Ô Imagination, Si certains te condamnent, d’autres t’adorent et te vénèrent, mais Dame, es-tu tout de blanc vêtue ou cache-tu quelques noirs secrets ?

La porte de ton Monde est largement ouverte à tous mais ton chemin est-il clair ou semé d’embuches ? On se plonge avec délice et liesse dans les abysses et les profondeurs de ton cœur mais es-tu une sirène pour nous attirer dans quelques précipices d’horreur ? Tu nous accueilles à bras ouverts mais referme-les-tu avec fourberie après notre passage ?

Ô Merveilleux labyrinthe, donne-nous-tu une éventuelle issue ?

Après avoir découvert les bienfaits de ton monde, l’importance de ton apprentissage, le bienfondé de ton développement, pouvons-nous nous jeter corps et âme dans ton empire et revenir indemne dans le nôtre ?

 

Lecteurs, lisez-vous quelques livres de fantaisie ? Regardez-vous quelques films fantastiques ? Connaissez-vous Le Seigneur et anneaux ou Pierre Bottero ? L’ami imaginaire de votre enfance est-il parti ou vous parle-t-il encore de temps en temps ?

 

L’Imagination est partout, autour de nous, en chacun de nous, dans notre esprit, dans notre cœur, sous nos mains, dans nos lignes… On ne peut ignorer le plaisir et l’importance de cette multitude de monde que l’on aborde. L’importance est si grande –comme nous l’avons déjà démontré- qu’elle nous souffle entièrement et derrière nous se ferment les portes de notre monde pour un temps. On découvre des frissons de vie et des modes de pensées dignes des plus romantiques. On aborde l’exaltation des passions et on part à l’aventure, à l’assaut de l’inconnu à dos de cheval ou à bord de grands navires volants. Et tout de suite, on ne pense plus à notre monde rationnel. Pourquoi ?

Les histoires de ces livres ou de ces films d’heroic fantasy sont sans cesse pleines d’actions. Elles exploitent tout ce qui est exactement impossible dans notre monde. Pourquoi les créer si elles n’existent pas ? Parce que nous en avons besoin. Nous avons besoin de ressentir ces frissons, ces cultes des valeurs comme le courage, la volonté, cette liberté de l’aventure. Et pourquoi encore une fois ? Sans doute sommes-nous un peu prisonnier de notre monde plat et routinier… La littérature fantastique offre tout simplement, la purgation des passions et un éclaircissement sur l’essence-même des valeurs que nous n’exploitons plus dans une vie banale de tous les jours. Qui a besoin d’un courage à tuer un dragon en laissant tout son quotidien derrière-soi pour prendre le chemin du travail ? Qui a besoin de sonder son intériorité pour trouver le noyau-même de la volonté comme s’il s’apprêtait à parler devant une armée entière avant de livrer bataille afin de sauver le monde, pour simplement se décider à faire un peu de sport parce qu’il a trop mangé ces derniers jours ?
On voit, vit et lit des sentiments épiques, peut-être que l’on se voit vivre en lisant cela tout simplement…

On lit ce personnage qui se développe et se construit comme il veut, bercé par des valeurs que nous oublions. Il prend de son plein gré un chemin inconnu et exploite son intériorité et ses forces comme il l’entend. Il s’accomplit lui-même en se forgeant une personnalité et une puissance. Ainsi, les héros deviennent toujours plus intenses, plus dramatiques, plus accomplis. Et cet accomplissement mène toujours à une quête plus importante et plus large ; Il s’agit de sauver le monde. Le personnage une fois fini, réalisé dans son ensemble par ses propres soins au cours de son apprentissage de la vie et de ses aventures, atteint un sommet qui lui permet d’être en mesure de porter tout un monde sur les épaules. Et il réussit toujours… Puis vous tournez lentement la page, respirant comme jamais vous ne l’avez si bien fait, envahi d’une force nouvelle, d’un élan passionnel qui vous saisit au plus profond de vous-même. Le livre terminé, vous le refermez, le posez sur la table de chevet. Vous vous allongez dans votre lit, les yeux rivés au plafond sombre et linéaire puis…

 

La chute.

C’est ce que j’appellerais le Revers Fantastique : cette chute infinie et douloureuse au passage d’un monde à l’autre, ce sentiment d’être vidé, qu’une part de vous vient de vous être arrachée par traitrise. Vous aviez le cœur gonflé de l’espoir de vaincre le prochain combat, la hâte de repartir à dos de votre fougueux destrier, le sentiment du besoin de prendre l’arme et d’effectuer quelques passes pour s’entrainer encore et encore. Mais quel combat ? Votre prochaine dispute avec un collègue ? Quel destrier ? Votre beau véhicule de profession dans lequel vous vous enfermez trop souvent ? Quelle arme ? Quel entrainement ? Votre stylo et votre cours de sport ? La réalité vous porte comme un coup violent au sommet du crâne. Vous vous sentez empli de force de caractère, puis vous les laissez glisser hors-de-vous. Votre quotidien les aspirent progressivement avant de vous dire : « Il est tard, dors, demain tu dois aller au travail… »

Alors oui, sans doute l’Imagination a ses dangers. Outre le fait de se tromper de monde, l’Imagination peut aussi fausser notre perception du nôtre. Vous avez sans doute déjà mal interprété une phrase, une situation, un propos, un livre, un concept. Hitler était-il certain d’avoir bien saisi le sens réel du concept de la Volonté de puissance de Nietzsche ? Pourquoi y-a-t-il tant de visions différentes d’un même écrit comme celui de la Bible ? Mais bref, ce ne sont que des détails à effet papillon…

Je m’attache surtout au passage d’un monde à l’autre… Combien sont-ils à se perdre et à rester dans leur propre monde. Psychopathes, psychotiques, fous, mythomanes, etc. Prenez l’exemple du film Inception, dans lequel il s’avère possible d’entrer dans les rêves et de les manipuler comme bon vous semble. Dans ce film, il y a notamment une scène explicite de ce danger, des personnes ont développé une « dépendance » au rêve et passent désormais leur vie endormies allongées dans une salle à rêver pour le restant de leurs jours. Prenez en considération le besoin d’écrire des auteurs littéraires. Dans un autre domaine, (ou pas) pensez aux personnes droguées et/ou alcooliques, qui à leur manière, préfèrent un monde flou ou totalement différent au leur.

Le monde de l’imagination est bien entendu aussi une fuite dans ces cas-là. Le point pivot et fragile de l’Imagination réside justement ici. Elle est absolument fondamentale et nécessaire à notre esprit, à notre développement et enrichissement, mais dés lors qu’elle devient seulement une fuite et ce, de manière régulière et perpétuelle, il me semble qu’elle devient un danger certain.

 

Cessat Aurélie