Comme chaque matin, Shaina se levait tôt, préparait le petit déjeuner pour ses deux frères, Malik et Karim qui dormaient encore allongés sur un drap posé sur le sol frais.

 Elle avait toujours tout donné pour eux depuis que ses parents avaient disparu dans le massacre de Sétif en 1945, elle était tout ce qui leur restait, du haut de ses quinze ans, elle savait déjà tout faire, ménage, cuisine, tout ce que faisait sa mère, mais elle faisait aussi le travail de son père, après s’être occupée de ses frères, elle partait au souk avec Rachache, son âne qui portait les tapis qu’elle allait vendre chaque matin, on l’entendait de loin la belle, qui criait en passant à travers la foule : "Belek, Belek, Belek". Avant de partir elle disait toujours les mêmes paroles que Karim et Malik entendaient sans écouter : " Restez à la maison, ne sortez pas et surtout pas de bétises !"

Une fois Shaina sortie, Karim, se penchait par la fenêtre et la regardait s’éloigner. Quand il l’a vit dépasser la colline et s’enfoncer dans l’horizon toute brouillée par les vagues que provoquait la chaleur, il courut vers Malik :

"Allez viens c’est bon elle est partie, la journée est à nous, allez dépêche toi, debout !"

 

Karim dévalle les escaliers, attrape son frère par le bras et sort dehors. Ils courent tout deux vers la rivière tarie et voient de l’autre côté un vieillard et commence à se moquer de lui en riant aux éclats. Soudain, le vieillard se met à avancer vers eux alors les petits se mettent à courir, de toute façon étant de l’autre côté du lit de la rivière, il ne les rattrapera jamais pensait Karim. Mais lorsqu’il se retourna, il vit le vieillard juste derrière lui, impossible ! Il courut encore plus vite et le vieillard pris une pierre et la lança de toutes ses forces, lancée à pleine vitesse, elle semblait poursuivre les deux minots à travers les virages de la ville. Mais qu’est-ce donc que ce vieillard ? Un djinn ? En tout cas ce n’est pas un homme comme les autres et ça c’est certain !

 

Karim et Malik se cachèrent dans une camionette de marchandise le temps de retrouver leurs esprits. Mais soudain un bourdonnement résonne, non ! La camionnette démarre et Malik et Karim sont toujours assis dedans !

 

Karim crie : " Arrêtez vous, arrêtez vous !" Mais personne ne l’entend et la camionnette s’éloigne de la ville. Quand elle s’arrête, Karim et Malik se dépêchent d’en sortir, il ne faut surtout pas que quelqu’un les surprennent ou ils auront droit aux coups de bâton !

 

Ils courent vers un mur et Karim regarde son petit frère qui pleure sans bruit. Ils sont perdus, ils ne savent pas où ils sont et ils sont seuls, ils pensent à Shaina qui, quand elle rentrera les cherchera partout.

 

 C’était le vendredi, Karim et Malik entendent un son qu’ils connaissaient bien, celui de la mosquée, elle était toute proche. Alors ils suivent les voix d’Allah et rentrent dans la mosquée, où pleins d’hommes étaient agenouillés et priaient. Malik sécha ses larmes, ils se sentaient comme chez eux ici, et même s’ils étaient perdus, ici c’était chez eux, leur famille spirituelle les rassurait. Ils y restèrent toute la nuit.