Déjà enfant, lorsque je regardais une carte de l’Europe, j’étais intrigué par ces nombreuses petites îles étroites et plates qui s’étirent à quelques kilomètres au nord des côtes des Pays-Bas et de l’Allemagne occidentale. Personne n’en parlait jamais comme si c’était déjà le bout du monde: tout ce que je savais était que les îles portaient le nom de Wadden aux Pays-Bas (le nom de la mer intérieure qui les sépare du continent) et d’îles de la Frise orientale en Allemagne.
1. Texel
J’ai toujours voulu aller dans les Wadden, mais j’ai à chaque fois fait passer des destinations plus exotiques avant ces terres si proches. Cet été, je me suis enfin décidé à explorer deux de mes « îles mystérieuses » des Wadden: Texel et Terschelling.
Texel est la plus grande de ces îles: c’est aussi la seule à ne pas avoir cette forme typiquement étirée des autres îles, ce qui lui donne une plus grande diversité de paysages. Enfin, Texel est aussi l’unique île des Wadden qui ne soit pas bilingue: on n’y parle que le néerlandais alors que dans les autres îles qui appartiennent à la Frise, le frison s’est maintenu ainsi qu’une culture plus originale.
Pour aller à Texel, je suis parti en train pour Amsterdam d’où il ne faut qu’un peu plus d’une heure pour arriver à Den Helder, terminus du train et port d’embarquement pour Texel. En débarquant dans ce port, j’avais quelques préjugés, tous les guides touristiques que j’avais consulté décrivant cette petite ville comme dénuée de tout intérêt. C’est donc avec appréhension que j’ai traversé la ville à pied pour me rendre au débarcadère, m’attendant à traverser des rues tristes ou dangereuses.
Mais j’ai eu l’agréable surprise de découvrir, après les zones commerçantes du centre, un vaste quartier maritime en pleine rénovation avec des canaux, des édifices anciens restaurés et des musées: il y a même un sous-marin qu’on peut visiter.
Ici, on prend le ferry-boat comme on prend le bus: il y a un départ toutes les heures et le billet ne coûte que 2,5€ pour un piéton. Pour un trajet de 20 minutes, on peut être surpris par la taille et le confort du navire: on pourrait s’imaginer qu’on s’embarque pour une traversé de plusieurs heures et si on veut profiter du restaurant, il faut manger vite!
« Quelle déception! », me suis-je dit en débarquant sur l’île de Texel: la première impression est vraiment négative: on ne débarque pas dans une ville, même pas dans un village: il n’y a que quelques bâtiments gris, un restaurant, mais pas d’autres commerces si ce n’est un loueur de vélos. La plupart des voyageurs attendent le bus ou louent un vélo. Ayant toute la journée devant moi, j’ai décidé d’aller à pied à Den Burg, la capitale en longeant la longue digue méridionale jusqu’au village de Ouderschield.
Cet itinéraire est un peu monotone au début: mer calme et grise, bruine, rares promeneurs. Lassé par cette monotonie, j’ai bifurqué vers la petite route bordée de rares fermes entourées de bois et de canaux. Les cultures sont rares mais j’ai rencontré plusieurs troupeaux de mouton qui semblent traverser la route en toute liberté, suivis de loin par un berger muni de jumelles.
Dès mes premiers pas dans Ouderschield, un village de pêcheurs, mes mauvaises impressions du début ont été balayées: ce village est une véritable surprise, et une bonne: à un un peu plus de 100 km d’Amsterdam, j’aurais pu me croire au Danemark ou en Norvège: la plupart des maisons et églises sont en bois, peintes le plus souvent en noir, bleu ou rouge. Un musée maritime a fait la réputation de ce petit port très agréable.
Toujours à pied, je suis rentré dans les terres pour rejoindre Den Burg. Peu avant la ville, on aperçoit la « montagne »: une colline dont l’altitude n’est que de 15 mètres! Mais dans ces régions souvent situées sous le niveau de la mer, tout relief est remarquable. Den Burg est la capitale de l’île, une petite ville très animée au milieu des bois: certes, les touristes y sont nombreux mais la cité a un charme indéniable avec ses monuments anciens, ses parcs, ses rues étroites.
Le lendemain matin, j’ai pris un bus pour De Koog, la « grande » station balnéaire de l’île. Il ne faut que quelques minutes pour y arriver après avoir traversé des régions très boisées. Cette petite ville touristique n’a aucun intérêt pour moi mais elle est le point de départ idéal pour se promener dans les paysages les plus spectaculaires et diversifiés de l’île. Dès la sortie de la ville, en longeant la côte vers le sud, je suis entré dans la réserve naturelle et ses dunes impressionnantes. Marcher dans les sentiers sablonneux est très fatiguant mais on est récompensé par des paysages sauvages et déserts, même en plein été. Au sud de la réserve, je suis arrivé au centre Ecomare, un petit musée et un centre de documentation sur la flore et la faune de l’île, où on peut reprendre des forces avant de pénétrer dans l’impressionnante forêt qui s’étend plus au sud. Ici, une bonne carte est indispensable si on ne veut pas se perdre dans les innombrables sentiers qui serpentent dans toutes les directions. Entre dunes et polders, trouver une aussi vaste forêt est une surprise d’autant plus qu’elle est très diversifiée avec des zones sablonneuses, des marécages, des tourbières. Pour peu qu’on s’éloigne des pistes cyclables empruntées par d’innombrables touristes, on peut se retrouver seul pendant des heures.
Malgré la beauté de cette forêt, j’ai été soulagé d’en sortir et de retrouver un chaud soleil. Le paysage change instantanément: je me suis retrouvé sur une petite route bordée de polders. Au loin, l’église de Den Hoorn. Ce village, réputé pour ses tulipes, ressemble à un décor de film tant il paraît idéal avec ses petites maisons colorées et fleuries, son café sur la place ombragée, ses habitants accueillants… Sous un soleil qui devenait de plus en plus chaud, j’aurais aimé y savourer « calme et volupté », mais mon petit voyage touchait à sa fin…
Je n’ai passé que deux jours à Texel, je n’ai pas vu le nord de l’île, mais la diversité des payages du sud est vraiment surprenante, tout comme la beauté et l ‘harmonie des villages. Y circuler est un plaisir puisque les distances sont courtes: à pied ou en vélo… Il y a aussi des bus qui passent presque toutes les heures dans tous les villages. Pour ceux qui voudraient retrouver une nature sauvage, une faune et une flore particulière, la visite de Texel sera un enchantement.