Il y a peu je me rendais à un entretien d’embauche. L’offre à laquelle j’avais postulé correspondait tout à fait à mon profil et j’étais plutôt contente de décrocher cet entretien, d’autant qu’une photo était demandée sur le cv et que je ne l’avais pas jointe.

 

L’entreprise, dont je tairai le nom, se trouvant de plus près de chez moi, un salaire à peu près correct étant proposé, j’essayai de mettre toutes mes chances de mon côté : présentation soignée, préparation de l’entretien et blabla…

 

Le jour prévu, 5 minutes avant l’heure du rendez-vous, je me présente dans l’entreprise. Une personne me demande de patienter, ses employeurs n’étant pas encore arrivés. Vingt bonnes minutes plus tard, ces messieurs-dames daignent m’honorer de leur présence.{mosimage}


On m’introduit dans une pièce exiguë, sans chauffage.

Là, on m’explique ce que l’on attend de la future employée modèle.

Après bien des déboires avec leurs comptables précédents, Madame s’occupe des salaires et de la comptabilité, mais a beaucoup d’autres tâches, d’où le besoin de recruter une personne pour la décharger de ces tâches ingrates.

Jusque là tout va bien, je raconte mon cursus en insistant sur les points positifs, on m’écoute un moment puis Monsieur, sur un ton pour le moins agressif, me pose des questions sur la compta (j’adore que les personnes qui n’y connaissent rien mettent en doute le fait que je connais mon métier et que je le fais bien, et ce, depuis un certain nombre d’années tout de même). Bref, je réponds en essayant de garder le sourire.

Ensuite, c’est la débandade. Monsieur se lâche littéralement tandis que Madame sourit bêtement en opinant du chef.

Il reprend ma lettre : 

»Ah, ça va, vous écrivez à peu près bien, on en a eu qu’on ne pouvait même pas lire ! »

Ici, je ne réponds rien, que dire ?

Il ne me regarde pas mais :

– «  Vos prétentions salariales ?
– 1800 bruts mensuels » (je ne me risque pas à demander plus que ce qui est indiqué dans l’offre d’emploi)
– « sur la base de 35 heures ?
– Oui
– Bon, ici, pour 35 heures et pour au moins 6 mois ça sera moins, après on verra ! »

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Le ton est donné. Pas de discussion. Ces messieurs-dames ne trouvant pas de comptable, ont indiqué un salaire un peu plus élevé sur leur offre pour attirer les pauvres petits chômeurs que nous sommes.

– « Vous accepteriez de travailler le samedi ?

– En heures supplémentaires ? Bien sûr.

– Il y a beaucoup de boulot, ça pourrait se produire toutes les semaines !

– Les heures sont lissées sur l’année ?

– Non, vous récupérez quand vous pouvez. »

Jamais quoi, pas payé et des heures pas possibles, pourquoi pas ?

 

– "Vous avez des enfants et vous êtes seule ?

– Oui

– Et comment vous faites quand ils sont malades ?

– Je t’emmerde et mes gosses aussi. » Non, ouf, je l’ai juste pensé. « Ma mère s’en occupe en cas de problème »

Ce n’est pas de la discrimination ça ?

 

Et ça continue :

Monsieur : « vous ne travaillez plus depuis juin, comment que ça se fait que vous n’avez pas retrouvé, vous cherchez ? »

Madame : « C’est vrai, ils cherchent des comptables partout et il n’y en a pas sur V… » !!!!!

Moi : »… »

Là, je commence quand même à être un peu estomaquée. 3 offres sur toute la ville et environ 40 comptables sur le marché de l’emploi, ils se moquent de qui ces gens ?

Enfin, on arrive à l’apothéose finale :

Monsieur :

– « Bon, on cherche quelqu’un qui ne nous fasse pas chier. Si vous nous dîtes que vous bosserez, que vous ne serez pas malade, parce que la dernière, il y a fallu qu’elle se fasse opérer au bout de trois mois, et que vous ne prendrez pas de congé avant un an, on vous embauche !

– Désolée, je ne peux pas savoir si je ne serai pas morte dans trois mois, ça vous casserait bien les c… ça non ? » toujours dans ma tête. « Et bien, je ne peux rien promettre »

– Bon, on vous tiendra au courant.

– Merci, au revoir ! » Et au plaisir de ne pas vous revoir !

 

Petite analyse de la situation : Le gérant se plaint de ne trouver personne qui travaillerait chez lui 6 jours par semaine, payé au smic, avec niveau bac + 2 et expérience, une personne qui ne prendrait pas de congés, qui ne tomberait pas malade, qui aurait des enfants qui ne tomberaient pas malades non plus, qui d’ailleurs ne serait pas enceinte s’il s’agit d’une femme, qui saurait parfaitement écrire, une personne surtout qui ne le ferait pas chier !!! Une personne qui leur serait dévouée corps et âme ! Je comprends surtout que les gens qui travaillent là doivent faire une dépression en quelques mois tellement les employeurs doivent leur en faire baver !

Moralité : Ces personnes devraient peut-être se rendre compte que, d’accord, elles font vivre des familles en leur donnant du boulot, mais que sans ces employés, leur entreprise déposerait le bilan, et alors, ils frimeraient certainement un peu moins !

Heureusement que ce n’est pas une entreprise de couture autrement on jurerait qu’il existe un atelier clandestin dans les sous sols où Madame avec son sourire hypocrite jouerait du fouet sur des pauvres sans papiers et où Monsieur pourrait leur piquer les 2 sous qui leur reviennent en alléguant qu’ils ne sont pas en bonne santé !

Bravo pour tant d’humanité !

Sans grande surprise, et avec un immense soulagement (je ne pense pas pouvoir me permettre de refuser un cdi), j’ai reçu quelques jours plus tard la lettre de refus la plus brève que j’ai jamais vue.