Les blogs, « une autre façon de transmettre les informations »

Quel rôle jouent les blogs en façonnant l’avenir de la scène médiatique arabe ? Comment fonctionnent-ils en comparaison aux médias traditionnels – et comment sont-ils perçus par ces derniers ? Qu’offrent-ils que l’on ne puisse trouver ailleurs ? Ces questions figurent parmi celles soulevées lors du second Forum de la Presse Arabe indépendante qui a rassemblé des journalistes et des directeurs de publication venus de tout le monde arabe à Beyrouth, au Liban.

Ci-dessous le résumé de la troisième session de la conférence qui avait pour thème : les blogs, « une autre façon de transmettre les informations »

Mohammad Azraq, Blogueur, Jordanie : « Nous évoquons des choses que nos sociétés considèrent taboues. »

Les blogs permettent de discuter avec le monde entier de sujets qui sont tabous dans les médias arabes traditionnels, a déclaré M. Azraq au cours de cette session. Il a décrit plusieurs blogs, dont le site collectif Mideast Youth, qui rassemble des blogueurs de Tunisie, du Maroc, de Bahreïn, d’Arabie saoudite, d’Iran, de Turquie, des Etats-Unis et même d’Israël. Le réseau diffuse des textes, des podcasts et des vidéos.

« L’objectif du réseau est de dialoguer, de permettre à des jeunes qui vivent dans la région d’échanger des points de vue sur la culture et la politique », souligne M. Azraq. « Nous évoquons des sujets que nos sociétés considèrent tabous – la religion, le sexe et même l’homosexualité. Des sujets qui ne sont pas abordés par les médias grand public ».

Ahmed Al-Omran, Blogueur, Arabie saoudite : « Parce qu’ils s’en soucient »

Les frontières de la liberté d’expression se sont d’une certaine manière étendues en Arabie saoudite grâce à de jeunes blogueurs, soutient Ahmed Al-Omran. « Les jeunes Saoudiens ont besoin d’un espace libre où ils peuvent s’exprimer par eux-mêmes », dit-il. « Les blogs offrent une plateforme idéale pour se faire entendre ». En raison des restrictions culturelles et de la censure, les blogueurs ont tendance à être plus conservateurs en Arabie saoudite qu’ils ne le sont ailleurs, mais nettement moins que les médias traditionnels. Certains blogs ont été bloqués temporairement ou définitivement, et les rares blogueurs qui écrivent sous leur propre nom risquent l’interrogatoire et la fermeture de leur site.

Néanmoins, les blogueurs ont pu aborder des problèmes ignorés par les médias grand public, affirme Ahmed Al-Omran, et en particulier une manifestation de femmes dans le centre de Riyad, mais aussi les droits de la femme en général, la protection sociale, la bureaucratie et d’autres sujets encore. « Ils ne le font pas pour de l’argent, ils le font parce qu’ils s’en soucient », déclare-t-il.

Wael Abbas, Misr digital blog, Egypte : « Les blogs bénéficient d’un capital confiance ».

Les blogueurs et les blogs égyptiens sont devenus une source d’information reconnues en Egypte, Affirme Wael Abbas qui, en mettant en ligne une vidéo de policiers battant et agressant sexuellement un Cairote a permis de faire pression sur les autorités et conduit deux des policiers responsables à une peine de trois ans de prison.

La mise en ligne d’une telle preuve a contraint YouTube à fermer pour un temps son compte – qui a néanmoins rouvert après un tollé international.

Les blogueurs égyptiens prennent le risque d’être arrêtés et poursuivis, mais « en Egypte, nous avons besoin d’une information qui ne soit pas censurée, qui appelle à la démocratie et qui soutienne les droits de l’homme », affirme-t-il.

Les blogs sont devenus des sources d’information fiables et, en réalité, ils commencent à jouer le rôle que les journaux jouaient autrefois – à savoir que les détenteurs d’une histoire sensible vont la confier aux blogueurs et non plus aux journalistes.

« Les blogueurs essaient d’obtenir une information qui n’est pas donnée par les médias traditionnels », affirme Wael Abbas. « Les blogueurs s’attaquent à des sujets que les journaux ignorent ».

Ahmad Salman, Directeur Général Adjoint, As Safir : « Les blogueurs et les journaux libanais travaillent ensemble ».

Ahmad Salman déclare que les blogueurs et les militants pour l’environnement sont dans le même bateau. « J’aime penser aux blogueurs comme à des militants de Greenpeace, dans un petit bateau faisant face à une énorme plateforme pétrolière en tenant un drapeau », annonce-t-il. « C’est un peu comme s’ils disaient « je veux être journaliste », mais sans vouloir utiliser les méthodes traditionnelles ».

Les journaux utilisent les blogs d’une nouvelle manière aussi. Durant la récente guerre entre Israël et le Liban, les blogs ont été utilisés pour fournir des informations à la population. Dans la crise politique actuelle, un blog tient les lecteurs au courant des délais de procédure et des problèmes constitutionnels. Et des blogs existent pour des communautés particulières – un site pour les fanatiques de voitures Peugeot, par exemple, qui leur permet de savoir où trouver des pièces de rechange.

« C’est une nouvelle voie pour la liberté d’expression. Il existe aujourd’hui une nouvelle génération de journalistes, si vous voulez bien les appeler ainsi, et il n’existe pas de contradiction avec le journalisme traditionnel – cela améliore ce que nous faisons », soutient Ahmad Salman.

Wadih Tueni, Directeur informatique, An-Nahar, Liban : « Une situation gagnant-gagnant? »

Un blog est un « journal intime, une chaire quotidienne, une tribune improvisée, un flash info, une sélection de liens. Pour faire simple, c’est un site personnel », affirme M. Tueni.

Il a présenté les avantages et les inconvénients des blogs. L’aspect positif des choses, c’est qu’ils sont un médium d’expression libre dans une région dirigée par des dictateurs et qu’ils peuvent « pousser et aiguillonner » les journalistes afin qu’ils fassent un meilleur travail. L’aspect négatif, c’est qu’ils ne défendent pas tous la liberté, qu’ils sont une source peu fiable d’information, souvent biaisée et injuste, et ce qu’ils proposent n’est pas toujours approprié pour de jeunes lecteurs.

Cela dit, ils peuvent déboucher sur une relation « gagnant-gagnant » en tandem avec les journaux, s’ils créent des liens avec des journaux, apportent du trafic et s’ils convainquent les journaux de donner suite à des sujets qui seraient autrement ignorés.

Arab Press Network – 02 01 2008

Quel rôle jouent les blogs en façonnant l’avenir de la scène médiatique arabe ? Comment fonctionnent-ils en comparaison aux médias traditionnels – et comment sont-ils perçus par ces derniers ? Qu’offrent-ils que l’on ne puisse trouver ailleurs ? Ces questions figurent parmi celles soulevées lors du second Forum de la Presse Arabe indépendante qui a rassemblé des journalistes et des directeurs de publication venus de tout le monde arabe à Beyrouth, au Liban.

Ci-dessous le résumé de la troisième session de la conférence qui avait pour thème : les blogs, « une autre façon de transmettre les informations »

Mohammad Azraq, Blogueur, Jordanie : « Nous évoquons des choses que nos sociétés considèrent taboues. »

Les blogs permettent de discuter avec le monde entier de sujets qui sont tabous dans les médias arabes traditionnels, a déclaré M. Azraq au cours de cette session. Il a décrit plusieurs blogs, dont le site collectif Mideast Youth, qui rassemble des blogueurs de Tunisie, du Maroc, de Bahreïn, d’Arabie saoudite, d’Iran, de Turquie, des Etats-Unis et même d’Israël. Le réseau diffuse des textes, des podcasts et des vidéos.

« L’objectif du réseau est de dialoguer, de permettre à des jeunes qui vivent dans la région d’échanger des points de vue sur la culture et la politique », souligne M. Azraq. « Nous évoquons des sujets que nos sociétés considèrent tabous – la religion, le sexe et même l’homosexualité. Des sujets qui ne sont pas abordés par les médias grand public ».

Ahmed Al-Omran, Blogueur, Arabie saoudite : « Parce qu’ils s’en soucient »

Les frontières de la liberté d’expression se sont d’une certaine manière étendues en Arabie saoudite grâce à de jeunes blogueurs, soutient Ahmed Al-Omran. « Les jeunes Saoudiens ont besoin d’un espace libre où ils peuvent s’exprimer par eux-mêmes », dit-il. « Les blogs offrent une plateforme idéale pour se faire entendre ». En raison des restrictions culturelles et de la censure, les blogueurs ont tendance à être plus conservateurs en Arabie saoudite qu’ils ne le sont ailleurs, mais nettement moins que les médias traditionnels. Certains blogs ont été bloqués temporairement ou définitivement, et les rares blogueurs qui écrivent sous leur propre nom risquent l’interrogatoire et la fermeture de leur site.

Néanmoins, les blogueurs ont pu aborder des problèmes ignorés par les médias grand public, affirme Ahmed Al-Omran, et en particulier une manifestation de femmes dans le centre de Riyad, mais aussi les droits de la femme en général, la protection sociale, la bureaucratie et d’autres sujets encore. « Ils ne le font pas pour de l’argent, ils le font parce qu’ils s’en soucient », déclare-t-il.

Wael Abbas, Misr digital blog, Egypte : « Les blogs bénéficient d’un capital confiance ».

Les blogueurs et les blogs égyptiens sont devenus une source d’information reconnues en Egypte, Affirme Wael Abbas qui, en mettant en ligne une vidéo de policiers battant et agressant sexuellement un Cairote a permis de faire pression sur les autorités et conduit deux des policiers responsables à une peine de trois ans de prison.

La mise en ligne d’une telle preuve a contraint YouTube à fermer pour un temps son compte – qui a néanmoins rouvert après un tollé international.

Les blogueurs égyptiens prennent le risque d’être arrêtés et poursuivis, mais « en Egypte, nous avons besoin d’une information qui ne soit pas censurée, qui appelle à la démocratie et qui soutienne les droits de l’homme », affirme-t-il.

Les blogs sont devenus des sources d’information fiables et, en réalité, ils commencent à jouer le rôle que les journaux jouaient autrefois – à savoir que les détenteurs d’une histoire sensible vont la confier aux blogueurs et non plus aux journalistes.

« Les blogueurs essaient d’obtenir une information qui n’est pas donnée par les médias traditionnels », affirme Wael Abbas. « Les blogueurs s’attaquent à des sujets que les journaux ignorent ».

Ahmad Salman, Directeur Général Adjoint, As Safir : « Les blogueurs et les journaux libanais travaillent ensemble ».

Ahmad Salman déclare que les blogueurs et les militants pour l’environnement sont dans le même bateau. « J’aime penser aux blogueurs comme à des militants de Greenpeace, dans un petit bateau faisant face à une énorme plateforme pétrolière en tenant un drapeau », annonce-t-il. « C’est un peu comme s’ils disaient « je veux être journaliste », mais sans vouloir utiliser les méthodes traditionnelles ».

Les journaux utilisent les blogs d’une nouvelle manière aussi. Durant la récente guerre entre Israël et le Liban, les blogs ont été utilisés pour fournir des informations à la population. Dans la crise politique actuelle, un blog tient les lecteurs au courant des délais de procédure et des problèmes constitutionnels. Et des blogs existent pour des communautés particulières – un site pour les fanatiques de voitures Peugeot, par exemple, qui leur permet de savoir où trouver des pièces de rechange.

« C’est une nouvelle voie pour la liberté d’expression. Il existe aujourd’hui une nouvelle génération de journalistes, si vous voulez bien les appeler ainsi, et il n’existe pas de contradiction avec le journalisme traditionnel – cela améliore ce que nous faisons », soutient Ahmad Salman.

Wadih Tueni, Directeur informatique, An-Nahar, Liban : « Une situation gagnant-gagnant? »

Un blog est un « journal intime, une chaire quotidienne, une tribune improvisée, un flash info, une sélection de liens. Pour faire simple, c’est un site personnel », affirme M. Tueni.

Il a présenté les avantages et les inconvénients des blogs. L’aspect positif des choses, c’est qu’ils sont un médium d’expression libre dans une région dirigée par des dictateurs et qu’ils peuvent « pousser et aiguillonner » les journalistes afin qu’ils fassent un meilleur travail. L’aspect négatif, c’est qu’ils ne défendent pas tous la liberté, qu’ils sont une source peu fiable d’information, souvent biaisée et injuste, et ce qu’ils proposent n’est pas toujours approprié pour de jeunes lecteurs.

Cela dit, ils peuvent déboucher sur une relation « gagnant-gagnant » en tandem avec les journaux, s’ils créent des liens avec des journaux, apportent du trafic et s’ils convainquent les journaux de donner suite à des sujets qui seraient autrement ignorés.

Arab Press Network – 02 01 2008

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