Les Parloirs, ces lieux de rencontres hebdomadaires entre les condamnés et leurs proches. Un espace clos, à l’intérieur de la prison, qui permet à la famille et aux proches d’un prisonnier de venir à la rencontre du monde carcéral en s’insérant complétement (ou presque) derrière les barreaux afin de rencontrer des proches incarcérés.

Des rencontres qui permettent d’entretenir un lien humain, entre les prisonniers et le monde « libre », mais quel est le chemin à suivre pour pouvoir satisfaire à ces rencontres? Tous les parloirs de France sont-ils les mêmes, ou là encore la disparité et les différences de traitements sont-elles légions?

 

1.Qui peut se rendre au parloir et quelle est la démarche à suivre?

Se rendre au parloir, il faut le savoir, n’est pas une sinécure. Le parcours administratif d’une telle démarche est parfois digne d’un parcours du combattant, et il faut parfois savoir s’armer d’une grande patience avant de pouvoir aller à la rencontre d’un proche incarcéré.

La première des démarches a effectuer lorsque vous voulez rendre visite à un condamné (c’est à dire une personne jugée et reconnue coupable, à ne pas confondre avec un prévenu), est de faire une demande écrite et motivée dans ce sens auprès du chef d’établissement pénitencier. Un courrier manuscrit, précisant donc votre affiliation avec le détenu, vos motivations, et auquel il faut joindre, une fiche familiale d’état civil, une photocopie de sa pièce d’identité, ainsi que deux photos d’identité. Dans le cas où la personne que vous voulez aller voir n’est pas encore jugée, il faut directement faire les démarches auprès du magistrat en charge de son affaire (ex : Juge d’Instruction).

 

Il faut savoir que l’accord donnant le droit à « Un permis de visite », est à la libre appréciation de l’autorité à laquelle vous faites la demande. Cette dernière est libre d’accepter ou refuser votre requête sans pour autant avoir à s’en justifier. Dans ce cas, il est possible de réitérer la demande, et en cas de nouveau refus, de faire une demande au directeur régional de l’Administration Pénitentiaire.

Par ailleurs, lorsque la demande de permis est effectuée, l’autorité interrogée est en droit, et la loi le permet, de demander une enquête de moralité sur vous. Une enquête faite par la gendarmerie ou la police, qui peut vous amener a être convoqué pour un entretien au poste afin de motiver un peu plus votre demande.

Suite à toutes ces démarches qui peuvent prendre plusieurs semaines, une décision sera prise par le chef d’établissement pour un condamné, ou le magistrat compétent pour un prévenu, et vous serez averti par voie postale de la décision prise.

Les personnes qui seront habilités à se rendre au parloir, sont bien évidemment la famille proche (épouse, parents, enfants) ainsi que la famille dans un sens plus large, cette appréciation étant là encore laissée au bon vouloir de l’autorité délivreuse de « sésames ».

2.Quel est le parcours à suivre une fois le permis délivré et comment se passe un parloir?

Après de longues semaines d’attente, ça y est, votre permis est arrivé. Enfin vous allez pouvoir aller à la rencontre de votre proche incarcéré. Pour autant, le chemin est encore long avant de pouvoir lui parler car le chemin qui vous sépare de la vie libre et du parloir, est encore semé d’embuches.

Dans un premier temps, les parloirs n’ont pas lieu tous les jours de la semaine, et sont très réglementés. Dans les maisons d’arrêts, il est fréquent d’avoir des parloirs essentiellement en semaine, alors que dans les centrales (prisons pour longues peines) les parloirs ont essentiellement lieu le vendredi, le week end, et les jours fériés.

Par ailleurs la surpopulation carcérale rend la possibilité de parloirs très réduites, et bien souvent ce sont les personnes les plus rapides qui bénéficient de ces visites hebdomadaires. Il vous faudra d’abord prendre rendez vous par téléphone afin de vous assurer qu’il vous est possible de vous rendre au parloir dans les jours qui suivront. Des rendez vous à prendre à la semaine, sans garanties de résultats, et qui n’ont que pour seule règle d’être le premier a réserver pour avoir un parloir. Premier arrivé, premier servi, voilà quel pourrait être l’adage de base dans l’obtention de parloirs.

Une fois le parloir miraculeusement obtenu, il va maintenant falloir vous préparer. Dans un premier temps, n’oubliez pas de vous munir de votre pièce d’identité avant votre départ, car votre identité sera systématiquement contrôlée lors de votre entrée entre les murs de la prison. Une procédure avant tout de sécurité, afin notamment d’éviter tous risques pour les prisonniers et pour la sécurité de l’établissement.

 

 

Vous voici prêt à vous rendre au parloir, à l’heure fixée par le rendez vous préalablement pris. Un conseil, prévoyez d’arriver une trentaine de minutes à l’avance afin de ne pas risquer d’arriver en retard. En effet, en cas de retard, vous ne pourrez pas vous rendre au parloir, et l’entrée de la prison vous sera purement et simplement interdite.

Une fois devant les murs de la prison, n’entrez que sur l’appel des gardiens, et prévoyez des vêtements en fonction de la saison car il est courant de devoir attendre à l’extérieur, quel que soit la météorologie en présence. Un conseil, il est inutile de vous chargez d’objet divers (porte feuille, portable, ceinture,etc.) du fait qu’il vous faudra tout laisser au vestiaire, puis ensuite passer sous un portique de sécurité.

Après une nouvelle période d’attente, suivie d’un long défilé de portes à barreaux poussées, c’est la délivrance. Enfin, vous voilà devant « votre condamné » pour une période de 30 à 45 minutes pour les Maisons d’Arrêt et de 3 heures pour les Maisons Centrales.

Une fois la visite terminée, les familles quittent le parloirs devant les condamnés et s’en vont attendre dans une pièce ou un couloir adjacent que les prisonniers quittent la salle au complet et soient « fouillés ». Suite à ces vérifications, les familles rejoignent la sortie et quittent aussitôt la prison.

Du point de vue des prisonniers, il faut savoir que dès lors que la visite est terminée, ces derniers rejoignent leur cellule, non sans être passés avant par une fouille minutieuse au corps. Ceux-ci sont fouillés, mis à nu, scrutés avec attention et cela même dans leurs parties les plus intimes. Une humiliation de la condition humaine sans nom, mais « légale » afin d’éviter là encore tous risques d’atteinte à la sécurité de la prison ainsi qu’à celle des détenus.

3.Quel est le rôle du Parloir pour un Prisonnier et à quoi ressemblent-ils?

Comme nous avons pu le voir au travers des précédents volumes de cette série, il existe en prison une volonté d’humaniser les condamnés, de préparer la réhabilitation des accusés, et de maintenir un contact réel entre la vie « libre » et la vie carcérale.

Le Parloir est aussi l’occasion pour le prisonnier de pouvoir voir ses proches, échanger avec eux, maintenir un contact visuel avec parfois une épouse, un enfant, un parent. Une échappatoire de quelques minutes, de quelques heures, qui lui permet d’oublier (presque) sa vie en prison, et de partager un vrai moment de complicité, d’échange avec les siens.

Un moment souvent trop court, mais pourtant essentiel, et qui permet aux prisonniers de ne plus  sentir l’espace de quelques moments qu’ils sont derrière les barreaux pour quelques mois, et parfois pour de longues années.

Une bouffée d’oxygène pour ces Hommes qui passent le plus clair de leur temps face à d’autres prisonniers, dans l’angoisse de nouvelles de leurs proches, et qui n’attendent impatiemment que le moment de pouvoir voir un visage familier et chaleureux le temps du parloir venu. Une sorte de « sortie » hebdomadaire du monde carcéral pour ces Hommes qui étouffent entre les murs de prisons insalubres, hygiéniquement dépassées, et vétustes. Des lieux de vies où le plus dur n’est parfois pas de vivre, mais de survivre et où le moindre réconfort est salvateur pour l’équilibre mental et physique des prisonniers.

Du point de vue de l’aspect matériel, les parloirs et leurs formes sont assez différents en fonction des établissements pénitentiaires de France. Pour certains centres, les parloirs sont communs à tous les prisonniers, sans aucune intimité, dans une sorte de grande salle parsemée de tables et de chaises où les prévenus et leur proches s’installent pour discuter. Dans certains autres centres, cette configuration est la même, mais la différence est que des paravents séparent les diverses tables afin d’apporter un faux semblant d’intimité aux personnes présentes. De plus, certains parloirs sont situés dans des lieux complétement délabrés, voir même dans les sous sols de prisons comme c’est notamment le cas à Fresnes, à proximité des cuisines, sans air ni lumière naturelle, et dans des conditions indignes des droits les plus basiques de l’Homme.

Malgré cela, il existe cependant actuellement une maigre remise en questions des conditions de parloir. Des parloirs beaucoup plus intimes, comme c’est notamment le cas à la Maison Centrale de Poissy, où les prisonniers et leurs proches s’installent dans des cabines de douches semblables à celles des piscines pour avoir une vraie intimité. Un parloir intime, confortable, presque chaleureux, qui permet une vraie relation entre les prisonniers et leur famille sans craintes d’être épier par tel ou tel autre prisonnier.

Il faut savoir qu’il existe par ailleurs en France, un nouveau projet de parloirs longue durée et « intimes » développés actuellement dans seulement 3 centrales que sont Poissy, Saint Martin de Ré et Rennes, et qui permettent aux prisonniers, une fois par trimestre, d’obtenir une sorte d’appartement dans la prison, mis à disposition par les autorités en place et certaines associations d’aide aux familles. Un appartement « occupé » par le prisonnier et ses proches (en général Femme et Enfants) et qui permet d’imaginer une sorte de vie « normale » malgré la peine que le dît prisonnier subit. Des Unités de Vie Familiale (UVF) actuellement en développement et surtout à l’étude, mais qui semblent porter leurs fruits sur le moral des condamnés et sur la faculté hypothétique à faciliter la réhabilitation future d’un condamné.

Le parloir, un geste redouté pour les visiteurs libres qui ont parfois bien du mal à s’imaginer se rendre d’eux même dans une prison pour s’y laisser enfermer l’espace de quelques heures. Une sorte de voyage en terre inconnue pour des personnes lambdas qui pour l’amour de leurs proches, choisissent délibérément de se glisser dans la peau de prisonniers et de se plier aux règles de sécurité draconiennes de la prison et plus largement du monde carcéral. Un geste difficile pour les visiteurs libres, mais qui pourtant est bien souvent salvateur pour les condamnés et qui leur permet de sortir de leur marasme l’espace de quelques heures toutes les semaines à condition d’avoir la chance d’avoir un visiteur. Une épreuve donc pour les visiteurs, mais un soulagement pour les prisonniers.

 

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Autres Vidéos à Voir : "Jour de Parloir" Partie 1 et Partie 2

                                Le Milieu Carcéral côté Parloir (1min41)

 

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                              Les "Luxes" du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie 3 : Le Travail Carcéral

 

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