’hui, c’est en partie parce qu’elle cherche à se défaire de ces combines. » En 2002, à la même époque où Goldman Sachs aidait la Grèce à camoufler sa dette pour entrer dans la zone euro moyennant plusieurs centaines de millions de dollars d’émoluments (comme dans l’affaire Madoff les chiffres ne cessent de grimper), il faut savoir que le vice-président Europe de Goldman n’était autre que Mario Draghi, devenu depuis gouverneur de la banque centrale d’Italie, qui a vu récemment le poste de président de la BCE (Banque centrale européenne) lui passer sous le nez… [4]»

Suite à l’affaire des subprimes en 2007, Goldman Sachs fait l’objet de plaintes de la part de la SEC (autorité des marchés financiers américains), bientôt du gouvernement allemand et a comparu devant la sous-commission d’investigations du sénat américain le 27 avril 2010. Pour Les Echos[5], derrière la plainte de la SEC, « c’est un gigantesque conflit d’intérêt au sein de la banque la plus profitable de Wall Street qui est visé ». Peut-on accepter qu’une banque, tout en prétendant le contraire, fourgue des « actifs toxiques » à ses clients, tout en faisant de l’argent en spéculant sur l’effondrement des « bonnes valeurs » qu’elle vient de vendre ! « D’après le journaliste du Wall Street Journal Gregory Zuckerman, c’est début 2007, donc bien avant l’effondrement du marché immobilier, qu’un gros spéculateur, John Paulson, fondateur du hedge fund Paulson & Cie, fait, grâce à l’aide de son associé italien Paolo Pellegrini, un transfuge de Lazard, fait l’audacieux pari de la baisse du marché immobilier. Paulson fait alors appel à Goldman Sachs pour « trouver des pigeons pour leur dire que le subprime, c’est génial », résume un ancien trader de la Société Générale. « C’est l’usage le plus cynique de l’information de crédit que j’aie jamais vue. Lorsque vous achetez une protection contre un évènement que vous contribuez à susciter, c’est comme si vous achetiez une assurance incendie sur la maison de quelqu’un d’autre avant d’y mettre le feu », affirme le consultant Sylvain Raynes. » Un français Fabrice Tourre, trader en chef chez Goldman Sachs est au centre du scandale. C’est lui qui a créé ces produits « innovants » plutôt toxiques à très fort effet de levier qui peut conduire à la catastrophe, à l’effondrement de tout le système. Cette gamme de produits dérivés, des CDO, évoqués précédemment, a été vendue à plusieurs investisseurs dont les banques allemandes IKB et néerlandaise ABN AMRO, sans que ceux-ci sachent que Paulson avait activement participé à la composition du portefeuille ni qu’il allait prendre une position inverse (spéculatrice). D’où la décision le 18 avril 2010, du gouvernement allemand d’envisager de poursuivre Goldman Sachs, car la banque IKB avait été sauvée de la faillite en 2008 par l’Etat germanique qui avait injecté dans celle-ci plusieurs milliards d’euros d’argent public.

Il faut savoir que le fameux spéculateur John Paulson possède 2% des actions de Renault et, d’après Les Echos du 19 avril, s’est illustré récemment par un don de 1,5 millions d’euros pour le lancement de la nouvelle Fondation Carla Bruni-Sarkozy à New York ! Sans doute pour moraliser le capitalisme…

Mais, les révélations concernant ce gigantesque casino que sont devenus les marchés financiers qui n’ont pas toujours pas su tirer de leçon de la crise financière et économique qui perdure, ne sont qu’à leur début. On a levé un bout du voile, qui celui-là n’est pas islamique, sur les énormes mensonges que l’on pressentait – DSK disait il y a un an que l’on ne connaissait que 50 % de la vérité sur la situation des banques surtout côté européen et que le pire était à venir[6] –, en fait il ne pensait que ce puisse être les pays qui dissimulaient leurs énormes pertes. L’incertitude que craignent les marchés financiers était déjà difficilement soutenable depuis 2007, mais maintenant c’est la bérézina : la Grèce avec 110 milliards de « découvert », l’Espagne avec 280 millions[7] – peut-être 500 milliards si on en juge par les besoins « en liquidités » de la Grèce qui sont passés d’une dizaine de milliards, disons 45 milliards aux dernières estimations à 110 milliards d’euros –, demain le Portugal, l’Irlande et l’Italie avec des centaines de milliards d’euros à trouver alors qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses du FMI et dans celles des pays européens, qui à leur tour risquent de se retrouver en cessation de paiements. Où va-t-on ? No limit. Si on ajoute qu’il y a des liens étroits (de partenariat) entre une des plus grande banque du Royaume-Uni, Bank of Scotland, et la toute puissante banque espagnole, le Banco de Santander – toutes deux au somment de la hiérarchie européenne des banques et qui se sont illustrées dans l’affaire des subprimes et de Madoff avec des milliards de pertes –, on peut s’attendre au pire sachant que « le roi de l’entourloupe » Goldman Sachs n’est certainement pas très loin derrière pour tirer les marrons du feu. Tout est possible, l’Europe ruinée et Goldman Sachs richissime… Personne n’y croyait et pourtant c’est en train d’arriver les Etats l’un après l’autre font faillite, et il n’y a plus de prêteur en denier ressort pour éviter le naufrage. Aujourd’hui 4 mai 2010, les autorités financières prétendent qu’après la Grèce, on ne pourra pas renouveler l’effort pour un autre pays ! Or, il reste un peu partout des cadavres dans les placards ! Chaque jour, c’est le tourbillon des dettes qui emporte tout sur son passage, on ne sait plus à quel saint se vouer ! Alors quid de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande, de l’Italie puis du Royaume-Uni et ensuite la France ? Que vont faire nos « savants » gouvernements européens et américains pour s’en sortir, lorsqu’on voit que Madame Lagarde, ministre français de l’économie, la veille de l’annonce d’un probable besoin de liquidités de 280 millions de l’Espagne, affirme à l’Assemblée nationale, lors de la présentation du collectif budgétaire intégrant l’aide que versera la France à la Grèce, qu’il est « hasardeux et aléatoire » de comparer la Grèce au Portugal ou à l’Irlande ? et l’Espagne ! Même notre prêteur en dernier ressort le FMI, sauveteur des pays pauvres et des pays en difficultés, n’y peut rien car la banque mondiale est exsangue, étant donné que ceux qui l’alimentent sont ruinés ou en passe de l’être les uns après les autres… Ceux qui sont croyants prieront, les autres se feront hara-kiri !



[1] « La titrisation présente un intérêt évident pour les banques puisqu’elle leur permet de transférer leur excès de risque de crédit à des investisseurs, de la même manière que les particuliers transfèrent le risque de sinistre aux compagnies d’assurances » (Wikipédia)

[2] Collateralised Debt Obligations : Dette collatéralisée par des titres adossés à des actifs (en français). Ce sont les fruits d’innovations financières relativement récentes, c’est-à-dire des titres représentatifs de portefeuilles de créances bancaires ou d’instruments financiers de natures diverses. Au confluent de la titrisation et des dérivés de crédit, ces produits de finance structurée, en plein essor, recouvrent des montages répondant à différentes motivations des institutions financières, celles-ci pouvant chercher aussi bien à réduire leur coût de refinancement ou à exploiter des opportunités d’arbitrage qu’à se défaire de risques de crédit.

[3] Credit Default Swap : Contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs où l’acheteur de protection verse une prime annuelle (calculée sur le montant notionnel de l’actif, de référence ou sous-jacent) au vendeur de protection qui promet de compenser les pertes de l’actif de référence en cas d’événement (problème) de crédit précisé dans le contrat. Autrement dit, c’est une sorte de contrat d’assurance par lequel un établissement financier se protège du risque de défaut de paiement d’un crédit en payant une prime. Ces produits dérivés de crédit ressemblent plus à des options qu’à des swaps.

[4] Nouvelle Solidarité du de 15 février 2010.

[5] 3 mars 2010

[6] Dominique Strauss-Kahn avait estimé fin novembre 2009 qu’il restait "d’importantes pertes non dévoilées" dans les bilans des banques, et appelé à "un nettoyage complet du bilan des banques", notamment les européennes. "50% sont peut-être encore cachées", avait-il dit. "Il se peut qu’il reste des amortissements à passer sur des actifs", mais "tout est transparent" et "ce n’est pas un problème en soi", avait rétorqué Guido Ravoet, secrétaire général de la Fédération bancaire européenne… »

[7] De son côté, le Premier ministre espagnol Jose Luis Zapatero a tenté de démentir le bruit affirmant que l’Espagne allait demander une aide financière de 280 milliards d’euros au FMI. "C’est une folie que d’avancer cela" a-t-il affirmé, depuis Bruxelles, dénonçant des « rumeurs tout à fait intolérables », et martelant que « toute nouvelle spéculation sur la zone euro est sans fondement, irresponsable ». Mais rien n’y a fait: les bourses ont au contraire accentué leur chute. Et ce d’autant que Wall Street s’est mis de la partie. Le Dow Jones abandonnait 1,97% et le Nasdaq 2,99% vers 15H45 GMT (L’Expansion.com, dépêche Reuters, le 04/5/2010).