et le coût pour l’État.
Lorsque Martine Aubry mis sur pied les 35 heures, avait-elle pensée à ce que pendant 12 années, sa première loi Aubry n° 98-641 du 13 juin 1998, et la seconde n° 99-366 du 19 octobre 1999 auraient provoqué un tel acharnement de la droite et une telle hostilité du patronat sans que leurs gouvernements, durant 10 années, ne les abrogent ? Elle avait eu de grandes difficultés pour combattre l’opposition afin de faire de ces 35 heures la réforme qui devait changer les entreprises tout en réduisant le chômage, mais de là à imaginer qu’elles feraient encore polémiques en 2012, il y a un fossé. L’objectif était le partage du travail par la réduction du nombre d’heures hebdomadaires légales afin de réduire le chômage, ce qui s’est déjà fait aux Etats-Unis. Une bonne idée en soi, mais elle fut si mal appliquée qu’elle conduisit à une usine à gaz sur le SMIC et surtout des difficultés dans ce partage qui conduiront à son échec, il ne put se faire dans tous les corps de métier. Un manque de réalisme dans cette conception du partage des tâches. Dans la fonction publique hospitalière, par exemple, cette loi causa d’énormes difficultés d’application, on ne remplace pas une infirmière au pied levé, ni un médecin. Ce fut donc le recours aux heures de RTT pour compenser celles du personnel hospitalier qui furent travaillées au delà des 35 heures de travail hebdomadaire. Quand on sait que le corps médical hospitalier avec les gardes obligatoires fait largement plus de 200 heures par mois, et qu’en outre, on manque de médecins hospitaliers, on voit l’impossibilité d’application de cette loi. Ce fut la raison pour laquelle ces médecins, pour les prendre en exemple, bénéficièrent de plusieurs mois de RTT. Des arrangements individuels permirent un compromis entre les jours de RTT et le paiement des heures afin de mettre fin à ce contentieux.
L’objectif fut l’embauche de 700.000 chômeurs mais, un chômeur ne remplace pas forcément un salarié sans une formation, de sorte que cette loi fut rejetée par le patronat qui eut néanmoins à s’adapter pour améliorer la compétitivité de ses entreprises aux nouvelles conditions de gestion du travail, mais toutes n’y souscriront pas. Ce fut donc un choc, et qui dit choc conditionne un temps d’adaptation tout en conduisant à une réaction, qui fut le refus de faire travailler les salariés au-delà de 35 heures en heures supplémentaires, et de ne pas suffisamment embaucher.
Globalement, malgré ces difficultés, les 35 heures eurent un effet bénéfique sur l’emploi entre 1998 et 2002. Mais pour les salariés elles conduisirent à une perte de revenu d’autant plus importante que les salaires furent bloqués. Certes, les entreprises qui jouèrent le jeu, après accord, bénéficièrent de réductions des charges patronales de façon dégressives, jusqu’à 1,7 fois le SMIC et une aide d’environ 600 euros par emploi rémunéré à partir de ce seuil. Très rares furent les cas ou la négociation se traduisit par un accord réduisant les salaires.
Leurs difficultés fut de payer pour 35 heures le même salaire que celui qui était payé pour 39 heures de travail, mais aussi de payer en heures supplémentaires les heures travaillées au delà de 35 heures jusqu’aux 39 heures qui étaient auparavant l’heure légale. Ces 35 heures eurent donc pour conséquence une hausse du coût horaire de 11,4 % pour les entreprises qui ne modernisèrent pas leur production, dont l’objectif était intrinsèquement recommandé, afin d’améliorer la compétitivité du travail pour absorber le surcoût horaire, mais aussi les conditions sociales en accordant plus de repos pour des activités de loisir. Ce fut également l’ouverture à la flexibilité puisqu’elle permit par l’annualisation horaire de la semaine de travail sur une année de donner aux entreprises la souplesse qu’elles souhaitaient eu égard aux marchés. Elles furent donc porteuses d’améliorations notables, compétitivité, flexibilité, meilleure qualité de vie, et augmentations salariales.
La surcharge salariale ne fut donc pas totalement compensée aussi bien qu’elle aurait dû l’être. Il s’en suivi pour certaines entreprises une augmentation de leur prix afin de récupérer la hausse des salaires de 11,4 %. L’ensemble des allègements des charges patronales consenties par le gouvernement, amélioration de la compétitivité, la flexibilité, et la modulation du temps de travail, permirent de réduire le coût horaire pour les entreprises d’environ 6,5 %, il ne resterait donc qu’un surcoût salarial de 5 %. Coût qui fut largement récupéré par le blocage des salaires, et l’embauche de salariés à des taux horaires inférieurs à ceux pratiqués, données tirées d’Alternatives économiques.
L’incidence de ce surcoût horaire sur la consommation, montra que les prix pour la période 1998/2003 n’augmentèrent que de 1,3 % contre 2 % pour la période entre janvier 1992 à janvier 1998. En d’autres termes, les 35 heures ne furent pas aussi néfastes que beaucoup le prétendaient, et le prétendent encore. Malgré ce fait, la politique de l’opposition n’eut de cesse d’attaquer les 35 heures qui à mon avis furent bénéfiques. Je reste à penser que si toutes les entreprises avaient joué le jeu, elles auraient amélioré leur compétitivité de notre pays.
Les 35 heures eurent donc un coût pour l’État, et rien que pour la fonction publique, le coût serait de 3,5 milliards d’euros dont 2,2 milliards pour les seuls hôpitaux. Pour l’industrie le coût des allègements s’élevait en 2002 à 11 milliards d’euros. Lorsque les allègements des cotisations furent étendus à l’ensemble des entreprises, bien qu’ils fussent réservés aux entreprises qui avaient signé un accord de RTT, le coût bondit en 2003 à 16 milliards pour se stabiliser à 19,5 milliards d’euros en 2006.
Le problème est donc, peut-on encore payer cette dépense revalorisée 2012 ? Oui, il le faut par obligation pour ne pas accroître encore le chômage.
La loi des 35 heures fut modifiée par François Fillon par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, dont le but fut de vider de son contenu la seconde loi Aubry en stoppant sa généralisation, à toutes les entreprises, avec le rétablissement d’un SMIC unique sur trois années en revalorisant de 4.5 % la garantie du salaire de base. Elle permit l’augmentation du contingent des heures supplémentaires en le passant de 130 annuelles à 180 heures, permettant aux salariés de travailler 39 heures par semaine sans avoir recours à une dérogation. Ce nouveau régime permit également la majoration des 4 premières heures supplémentaires au-delà de 36 heures à 10 % pour les entreprises de moins de 20 salariés. Elle introduisit un repos compensateur de 50 % effectif et rémunéré au delà de 41 heures par semaine dans les entreprises de plus de 20 salariés, au lieu de 10 salariés auparavant. De plus, les heures supplémentaires au delà de 180 heures par an permirent un repos compensateur de 50 % pour les entreprises de 20 salariés ou plus, (au lieu de 10) et de 100 % pour celles de plus de 20 salariés. Elle unifia les cotisations sociales entre les entreprises aux 35 heures et celles aux 39 heures avec un avantage plus marqué pour les entreprises qui restèrent aux 39 heures par rapport à celles qui passèrent aux 35 heures particulièrement pour les salariés autour de 1,3 SMIC. La loi Fillon contribua à une hausse des rémunérations aussi bien que pour les entreprises aux 35 heures que celles aux 39 heures, voir, l’évaluation de la réforme Fillon de 2003.
Il faut savoir que les 35 heures ont eu un effet bénéfique sur l’emploi, selon la Dares, les politiques de l’emploi et marché du travail, les 35 heures sont responsables d’environ 350 000 emplois supplémentaires sur l’ensemble de la période 1997 à 2002.
Devenues plus digestes pour l’opposition puisque qu’elle ne les abrogea pas, montre pour ce qu’il en reste, aucune impérativité de les abroger. Mais alors pourquoi sauter sur le premier ministre lorsqu’il déclara, face à un lecteur du Parisien/Aujourd’hui en France qui lui demandait la semaine de 39 heures payées 39, «développez ce point de vue, mais vous verrez qu’il fera débat. Mais pourquoi pas ? Il n’y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique». C’est en fait très différent d’un couac, Jean-Marc Ayrault n’est pas contre un débat sur les 35 heures, sachant qu’en définitive ce ne sont pas les 35 heures qui sont la cause de notre manque de compétitivité et de nos difficultés. La réponse du premier ministre fut recadrée par lui même, «il n’est pas question de revenir sur les 35 heures parce que ce n’est pas la cause de nos difficultés économiques, il y en a beaucoup d’autres», mettant ainsi fin à cette polémique. De plus, il a assuré que le rapport sur la compétitivité qui sera remis par Louis Gallois ne fait pas mention des 35 heures, de plus, François Hollande y est rigoureusement attaché.
Chez les socialistes, il n’y a pas unanimité sur les 35 heures. Aussi bien Manuel Valls que Ségolène Royal mirent en doute leur viabilité. Il faut se rappeler que sur la déroute socialiste du candidat Jospin à l’élection présidentielle de 2002, les 35 heures furent ciblées comme étant une des causes de sa défaite. L’autre raison fut leur rigidité selon Bernard Kouchner. Même DSK partisan des 35 heures, contesta cette rigidité, quant à Martine Aubry qui défendit ses lois ne sut pas suffisamment les expliquer, beaucoup de Français adhérèrent aux vociférations de l’opposition sans bien voir les avantages qu’elles apportaient. Et puis, ce qui fini Jospin fut la stagnation des salaires, les salariés n’étaient pas disposés aux sacrifices, les lois Aubry étaient trop en avance sur leur temps.