Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, a été reprise pour ses propos par le député-maire Eric Raoult, estimant qu’en tant qu’écrivain ayant eu un prix sa liberté d’expression devait être limitée!

Marie Ndiaye, prix Goncourt 2009, a tout d’abord cru à une plaisanterie en ce début de semaine, lorsqu’elle a eu écho des propos de Eric Raoult, député UMP de Seine Saint-Denis et maire de Rancy.

 

Avant de revenir à ces propos, reprenons les faits : en aout 2009, l’auteur de « Trois femmes puissantes », donne une interview au magazine les Inrockuptibles, où elle qualifie la France de Sarkozy de « monstrueuse ».

Ses propos sont les suivants : Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous (avec son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants) ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux.

 

Le 2 novembre 2009, elle reçoit le prix Goncourt, et c’est une semaine après cette récompense et 3 mois après la parution de l’article que Monsieur Raoult décide de réagir à ses propos : selon lui, Marie Ndiaye devrait « respecter la cohésion sociale et l’image de notre pays » ; il va jusqu’à parler de son devoir de réserve, alors que ce devoir ne s’applique qu’aux fonctionnaires et agents publics, et à eux seulement.

 

Outre le caractère ridicule et tardif des propos de Monsieur Raoult, c’est toute la liberté d’expression qui semble remise en cause ici, principe intangible figurant à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et à l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948.

 

En effet, si les écrivains, parce qu’ils ont eu un prix, n’ont plus le droit de dire ce qu’ils pensent, les fonctionnaires et les agents publics ayant eux leur devoir de réserve, qui peut encore s’exprimer librement aujourd’hui ?

 

Pour appuyer son opinion (et par là même se faire un peu de publicité), le député a demandé, par écrit, l’avis de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture.

Ce dernier avait deux mois pour répondre, mais devant les proportions que semblait prendre l’affaire, il a répondu immédiatement, affirmant très précisément que « les écrivains ont le droit de dire ce qu’ils veulent ».

 

On est donc soulagé…

 

Et l’Académie Goncourt avec nous : depuis de le début de l’affaire, Bernard Pivot, qui en est membre, soulignait clairement que « le devoir de réserve des prix Goncourt n’existe pas et n’existera pas ».

 

Quant à Monsieur Raoult, qui a sans le vouloir accentué la véracité des propos de Marie Ndiaye sur le gouvernement français actuel, il a tenté de se racheter une image ce midi en direct de l’émission « l’Edition spéciale » de Canal +, en invitant l’auteur de « Trois femmes puissantes » à venir dédicacer son livre dans sa mairie de Raincy !