Tout le monde connaît les blouses blanches de l’hôpital. Les infirmiers libéraux, quant à eux, prodiguent leurs soins au domicile des patients, au plus près de leur intimité. Cet univers à part modifie profondément leur travail mais aussi leur image.

Ils sillonnent les routes tous les jours, effectuant parfois plusieurs centaines de kilomètres pour boucler leur tournée. Les infirmiers libéraux, bien loin de l’institution structurée et  cadrée que représente l’hôpital, pénètrent au quotidien dans le monde personnel de leurs clients. Au milieu des meubles familiaux, en présence des proches, des animaux domestiques, ils dispensent des soins particuliers. Ce contexte modifie à la fois profondément leur pratique et leur statut.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le patient est chez lui

Soigner le patient à son domicile n’est pas anodin. A l’hôpital, on peut dire que l’infirmier accueille le malade dans SON domaine.Toute la différence est là. Le professionnel arrive chez son client en "civil". Là, il peut être reçu de mille diverses façons. Avec un sourire et un café bien chaud dans le meilleur des cas. Mais la réalité n’ est pas toujours aussi réjouissante.

Des reproches pour commencer

Chez de nombreuses personnes, l’infirmier se sent un peu en famille, dans un lieu chaleureux où il est invité à s’asseoir et à discuter, à partager une boisson chaude et réconfortante. En revanche, chez d’autres….

Que le patient n’ait pas entendu frapper à la porte et s’indigne que l’infirmier soit entré sans frapper (après trois ou quatre tambourinages vigoureux) ou qu’il s’offusque de dix minutes de retard, le ton est donné.Et oui ! On est loin du malade hospitalisé qui appuie respectueusement sur la sonnette et attend avec patience que l’infirmière ait le temps de venir répondre à sa demande…Certains malades ont une tolérance nulle vis à vis des contraintes de leur soignant. Il est surprenant de rencontrer une personne âgée en colère car le soin va interrompre son feuilleton préféré, différer de cinq minutes l’heure de sa soupe. D’autres attendent des visites "à la carte", tôt le matin en été pour profiter de leur journée et sortir, plus tard en hiver pour pouvoir dormir car il fait froid et nuit. Lorsque l’infirmier explique que ces exigences sont impossibles à satisfaire du fait de l’organisation d’une tournée, il se voit répondre que c’est son problème… Parmi ce petit florilège d’indélicatesses, on trouve les patients qui ordonnent à leur infirmier d ‘ôter ses chaussures avant d’entrer dans la salle de bains, par  exemple.

Le plus étonnant est que le paiement des actes soulève l’indignation de certains.

La santé doit être gratuite

Si l’assuré n’est pas à 100 %, si sa mutuelle n’assure pas le tiers payant ou en l’absence de mutuelle, il doit règler sa part à l’auxiliaire médical. Si le fait de signer un chèque à son médecin à chaque consultation lui semble tout à fait naturel, donner de l’argent à un infirmier est vécu comme du vol. Il faut alors déployer une diplomatie à toute épreuve pour parvenir à se faire régler son dû, si l’on y parvient. En effet, les impayés sont énormes.

D’autre part, les patients et les familles n’hésitent pas à faire intervenir gratuitement leur infirmier en dehors des soins prescrits. Que se soit pour relever un patient tombé, pour changer une personne souillée, pour calmer un malade agité etc…

 

Les laveurs de pieds

L’infirmier libéral se heurte à la méconnaissance totale de sa qualification. Parcequ’il a fait le choix de réaliser des toilettes par exemple, alors que la  majorité de ses confrères refusent ce soin, il se voit relégué à la fonction de "laveur de pieds".Il entend, stupéfait, ses patients s’étonner qu’il faille un diplôme pour "ça". Il est même certaines personnes qui croient ne pas pouvoir confier leurs prises de sang à celui qui les lave.

Cette confusion est particulièrement néfaste. En effet, des patients n’ont aucune considération pour les conseils et l’éducation sanitaire que l’infirmier peut leur prodiguer. La vision d’une personne qui travaille avec un gant de toilette et une serviette est peut-être incompatible avec trois ans et demi d’études après le bac et des compétences très pointues et variées ?

Une bien mauvaise réputation

Les cabinets d’infirmiers libéraux ont souvent bien mauvaise presse et il faut dire qu’elle est justifiée. Certains professionnels ne travaillent que pour l’argent au mépris de la qualité des soins. En effet, des cabinets voient trente ou quarante clients dans une matinée, ne s’attardant pas plus de dix minutes chez chacun, voire moins.

On rencontre également des infirmiers tyraniques, imposant des passages à heure inconstante "de 6h30 à midi" par exemple. Il y en a d’autres qui sont brusques, impolis et irrespectueux.

Parfois les patients se heurtent à des refus injustifiés de prise en charge qui les obligent à téléphoner à plusieurs dizaines de cabinets. Ces laissés pour compte ne savent pas qu’il ne répondent pas au souci de rentabilité de certains professionnels.

Cette vérité navrante, nuit cruellement aux soignants consciencieux et honnêtes qui représentent heureusement une majorité. En terme de crédulité et de confiance, les infirmiers ont ainsi perpétuellement à faire leurs preuves auprès d’une clientèle méfiante et échaudée.

Il n’empêche que malgré la compétence, la patience, le professionnalisme et le dévouement de beaucoup d’infirmiers libéraux, ces derniers sont trop souvent confrontés à un manque de respect marqué. Sortis de l’empire hospitalier, il ne faut pas oublier que les personnes en jeans et blousons qui viennent nous frotter le dos et nous raser restent des infirmiers à part entière, capables de sauver notre vie.