que sont-elles devenues ?

 

Mises en place par Martine Aubry sous le gouvernement Jospin à partir de l’année 2000 par deux fois votées en 1998 et 2000 avec une période d’adaptation de deux années, cette loi fixait la durée du travail à 35 heures par semaine au lieu de 39 heures précédemment sur une base de 1600 heures en moyenne annuelle ce qui permettait une souplesse d’adaptation du travail en fonction de la charge de l’entreprise, c’était tout simplement l’annualisation tant souhaitée avec à propos par le patronat il faut avoir conscience des réalités.

La fixation de la durée du temps de travail hebdomadaire s’est toujours inscrite dans le cadre d’une limitation permettant aux salariés d’avoir au moins deux jours de repos par semaine avec le dimanche. Avant 1936 il n’était pas rare que des salariés travaillaient tous les jours de la semaine, c’était une condition d’asservissement de la classe ouvrière, nommée ainsi à l’époque, au profit du patronat les seigneurs, rappelez-vous Germinal. C’était la porte pour les récalcitrants, mais pour vivre avec des salaires misérables les salariés ne pouvaient que s’incliner. En 1848 la durée hebdomadaire du travail était de 48 heures. Ces conditions sociales ont conduit aux grèves de 1936 du Front populaire sous le gouvernement de Léon Blum premier gouvernement socialiste qui a légalisé la semaine de 40 heures, 8 heures journalières, et les premiers congés payés, une avancée considérable pour l’époque.

La réduction du temps de travail à toujours été le cheval de bataille de la gauche pour l’amélioration des conditions de vie de la famille associée à la santé et aux loisirs. Il est évident que si l’on travail moins on peut accorder plus de temps à sa famille et à l’éducation des enfants. Cela ne peut que conduire au niveau national qu’à gains non chiffrables en termes de coûts mais non moins réels.

Les gains de productivité par le progrès technique, robotisation, informatisation, automatisation, incitent à cette réduction, on fait plus avec moins de valeur ajoutée et la production augmente, il est donc logique de réduire la durée du travail et à cela deux politiques, celle du chômage ou, celle du partage pour donner du travail à ceux qui n’en n’ont pas ?

La fixation du temps de travail hebdomadaire à toujours été une source de conflits entre la droite c’est à dire le patronat et la gauche, c’est un raccourci, et c’est à partir de cette durée de 40 heures qu’ont été introduites les heures supplémentaires accordant des majorations de 25 % à 50 % suivant que l’on travaillaient 45 heures ou plus par semaine. Après la seconde guerre mondiale, ou il fallait reconstruire le tissu industriel, nous faisions usuellement 45 heures hebdomadaires et même 47,5 heures par semaine pour 9h30 par jour sur cinq jours et voire plus, puisque j’ai très longtemps travaillé jusqu’à 52 heures. C’était simple et il y avait du travail.

La réduction du temps de travail, RTT, a visé à la création d’emplois en relançant l’économie par une meilleure organisation du travail, c’est une politique volontariste de solidarité consistant à l’embauche de chômeurs qui a été, et est encore combattue par le patronat, toujours d’application mais modifiée à partir de 2002 ou le régime des heures supplémentaires est assoupli avec une augmentation du contingent annuel de 130 à 180 heures sous le gouvernement Raffarin et la défiscalisation par la loi Tepa en 2007 sous le gouvernement actuel. Les 35 heures tant décriées, avec beaucoup d’injustice, masquant leur réalité législative, faisaient croire que les heures supplémentaires n’étaient plus autorisées.

En fait, elles ne sont qu’une durée symbolique de seuil à partir duquel les heures supplémentaires sont comptabilisées. Les réformes sur les heures supplémentaires les ont tuées sans qu’il soit nécessaire d’abroger la loi. La situation actuelle est l’anti thèse des 35 heures, puisque basée sur l’accroissement du chômage au lieu du partage du travail, c’est le choix d’un gouvernement de droite, on ne peut, ne pas, le reconnaitre. 

L’une des difficultés d’application de cette RTT est le fait qu’il n’y pas eu de création de postes de travail permettant cette solidarité, de sorte que le partage n’a pu s’effectuer pour les postes ou la valeur humaine et la compétence ne peuvent être partagées. Dans bien des domaines il est évidemment impossible que ce puisse être le cas. Dans la métallurgie, les métiers de la mécanique industrielle, par exemple, le travail du professionnel demande de l’apprentissage et des années d’expérience sur des machines, ne peut se partager aussi aisément que sur un ordinateur ou il est possible, n’ayant qu’à taper sur un clavier en appliquant les données d’un logiciel. Dans le domaine hospitalier le problème est du même ordre on ne peut du jour au lendemain remplacer le personnel, infirmiers et médecins. Les 35 heures ont ainsi désorganisé le travail puisque les recrutements n’ont pas compensés les réductions d’heures, et, malgré cela, et c’est paradoxal, certains dirigeants d’hôpitaux jugent que l’adoption des 35 heures a été au contraire bénéfique par la réduction de l’absentéisme pour maladies, rien n’est jamais complètement négatif ! C’est également vrai dans les métiers du commerce, de l’hôtellerie, ou le contact est primordial de part la confiance qu’il instaure, on ne peut remplacer, au pied levé, la catégorie de personnel la plus qualifiée.

Sous cet angle les 35 heures représentent un irréalisme impensable de la part de politiques qui aspirent à des hautes fonctions gouvernementales d’autant qu’elles s’appliquaient à tous les salariés et employeurs même agricoles, ce que l’on ne comprend pas. Dans les métiers peu qualifiés ou une formation de quelques semaines, caissières de super marché, personnels d’entreprises de nettoyage, main d’œuvre intérimaire pour des tâches simples mais aussi pour beaucoup d’autres le partage du travail peut être socialement productif en termes de chômage, mais c’est sans tenir compte d’une réalité humaine qui est l’égoïsme. La personne qui voit son travail partagé par la réduction de ses heures sans que pour autant il y ait plus de travail voit ainsi son salaire diminuer de 4 heures s’il ne fait pas les heures supplémentaires de 36 à 39 heures instaurées par la loi !

Comment les responsables politiques sont passés outre cette évidence ?

Les 35 heures ne sont qu’un outil à partir duquel on comptabilise les heures supplémentaires selon les entreprises de plus ou moins de 20 salariés. C’est un vrai casse tête. De la 36ème à la 39ème heure les heures supplémentaires font l’objet de bonifications, mais sauf accord collectif prévoyant d’y substituer une majoration de salaire la bonification est donnée sous forme de repos compensateur par demi-journée. Pour les heures de 36 à 39 le principe du non-paiement en argent des heures supplémentaires devient effectif, le paiement exigeant un accord collectif dans l’entreprise, et les heures travaillées et non payées sont remplacées par des congés que l’on nomme les RTT. Cela constitue une perte de salaire sauf pour les cadres principaux bénéficiaires des 35 heures qui peuvent avec leur salaire profiter de ces jours de congés.

Pour les salariés payés au SMIC le maintien de la rémunération antérieure à la réduction du temps de travail est effective seulement en cas de diminution du temps de travail de 39 à 35 heures. Après 39 heures et jusqu’à la 43ème la majoration est de 25%, de 50% après 43 heures. La même loi prévoit aussi le maintien d’un contingent annuel de 130 heures supplémentaires possibles sans autorisation de l’inspecteur du travail. Lorsque ce contingent est dépassé, il augmente le repos compensateur qui passe de 50% du temps travaillé à 100% de ce temps. Mais pour les salariés payés quelques centaines de francs, euros, au dessus du SMIC, les 35 heures constituent une perte de salaire, et d’aucuns préfèrent faire de heures supplémentaires au lieu des RTT, ce qui ne dépend pas d’eux mais de l’entreprise. Il n’est donc pas étonnant que cette loi sociale ait été rejetée à la fois par les salariés et le patronat. De même, il est tout aussi logique que, compte tenu du coût de ces 35 heures pour les entreprises, le patronat ait freiné au maximum en bloquant les salaires même si elles ont eu des compensations. A cela, et pour faire court, tant ces lois Aubry sont un sommet d’imperfection, que toutes tentatives d’inventaire exhaustif quand au rendement sur la réduction du chômage est hasardeux.

Pour les entreprises, elles ont eu un accroissement de 11,4 % du coût de la main d’œuvre 35 heures payées 39 mais aussi à cause des heures supplémentaires majorées de 36 à 39 heures. A cela s’ajoute une réorganisation dont le coût est amorti en partie par les gains de productivité. La réduction par une entreprise à 35 heures hebdomadaires donnait droit à un montant de 21.500 francs en 1999 soit 3278 € pour un SMIC à 4.000 francs, soit 610 €, actuellement il n’y a plus d’information. Le patronat s’est bien gardé de masquer aux yeux de l’opinion ce qu’il en retirait comme avantage, ne vantant que les inconvénients de cette loi, puisque faite contre sa volonté.

Le détail complet de cette loi et ses diverses applications est extrêmement difficile puisqu’elles sont aussi fonction des accords de branches de sorte que l’on ne peut apprécier ce qu’elles ont apporté que globalement mais sans aucune précision.

A l’origine le parti socialiste espérait la création de 700.000 emplois. Aux emplois créés, il faut aussi considérer les emplois perdus par l’augmentation des charges patronales et du contexte économique qui varie dans le temps. D’après Wikipédia ,

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), géré par les syndicats de salariés Français, parlait en 2002 de 500 000 emplois nets créés.

Martine Aubry, l’instigatrice du projet, affirmait en février 2004, qu’«environ 400 000 emplois» nets avaient été créés, «hors hôpitaux et collectivités locales». Le PS a officiellement repris ces chiffres. Dominique Strauss-Kahn estime pour sa part plus crédible des chiffres de 200 000 à 250 000.

Le Medef n’a pas fait ses propres études, mais il affirme que «Les 35 heures n’ont pas créé d’emplois», que «Le coût par emploi créé est totalement déraisonnable. Pour les finances publiques, le coût annuel des 35 heures est évalué à plus de 15 milliards d’euros. Plus de 35 000 euros par an et par emploi créé», cela correspond, implicitement, à une création (brute ?) de plus 450 000 emplois, ou d’une création inférieure à 200 000 emplois.

L’INSEE, en 2004, estime les créations d’emplois à 350 000, soit 200 000 emplois directs et 150 000 emplois dus aux allègements de charges qui accompagnent la réduction du temps de travail, emplois qui ne seraient pas tous permanents.

Selon la DARES (service statistique du ministère du Travail), les 35 heures auraient créé 350 000 emplois supplémentaires sur l’ensemble de la période 1998-2002.

On voit bien que dans ces estimations il n’y a rien de sérieux chacun donne un chiffre sans rien démontrer et dans ce domaine l’exagération comme la désinformation vont de pair.

Martine Aubry,

Je vais peut-être vous décevoir, mais nous les referions.

J’aimerais qu’on ait enfin un vrai débat dans notre pays sur les 35 heures. On a entendu tellement de contre-vérités. La droite en a fait son bouc émissaire. J’aimerais qu’on en appelle aux experts et aux Français et qu’on dise les choses simplement : 500 000 emplois créés, 7 % de gain de productivité pour les entreprises, un coût de 7 milliards d’euros, soit la moitié du coût des baisses d’impôts que M. Sarkozy a accordées aux plus privilégiés, le plus vaste mouvement de négociation qu’il n’y ait jamais eu dans notre pays.

Mais je sais aussi qu’il y a 15 % des Français qui ont vu leurs conditions de travail se détériorer, et j’ai toujours pensé qu’il fallait qu’il y ait des adaptations, prévues d’ailleurs dans la loi, pour les petites entreprises. J’avais d’ailleurs commencé mon discours en 1998 au Parlement par cette difficulté à laquelle nous serions confrontés, car il s’agissait d’une vraie grande réforme politique qui touchait à la fois ce que chacun a de plus précieux dans l’organisation de sa vie, le temps, l’équilibre entre le travail et les machines dans l’entreprise, un autre partage du travail entre les salariés et les chômeurs.

Mais ce n’est pas parce que les réformes sont difficiles qu’il faut y renoncer lorsque les objectifs sont justes. Je remarque que les Français ont récemment considéré que parmi les trois réformes qui ont marqué positivement notre pays ces vingt-cinq dernières années figurent les 35 heures en deuxième place, avec l’euro et Internet. Tout le reste ne relève pas d’un débat sérieux. 17/01/2008.

Comme dans toutes réformes, il y a du pour et du contre une grande réforme de gauche sur le partage du travail mais mal adaptée, et la question, qui n’est pas réglée est la suivante : faut-il partager le travail ou licencier ?