l’entreposage de longue durée.

 

La stratégie de surveillance concerne essentiellement les risques liés au vieillissement des équipements et des matériaux de structure. L’exploitant doit disposer de l’ensemble des éléments nécessaires pour vérifier le fonctionnement sûr de l’installation et pouvoir extrapoler l’état du système à partir des dérives enregistrées et assurer ainsi la maintenance préventive, la maîtrise de la durée, et le préavis en cas de détection de dérive.

Les études de conception ont permis de minimiser l’activité de maintenance nécessaire au bon fonctionnement de l’installation en temps normal, mais aussi en cas de perte de maîtrise technique, en s’attachant à rendre négligeables les conséquences éventuelles d’un arrêt momentané de cette activité de maintenance.

La surveillance spécifique qui doit être développée pour les entrepôts de longue durée doit se focaliser sur les risques liés au vieillissement des installations et, plus particulièrement, des matériaux employés dans ses différents composants,

voir ici, et ici, et ici, et ici, et ici, et ici, et ici, et ici, ce sont des rapports techniques de C.E.A. concernant les dossiers de définition pour l’entreposage.

 

L’objectif est que l’exploitant puisse disposer de l’ensemble des éléments nécessaires pour, 

• vérifier que l’installation est dans le domaine de fonctionnement sûr, maîtrise du présent au sens des règles d’exploitation d’une installation nucléaire de base,

• mesurer l’écart par rapport aux prévisions initiales sur le vieillissement, retour d’expérience et confiance dans la prévision afin de pouvoir éventuellement extrapoler l’état du système à partir des dérives enregistrées, maîtrise de la durée, recherche du préavis maximal en cas de détection de dérive,

• détecter des anomalies aux niveaux les plus bas possibles, mesure globale du vieillissement. La stratégie de surveillance retenue pour l’entrepôt de longue durée a été fondée sur les principes de la défense en profondeur. Elle est construite sur trois niveaux de surveillance,

• l’objet assurant la fonction doit être maintenu dans son domaine autorisé, c’est-à-dire dans des conditions conformes à une réalisation correcte de la fonction,

• l’évolution des caractéristiques et performances de l’objet qui contribuent à la réalisation de la fonction doivent être surveillées,

• la permanence de la fonction, ou plus exactement détection des premières altérations ou pertes de fonction, doit être surveillée gage de longue durée des déchets.

Pour chacun des trois niveaux présentés ci-dessus, on identifie les paramètres ou caractéristiques de l’élément mis en jeu dont l’observation est pertinente. Cette surveillance se décompose techniquement en un ensemble de mesures en ligne, permettant des diagnostics continus, ainsi qu’un ensemble de mesures intrusives ou non. En phase d’entreposage, le niveau d’activité induit par la surveillance doit cependant être minimisé pour limiter les risques liés à l’intrusion dans l’installation.

 

On peut ainsi citer, à titre d’exemple, le programme mis en œuvre pour la surveillance des conteneurs d’entreposage pour combustibles usés et déchets vitrifiés. Le mode de dégradation principal pouvant affecter les conteneurs métalliques est la corrosion de leur paroi externe. Cette corrosion intervient en premier sur les conteneurs les plus froids, il s’agit, pour l’entrepôt de surface, des conteneurs à l’entrée de la casemate et pour l’entrepôt de subsurface, des conteneurs dans les puits les plus ventilés en aval de galerie.

 

Pour une population homogène de conteneurs, groupe des conteneurs les plus froids, étant donné ce mode de dégradation, une méthodologie probabiliste est en cours d’élaboration pour déterminer la fréquence des contrôles et la taille de l’échantillon à contrôler. Pour le mode de dégradation considéré, on prend en compte notamment un critère de défaillance de service qui doit permettre de garantir qu’entre deux contrôles, un état inacceptable ne peut pas être atteint.

 

Parallèlement à la surveillance et hormis l’activité de reprise définitive, la maintenance est la seconde activité significative de l’entrepôt, une fois que ce dernier sera chargé. L’ensemble des activités de surveillance, de maintenance et de contrôle pendant la phase d’entreposage a été recensé,

• programme de surveillance des conteneurs,

• programme de surveillance de l’installation,

• entretien des puisards et caniveaux d’évacuation des eaux d’infiltration,

• entretien des galeries d’entrée et de sortie d’air,

• maintenance, notamment matériel de radioprotection, mesure de rejets à la cheminée, matériels de manutention, ponts, chariots de transfert, réseau de détection incendie et matériel d’extinction au feu, réseau de détection d’intrusion, armoires et câbles électriques.

 

Afin de réduire la charge des générations futures, les études de conception ont recherché les dispositions permettant de minimiser l’activité de maintenance de l’installation en temps normal comme en cas de perte de maîtrise technique, en s’attachant notamment à minimiser les conséquences éventuelles d’un arrêt momentané de cette activité de maintenance.

 

Le génie civil des infrastructures, la construction et le chargement des installations sont étalés sur une trentaine d’années. Cette durée est suffisamment longue pour intégrer le retour d’expérience sur l’exploitation des premiers modules/galeries dans la conception des suivantes.

Les visites périodiques qui seront effectuées permettront de confirmer le bien-fondé des options de conception des structures, compte tenu des informations acquises lors de l’auscultation et d’actualiser, si nécessaire, le programme de surveillance en fonction des progrès dans l’instrumentation. Au cours du temps, des stratégies de surveillance plus poussées ou allégées, fréquences d’inspection plus élevées, autres moyens d’investigation…, pourront être décidées en fonction des résultats des différentes mesures d’auscultation ou d’observation effectuées.

 

Enfin, dans le cas extrême de réparations importantes dans un module ou une galerie, il sera envisageable de transférer le contenu de la zone en cause vers un module ou une galerie vide prévue à cet effet, afin d’accéder plus facilement à la zone considérée.

 

La prise en compte de la perte de maîtrise technique.

Le principe même de l’entreposage de longue durée, et par conséquent sa sûreté, repose sur un contrôle actif par la Société. Cela suppose la présence d’un exploitant pour en assurer la charge technique et financière, surveillance, maintenance, reprise, démantèlement.

• Le scénario de perte de maîtrise technique retenu dans le dimensionnement correspond à une absence de maintenance durant dix ans environ. Pour les quatre concepts étudiés, il a été mis en évidence que toutes les dispositions techniques retenues pour un fonctionnement en conditions nominales de l’installation permettent un défaut de maintenance pour cette durée. Il reste néanmoins nécessaire que des gardiens empêchent l’intrusion d’éventuels «curieux» et effectuent un entretien simple de l’extérieur des bâtiments.

 

Ainsi qu’il a été mis en évidence dès le début des études de concept, le principe même de l’entreposage de longue durée, et par conséquent sa sûreté, repose sur un contrôle actif par la Société.

 

Cependant, il n’est pas possible de prédire le contexte politique et social à venir.

 

En outre, l’intérêt porté par la Société et les institutions à ce type d’installation sans valeur ajoutée, par opposition à des installations rendant un service direct plus manifeste à la Société, routes, tunnels…, pourrait se traduire par des désintérêts temporaires.

Cela conduit à envisager des scénarios avec perte des exigences de suivi fixées à l’origine du projet, scénarios non traités pour des installations nucléaires plus «classiques» en ce qui concerne leur durée de vie. Le scénario de perte de maîtrise technique envisagé correspond à une absence de maintenance durant dix ans environ, scénario considéré comme étant dans le dimensionnement.

 

On retient pour ce scénario le maintien d’un système étatique dans un contexte réglementaire Français et Européen fort, mais on imagine que pour des raisons sociétales, guerre ou crise économique très grave, par exemple, l’installation est laissée sans maintenance.

 

On considère, en revanche, que la notion de permanence de l’État est une garantie suffisante à l’échelle séculaire contre un scénario d’abandon.

 

Par conséquent, ce scénario, dont les conséquences seraient inacceptables, est pris comme hors-dimensionnement de l’installation d’entreposage.

 

La sûreté.

L’entrepôt de longue durée doit, sur des durées de quelques centaines d’années, assurer les mêmes fonctions qu’un entrepôt industriel.

Principes généraux de sûreté.

Du point de vue de la sûreté, la démarche de justification de la conception de l’entrepôt de longue durée s’appuie sur l’étude des situations de fonctionnement normal, incidentel et accidentel. En complément, la prise en compte des agressions d’origine interne et externe à l’installation permet de définir des dispositions visant, d’une part, à éviter que ces agressions ne provoquent des situations incidentelle ou accidentelle et, d’autre part, à protéger les équipements nécessaires à la maîtrise des fonctions importantes pour la sûreté,

voir ici , et ici, et ici, et ici , et ici , et ici , et ici , et ici.

 

Dans ce cadre, la démarche consiste à,

• identifier les fonctions à maintenir pour atteindre les objectifs de sûreté, tant vis-à-vis de l’environnement et des populations que vis-à-vis des travailleurs, pour les situations normales, incidentelles et accidentelles,

• identifier les menaces potentielles pouvant nuire aux équipements et systèmes assurant ces fonctions,

• présenter les mesures mises en œuvre au titre de la défense en profondeur pour assurer la maîtrise des risques potentiels d’origine interne à l’installation et garantir le maintien des fonctions de sûreté dans le temps (prise en compte de l’effet longue durée, marge de sûreté),

• présenter les mesures adoptées pour assurer le bon comportement de l’installation vis-à-vis des agressions d’origine externe.

 

Méthodes d’analyse.

La méthodologie mise en œuvre à la conception pour assurer la sûreté de l’installation est fondée sur le principe de défense en profondeur, qui consiste à,

• prévenir les incidents, par le dimensionnement de l’installation, dès la conception, en prenant en compte les défaillances possibles des matériels et des hommes et les agressions externes,

• surveiller les installations pour détecter les dérives de fonctionnement éventuelles et les corriger par des systèmes automatiques ou par l’action d’opérateurs,

• supposer que, malgré les précautions prises, des incidents pourraient survenir, et donc concevoir et mettre en œuvre des moyens pour en limiter les conséquences. Pour chaque risque considéré, les dispositions envisagées dans le cadre de cette stratégie sont déclinées. Ainsi, l’analyse de sûreté de l’installation d’entreposage de longue durée s’inscrit dans une méthodologie classique basée sur les principes de défense en profondeur. Pour mener à bien l’analyse, les risques ont été divisés en plusieurs catégories suivant leur origine.

Les risques nucléaires d’origine interne,

• la dissémination de matières radioactives,

• la criticité,

• l’exposition externe aux rayonnements,

• la non-évacuation de la puissance résiduelle,

• la radiolyse.

Les risques d’origine interne non nucléaires

• l’incendie du fait de la présence de matières combustibles,

• l’inondation,

• les agressions chimiques

• la chute de charge ou collision,

• la perte partielle ou totale des utilités (ventilation, alimentation électrique, surveillance de la radioprotection, téléalarme-intrusion),

• la dégradation du génie civil.

Les risques d’origine externe,

• le séisme,

• la chute d’avion,

• l’inondation,

• l’incendie, 

• les conditions climatiques extrêmes,

• les installations environnantes et voies de communication terrestres.

Dans le cas des risques d’origine externe, les données d’entrée, intensité du séisme, type d’avion, ont été examinées spécifiquement sous l’angle de la longue durée des marges éventuelles à prendre sur ces données. Cette réflexion peut être illustrée par le cas de la chute d’avion.

 

Classiquement, les installations industrielles sont conçues pour résister à l’impact d’un avion de tourisme. La conception des entrepôts de longue durée en surface prend en compte la chute d’un avion militaire de combat. Les infrastructures ainsi dimensionnées intègrent des dômes de protection d’une épaisseur de 1,2 à 1,4 m.

 

Pour chacun des risques cités ci-dessus, l’analyse de sûreté a proposé les mesures de prévention, de surveillance et de limitation des conséquences qui doivent être adoptées. L’ensemble de cette analyse a été transmis sous forme de dossiers d’orientation de sûreté à l’autorité de sûreté nucléaire.

 

Qu’est-ce que le risque de Criticité ?

Compte-tenu de la forte radioactivité des combustibles usés, et de la forte réactivité d’éléments tels que le Plutonium, les contraintes de sécurité et de protection du personnel sont très sévères dans l’usine de retraitement de La Hague. Un ensemble de dispositions est alors retenu depuis la conception de l’installation jusqu’à son exploitation. Certaines concernent notamment la prévention d’un risque majeur, appelé «risque de criticité».

Si ce risque n’est pas maîtrisé, un accident de criticité est susceptible de survenir.

 

Il s’agit du déclenchement incontrôlé d’une réaction nucléaire en chaîne au sein de matières dites fissiles.

 

En effet, certains noyaux lourds, comme le Plutonium 239 et l’Uranium 235, peuvent subir la fission, c’est-à-dire se briser en deux noyaux plus légers appelés produits de fission. La fission est en général provoquée par le bombardement du noyau fissile par un neutron. Cette cassure libère notamment deux ou trois neutrons qui pourront à leur tour provoquer deux ou trois fissions et ainsi de suite, une réaction en chaîne peut ainsi s’amorcer.

L’accident de criticité s’accompagne de l’émission de grandes quantités de rayonnements γ et neutronique. Les conséquences peuvent être inacceptables pour les travailleurs proches du siège de l’accident. Il s’accompagne éventuellement d’un rejet de matières radioactives dans l’environnement, certes limité, mais dont l’impact sur l’environnement, et l’opinion publique ne peut être mésestimé. Le risque de criticité existe dès lors que l’enrichissement de la matière traitée dépasse une certaine valeur, 1% d’uranium 235 par exemple, et dès lors que l’on dépasse une quantité limite de matière fissile, environ 920 g de Plutonium provenant du traitement de combustibles issus des réacteurs Français à eau pressurisée.

 

Malgré toutes les mesures qui sont prises pour garantir la sûreté des installations, il est impossible d’exclure totalement l’éventualité d’une divergence incontrôlée. La principale caractéristique d’un accident de criticité est qu’il survient brusquement sans signe précurseur évident.

 

Hormis la notion de prévention et de défense en profondeur, il n’existe aucune méthode simple dans une installation pour prévenir de son occurrence,

 

le système demeure apparemment parfaitement sûr jusqu’à l’instant de l’atteinte de l’état critique.

 

Principes de contôle du risque de criticité.

La maîtrise des risques d’accident de criticité consiste à prendre des dispositions de conception et d’exploitation qui écartent ou rendent très improbable l’occurrence d’une réaction en chaîne incontrôlée.

La sous-criticité des matières manipulées dans les installations est ainsi assurée par l’existence de modes de contrôle. Le mode de contrôle permet de définir le ou les paramètres (mesurables) qui auront une limite supérieure à ne pas dépasser. Il conduit à apporter des garanties spécifiques et à prévoir des moyens de contrôle.

Il existe cinq modes de contrôle,

• contrôle par la masse,

• contrôle par la concentration,

• contrôle par la modération,

• contrôle par la géométrie,

• contrôle par l’empoisonnement.

Chaque fois qu’une matière fissile est traitée, manipulée ou stockée, un mode de contrôle de la criticité doit être défini pour l’opération.

Dans ce cadre, au sein de la Direction Qualité, Sûreté, Sécurité et Environnement, COGEMA La Hague dispose de deux ingénieurs qualifiés en sûreté-criticité.

Leurs principales missions consistent à,

• assister et conseiller le personnel de l’usine de La Hague,

• suivre les études de criticité,

• organiser la formation du personnel en matière de prévention du risque de criticité,

• intégrer la cellule de réflexion en situation de crise, déclenchement du Plan d’Urgence Interne.

Extrait d’une note technique de Cogema La Hague.

 

Le prochain article sera sur l’estimation des coûts et sur les résultats acquis.