Dans mes précédents articles sur l’Egypte, j’ai beaucoup parlé des pyramides de Gizeh et peu du Nil.
Or ce fleuve était, pour les Egyptiens de l’Antiquité, un dieu en ce sens que toute la vie des habitants de l’Egypte ancienne était non seulement associée, mais rythmée par la crue du Nil.
Cela tient au fait que ces habitants étaient, pour la plupart, des paysans ou des cultivateurs qui s’étaient installés près des points d’eau, et notamment le long de ce Nil qui traverse l’Egypte du sud au nord.
C’est le moment de préciser que cette Egypte ancienne naquit, comme tous les autres pays à cette époque, de la fixation de tribus qui étaient jusque là nomades, sur des terres qu’ils se mirent à cultiver dès qu’ils maîtrisèrent l’agriculture; ces terres qui, en étant plus prolifiques, près des points d’eau, qu’ailleurs – à cause de l’apport de l’eau, précisément – poussèrent les nomades à se fixer à proximité.
Et comme toutes les tribus ne se fixèrent point, l’Antiquité connut une période de son histoire durant laquelle les hommes étaient des nomades ou des sédentaires.
Et si, parmi les tribus nomades, il existait une hiérarchie en ce sens que certaines tribus formaient une confédération dirigée par les Anciens les plus sages – et donc les plus aptes à diriger la communauté – il se trouve que, parmi les peuples sédentaires, cette hierarchie sera plus grande encore.
C’est ainsi qu’il va se constituer, sur les terres occupées et travaillées par les agriculteurs, une société de plus en plus structurée, avec un pouvoir à deux têtes composé d’une part du roi et de ses assesseurs, et d’autre part des prêtres, étant précisé que le roi ou le prince était lui-même, en ce temps-là, le premier prêtre de sa communauté.
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Dans le cas de l’Egypte antique, les choses se prèsentèrent de la façon suivante : au départ des tribus de diverses origines s’installèrent le long du Nil, aussi bien au sud qu’au nord, jusque ce qu’à ce qu’un certain Manès, qui résidait jusque là en Haute Egypte, réunit de force, sous sa gouverne, la Haute et la Basse Egypte, lui-même s’installant à Memphis et devenant le premier pharaon reconnu de l’Egypte ancienne.
A partir de là, le pharaon sera, parmi les autres princes, celui qui aura le plus de pouvoir, lui-même dirigeant une Egypte qui sera bientôt divisée, sur le plan administratif, en nomes (qui étaient les départements de l’Egypte ancienne), chaque nome étant dirigé par un prince et par des prêtres qui rendaient hommage à des divinités qui, avec leur forme animalière (gazelle, crocodile, chat, etc), étaient les divinités tutélaires et protectrices du nome en question.
C’est ainsi que chaque nome, et, au delà, chaque cité importante, vénérait, dans l’Egypte ancienne, des dieux particuliers.
A titre d’exemple, des villes comme Bubastis en Basse Egypte, et Abydos en Haute Egypte, vénéraient un dieu comme Osiris. Quant à Memphis, elle vénérait le dieu Ptah.
Chacun de ces dieux protecteurs était aussi, en quelque sorte, un dieu créateur (étant entendu que la vie des hommes, en ce temps-là, se développait, sur le plan politique, au sein de la cité-Etat.
Cela signifie que chaque cité antique d’importance avait son indépendance, elle qui était dirigée, en ce temps-là, par un prince ou un roitelet, chose que l’on retrouvera plus tard au sein du Moyen Age européen.
Or, en Egypte, l’indépendance des cités Etats n’étaient plus aussi grandes que par le passé, plus précisément depuis que la cité du Pharaon – et le Pharaon lui-meme, par la même occasion – avait réuni tout le pays sous sa bannière, non sans le diviser en nomes qui étaient dirigés par des princes qui dépendaient, sinon du pharaon directectement, du moins de son intendant qui, à cette époque, jouait le rôle de vizir ou de premier ministre. C’est donc lui qui, comme le Joseph de la Bible (qui est ici le fis de Jacob) prélevait l’impot auprès de nomes qui étaient eux-mêmes dirigés par des princes qui, tout en étant souverains sur leur propre territoire, était dans la dépendance du pharaon.
Quant au pharaon lui-même, il résidait dans telle ou telle cité importante, qui fut d’abord Memphis et d’autres cités du delta du Nil, et plus tard, une cité de Thèbes qui se situe en Haute Egypte, et, plus tard encore, une cité de (Pi) Ramsès) qui sera bâtie, dans l’est du Delta du Nil, sur les décombres d’une autre cité qui, sous le nom d’Avaris, fut occupée par des pharaons hyksos qui étaient eux-mêmes originaires d’Asie et qui dirigeaient, depuis là. sinon la totalité du pays d’Egypte, du moins sa partie nord.
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Voilà pour la partie politique de l’affaire. Sur le plan religion, il existait une quantité invraisemblable de dieux, puisque chaque cité était protégé par l’un ou l’entre d’eutre eux.
Ce qui signifie que les prêtres occupaient un rôle très important et possédaient un pouvoir d’autant plus conséquent qu’ils formaient tout ensemble un collège de prêtres de plus en plus riches des terres qui leur avaient été confiées par le roi pharaon, un peu comme, au Moyen Age, en Occident, lorsque les rois fraichement convertis au Christianisme allouèrent des terres non seulement aux seigneurs féodaux, mais également aux grands dignitaires de l’Eglise.
En Egypte, le pouvoir d’un clergé comme celui attaché au dieu Amon, devint tel, en la cité même du pharaon (qui était Thèbes à cette époque) qu’un pharaon comme Aménophis IV en prit en ombrage et décida de réformer la totalité de la religion égyptienne, en imposant à tout son peuple, par la force, un dieu qui, au lieu de s’appeler Amon, s’appelait Aton.
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Maintenant, si l’on remonte plus haut dans le temps, on s’aperçoit qu’une cité comme Héliopolis (le nom est grec et désigne la cité du soleil) honorait le dieu soleil Atoum, lui-même étant considéré, par les prêtres du lieu, à la fois comme le démiurge de l’univers et comme celui qui créa tout un tas d’autres dieux, formant avec eux ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ennéade héliopolitaine, en ce sens que ce dieu dirigeait une assemblée composée de huit autres dieux qui étaient respectivement Shou, le dieu air, Tefnout, la déesse humidité, Geb, le dieu terre, Nout la déesse ciel, eux-mêmes donnant naissance à d’autres dieux qui avaient les noms suivants : Osiris, Haréoris (ou Haroéris), Seth, Isis et Nephtys.
Et le plus croustillant, dans cette affaire, est que des dieux comme Horus, fils d’Osiris et d’Isis, et Seth, le dieu à la fois démon et demi frère d’un Osiris qui avait été tué par lui, ces deux personnages se disputaient, en des querelles à n’en plus finir, la primauté pour savoir qui, des deux dieux, serait le dieu tutélaire de la totalité de l’Egypte.
Or, devant cette lutte incessante menée par les deux dieux (dans d’autres variantes associée au même récit, Horus tua Seth afin de venger la mort de son père), les dieux ancestraux décidèrent de donner à Seth – dieu de la sécheresse et de la mort – une Haute Egypte qui effectivement symbolise la sécheresse et la mort par les nombreuses contrées desertiques qui jalonnent son territoire; et de donner à Horus – qui lui symbolisait la vie – une Basse Egypte qui, une fois le lit du Nil inserré dans des digues, et une fois des canaux aménagés à l’embouchure du fleuve – c’est-à-dire là où la terre est la plus limoneuse, et donc la plus féconde en raison des engrais naturels apportés par les alluvions du grand fleuve -, fit que la Basse Egypte devint rapidement le grenier à blé ou à orge ainsi que la première source de richesses pour le pays tout entier.
ET parce que le Nil était, une fois encore, le grand pourvoyeur de vie, et Orisis aussi, certains compareront, voire même identifieront le dieu Nil (son nom est Hâpy) à Osiris, et inversément.
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On demandera peut-être ce que tout cela vient faire dans une chronique consacrée, sous le titre, les origines de l’astrologie, à une religion qui était le sabéisme à l’époque de l’Antiquité.
C’est ce que nous allons découvrir dans le prochain article.