La mort du chef de famille est –il un désordre ? Voilà là une question digne d’un sujet de philosophie au BAC et qui résume bien la vie de nombreuses familles sous les tropiques. En Afrique, la mort est un phénomène qui donnent lieu à des cérémonies festives pareilles aux grands jours de joie. La mort est sacrée, et les morts le sont encore plus. L’écrivain ivoirien Bernard Dadié l’illustre par une citation connue de tous les élèves en Côte d’ivoire : 

" C’est ce qu’un mort n’a pu faire de son vivant qui rend lourd son cercueil ».

Aller comprendre que quelque soit votre condition sociale, si vous mourez, il y aura toujours des âmes pour vous réserver des obsèques dignes, prêts à dépenser des fortunes quand bien même elles  sont restées indifférentes au léger mal de tête qui vous a emporté. Une façon pour elles de se dédouaner la conscience ? Plutôt l’occasion tant rêvée de faire l’étalage de leur fortune et imposer l’admiration.

La mort est donc une occasion de réjouissances avant d’être un moment de douleur pour la plupart des invités aux funérailles du défunt. Mais le plus écœurant, c’est le traitement inhumain que subissent les veuves pendant les moments éprouvants de la perte de leurs maris. Dans certaines sociétés comme l’ouest de la cote d’ivoire, la femme est accusée d’office de la mort de son mari peu importe ce qui a tué ce dernier. C’est ainsi que le veut la tradition qui lui reproche entre autre d’avoir été la seule bénéficiaire des biens du défunt de son vivant. Biens qui de facto reviennent aux beaux parents de la veuve. Si elle est mariée, elle devra batailler dur pour pouvoir profiter de ce qui lui revient de droit avec l’aide assez molle de la justice trop influencée encore par les considérations traditionalistes.

Revenant aux accusations sans fondement de meurtre, la veuve lors des cérémonies de deuil est exposée à l’air libre le corps entier badigeonné de kaolin près de la dépouille mortelle de son mari, contrainte de pleurer jusqu’à remplir de larmes une grosse cuvette posée devant elle. Ce rituel achevé, elle doit se raser la tête et rester enfermée dans une chambre pendant plusieurs jours, où elle n’aura de contact avec personne. Le temps dit-on que l’esprit de son mari rejoigne le monde des morts. Après quoi, elle devra choisir un nouveau mari parmi les frères du défunt et devenir dans la majorité des cas une coépouses. Si elle refuse, elle devra élever toute seule ses enfants et ne rien attendre de sa belle famille qui par ailleurs se procure tous les biens au détriment des enfants du défunt.

 Cette pratique assez répandue en Afrique n’est pas prête de prendre fin malgré le brassage des cultures et la rencontre des peuples. Les nouvelles générations de plus en plus déracinées tentent tant bien que mal de s’en défaire. Mais tant qu’on est africain, on sent l’obligation d’assumer toutes les facettes de sa tradition. Identité culturelle oblige.