Bien souvent, l’étude des momies est considérée comme macabre. Malgré tout, elle n’en demeure pas moins précieuse. Grâce à leur étonnant état de conservation, elles fournissent de nombreux renseignements sur la population occupant les rives du Nil.
En effet, en plus des os, les momies présentent des restes de tissus et de cheveux. L’anthropologie est d’autant plus intéressante lorsqu’elle est pratiquée sur le terrain.
L’Egypte est un pays fascinant, et ses momies permettent une plongée directe dans le passé.
L’anthropologie peut nous renseigner sur la démographie des époques anciennes. Elle permet aussi de déterminer le sexe des morts et l’âge approximatif de leur décès. Établir des taux de mortalité par groupes d’âge et de sexe devient alors possible. Aussi n’est-il pas rare de constater un taux de mortalité infantile très élevé, notamment chez les garçons.
L’étude des momies amène aussi à établir l’espérance de vie moyenne d’une population donnée. Par exemple, dans la nécropole tardive de Douch, l’âge moyen de décès tourne autour de trente-huit ans. A noter que les Égyptiens rêvaient d’atteindre les cent-dix ans ! Force est de constater qu’ils en étaient bien loin, exception faite de Ramsès II et Pépi II.
Plusieurs procédés sont utilisés afin d’étudier les momies. Radiographie, scanner… Quant à la paléopathologie, elle se consacre à l’étude des maladies. La connaissance des maux dont souffraient les anciens Égyptiens constitue une meilleure approche de leurs conditions de vie.
A ce stade, la momie devient un complément d’étude indispensable. Les spécialistes peuvent déceler certaines maladies, qui ne laissent aucune trace sur le squelette, à partir de restes de tissus. Les Égyptiens souffraient ainsi de bilharziose, un mal provoqué par un ver et toujours endémique à ce jour dans le pays, mais aussi de typhoïde, d’appendicite, de tuberculose…
De son côté, la radiologie révèle les stries d’arrêt de croissance sur les os, signes de malnutrition ou de maladie, permettant ainsi de comprendre l’état sanitaire et nutritionnel de l’Egypte ancienne. Ces stries concernent en moyenne de 50 à 60% de la population. Chez les notables, elles ne sont visibles qu’à 30%, et à 5% pour les momies royales.
Pour finir, une grande part de l’étude des momies se base sur la dentition. En effet, l’état des dents livre aussi beaucoup d’informations, notamment sur l’hygiène bucco-dentaire et les habitudes alimentaires.
Tout au long des temps pharaoniques, les Égyptiens, qu’ils fussent rois ou paysans, présentent une abrasion dentaire, parfois si prononcée qu’elle provoquait un abcès. La technique de fabrication de la farine en était sûrement la cause. Le grain étant moulu sur des meules en pierre, celles-ci déposaient dans la farine des particules de silice, qui finissaient par abîmer les dents à force d’être mâchées quotidiennement. En revanche, les caries étaient très peu répandues, attestant d’une alimentation peu sucrée, tout au moins jusqu’à l’époque romaine, où la consommation de miel devient régulière.
[b]Mettre le doigt sur cet aspect de l’égyptologie, bien sûr ! merci pour ce court article qui en appelle d’autres ?[/b]
Mais de rien ! Ce fut avec plaisir 😀 En effet, cet article mériterait d’en voir se développer d’autres…
Cet article de TerhiSchram est important ne serait-ce que parce que ce sont bel et bien les anciens Egyptiens qui inventèrent la momification et l’embaumement (à propos desquels on peut trouver toute une documentation sur internet, au chapitre : égyptologie) qui, une fois appliqué aux pharaons, obéisssaient à des règles extrêmement strictes, permettant à ce même pharaon (lui ou son âme) d’accéder à l’immortalité.
Celle-ci, en effet, était assurée par deux choses : a) la conservation, en l’état, des corps (qui sont ici ceux de pharaons récemment décédés), à travers leur embaumement ; b) le fait que l’âme personnelle (appelee coeur-haty [a]) du pharaon, après avoir donné naissance à ce même pharaon en quittant le ciel pour la terre, quittait, à la mort de ce même pharaon, son corps cadavérique, pour rejoindre, au ciel, l’âme universelle (elle-même se manifestant dans des planètes ou des étoiles).
[Note a : cf. Jan Assmann, Mort et au-delà dans l’Egypte ancienne, page 57 (édition du Rocher]
Or, et c’est cela qu’il faut retenir ici, cette âme personnelle du pharaon était représentée, dans l’esprit des prêtres égyptiens, par le coeur même du pharaon.
Aussi bien, quand les prêtres de l’Egypte retiraient ce coeur, de la dépouille mortelle du pharaon, afin de le peser sur la balance du destin, un pareil rituel avait-il pour but de donner l’immortalité au pharaon décédé, mais à une condition : que celui-ci eût une vie exemplaire. A cette condition seulement, l’âme du pharaon (représentée ici par son coeur) pouvait accéder au paradis des âmes.
C’est dire, en résumé:
– que le rituel de l’embaumement ne concernait que les pharaons (même si plus tard les dépouilles mortelles des hautes personnalités de l’ancienne société égyptienne furent également embaumées), prouvant par là qu’eux seuls pouvaient accéder à l’immortalité (ou, ce qui revient au-même, qu’eux seuls étaient à l’image des dieux) ;
– que ces mêmes pharaons, tout divins qu’ils fussent par essence, n’étaient pas sûrs, pour autant d’accéder, eux ou leur âme, au paradis. Encore fallait-il, pour cela, qu’ils s’en fussent montrés dignes de leur vivant.
Et c’est précisément à cela que servait la pesée du coeur du pharaon sur la balance du destin : à démontrer que le pharaon avait eu un comportement honorable (notamment avec ses sujets) de son vivant, prouvant par là qu’il avait réussi, une fois décédé, son examen de passage vers l’au-delà.
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(suite)
Il faut néanmoins préciser qu’après avoir extrait le coeur du corps du défunt et lui avoir fait subir (conformement au contenu du pypyrus d’Ani), le rituel de la pesée, les prêtres replaçaient ce coeur à l’intérieur de la momie du pharaon, chose qu’ils ne faisaient pas avec ses viscères, son foie ou son estomac, qui tous étaient déposés dans des vases ou urnes funéraires appelés canopes.
Bref, quand le pharaon décédait, son coeur était pesé sur la balance d’une Maât, qui, en tant que déesse incarnant la justice ou l’ordre du monde, était représentée par une plume.
On avait donc, posés sur la balance du destin, d’un côté le coeur d’un défunt qui est ici le pharaon, et, de l’autre, la plume de Maât.
Le résultat de la pesée était alors le suivant : si la plume était plus légère que le coeur, l’âme du défunt allait en enfer; et si la plume était plus lourde que le coeur, l’âme du défunt allait au paradis. En d’autres termes, le pharaon, s’il s’était bien comporté de son vivant sur terre, avait un coeur plus léger que la plume de Maât, ce qui lui permettait, lui ou son âme, d’accéder au paradis (qui, dans le cas de l’âme, était le paradis des âmes) après sa mort. Inversement, si ce même pharaon s’était mal comporté de son vivant (notamment avec ses sujets), son coeur était plus lourd que la plume de Maât, ce qui l’obligeait à vivre, lui ou son âme, pour l’éternité, dans le monde des enfers (ce monde peuplé de chiens méchants, de serpents venimeux, et autres personnages au profil peu ragoûtant).
Dans le même registre, le pharaon n’allait chez les Immortels que s’il savait réciter les formules qui lui avaient permis de se montrer, de son vivant, sous las traits d’un pharaon tout à fait honorable. A l’inverse, s’il ne connaissait pas lesdites formules, cela prouve qu’il n’avait pas été un bon pharaon, et qu’il n’était donc pas digne d accéder au monde des immortels.