Le Figaro, sous le titre « 125 députés de droite dans la tourmente », présente une intéressante infographie pointant à la fois les résultats du Front national version Marine Le Pen et de François Hollande… Hormis le cas exceptionnel de la chambre ayant porté Lionel Jospin à Matignon, les législatives confortent généralement la majorité présidentielle, et toujours lorsque les scrutins se suivent de peu, comme cela se produira en juin. Mais rien n’est vraiment gagné d’avance pour les deux principaux camps. 

Très « parlante » infographie du Figaro, qui n’en est pas moins, en matière de législatives, quelque peu trompeuse puisqu’elle ne s’attache qu’aux seuls chiffres des résultats du second tour des présidentielles.

On le sait, de multiples facteurs influent, différenciés selon les circonscriptions fortement urbaines ou très rurales, fonction de la personnalité des candidats (nouveaux ou anciens ministres, élus locaux disposant d’autres mandats, surtout de maires), de leur implication sur la scène nationale (certains élus sont plus symboliques que d’autres).

Un bon député-maire, qui dispose de deux « assistantes sociales » localement (en sus des parlementaires à Paris), sera peut-être indéracinable, surtout si, à l’Assemblée, il fait peu (ou beaucoup) parler de lui en rapport avec les aspirations de son électorat.

Sachant que les équipes municipales vont éplucher les résultats, en tirer parfois des conclusions, des employés territoriaux sont plus fidèles ou fluctuants que d’autres salariés…

Clientélisme local

Et puis, on ne se mobilise pas de la même façon localement selon que le candidat est perçu proche ou très porteur d’avenir, qu’il incarne ou non de fortes convictions, devenant selon les cas la personne à conforter absolument ou à « abattre » en priorité.
De ce point de vue, Nathalie Kosciusko-Morizet, estimée « molle » par l’UMP, mais l’emblème même de la candidate prête à tout, reniements compris, pour l’électorat de gauche, peut avoir du souci à se faire : Sarkozy a certes atteint 51 % dans sa circonscription, grâce aux zones rurales et péri-urbaines, mais son enracinement local est finalement faible.

Jean-Paul Garraud, qui incarne la Droite populaire, est plutôt assez bien placé dans la 10e de la Gironde. Mais le Front national voit en lui un concurrent direct et les socialistes préféreraient sans doute que les tendances les plus droitières de l’UMP se voient désavouées ; pour servir de repoussoir, s’il en était, les futurs députés FN suffiront à leur tâche.

Le « vrai » vote Bleu Marine sera sans doute moins sensible à des considérations locales. Il s’agit de faire progresser une personne en dépit de qui la représente, ce qui s’est confirmé aux cantonales quand des candidates ou candidats n’ayant pas fait campagne ou ne représentant presque rien par eux-mêmes ont réalisé des scores parfois plus qu’honorables.

Divisions et dissidences

On verra si Front de gauche et Verts axeront localement leur campagne militante moins pour faire gagner leurs camarades que pour faire battre en priorité l’UMP. Quel que soit son action, un député – sortant ou non – sous étiquette UMP reste un « sarkozyste » godillot auquel le chef du parti peut tout faire avaler. En fait, il n’en sera sans doute rien (ou bien moins) puisque la guérilla Fillon-Copé est entamée. Selon les cas, certains UMP seront plus tièdement soutenus que d’autres, mais pour la gauche, c’est du pareil au même.

Cette querelle interne à l’UMP pourrait jouer aussi pour Michèle Alliot-Marie, en perte de vitesse. Soit son électorat la voit encore décisionnaire, soit pas. Jean-Pierre Chevènement, à Belfort, fut élu puis réélu puis battu à la députation. Non seulement fut-il perçu « droitier » par un électorat de gauche, mais son électorat centre-droit ne voyait plus trop ce qu’il pouvait apporter au Territoire puisqu’il devenait nationalement marginalisé.

Dans une moindre mesure, cela peut jouer aussi pour Jean-Louis Borloo, bien implanté localement, mais qui, lorsqu’il faudra tendre la sébile, pourrait se voir opposer des refus, tant au Sénat (qui dispose d’une forte cagnotte pour les territoires) que dans les ministères (qu’ils soient de droite ou de gauche).

Le Figaro estime que le jeune loup aux dents trop longues qu’est Guillaume Peltier n’a plus la moindre chance du côté de Tours. Une partie de l’UMP le déteste ou le prend pour un faiseur sans aucun avenir depuis que Sarkozy quitte le jeu politique et ne pourra plus rien pour son protégé.La sarkozette Salima Saa, à Soissons, serait dans le même cas. Apparatchika tirant ses revenus de subventions principalement (directes ou déguisées), si battue, elle aura comme Peltier d’autres soucis à se faire, à moins que son clientélisme ne la déporte dans le sens du vent nouveau.

Ex-poids lourd, de part son aura et ses réalisations innovantes, André Santini pourrait finir par avoir lassé : les habitants d’Issy sont plus frappés par la crise que ceux de Neuilly-Auteuil-Passy, et il ne représente plus dans le département ce dont son voisin, Patrick Devedjian peut encore prétendre défendre, soit une individualité opposée aux Balkany et Ceccaldi-Raynaud, les patrons des Hauts-de-Seine.

 

Ce type d’ingratitude peut fragiliser Xavier Bertrand à Saint-Quentin. Quant à Roselyne Bachelot-Narquin, dont le frère se présente ailleurs sous une étiquette FN-bis, son ex-suppléant et successeur putatif, Paul Jeanneteau (au passage, mes amitiés à la famille et aux anciens de Saint-Martin), s’est certes fait une implantation locale, il lui faudra sérieusement flatter dans les maisons de retraite. Davantage centre-droit qu’UMP farouche, il a en face de lui un socialiste « à l’angevine » capable de s’attirer des voix du centre, Luc Belot.

Petit chelem en Bretagne ?

 

On s’intéressera particulièrement au Morbihan, fief traditionnel d’un centre-droit sous bannière UMP. Le département s’est porté faiblement sur François Hollande, mais le Front de Gauche a maintenu partout des candidat·e·s. Yves Bleunven, Michel Grall, Jacques Le Nay seraient sur la sellette. Le Finistère, qui a été « charcuté » (toujours huit circonscriptions mais trois remaniées), risque de totalement basculer, avec notamment un Jacques Le Guen ayant abandonné la République solidaire (de Villepin) pour se rallier à Sarkozy : mauvais pari ?
En Loire-Atlantique, Philippe Boënnec, élu du Pays de Retz, avait certes fait l’écart avec le PS, mais le FN avait placé Marine Le Pen en deuxième position du second tour.

Douze nouvelles circonscriptions ont été crées (une vingtaine de supprimées) en métropole, et le vote des Français de l’étranger pourrait être décisif, mais il n’est plus tout à fait sûr qu’il avantage si fort la droite.

Querelles locales

Une opposition dirigée par Fillon, qu’Ayrault connaît fort bien puisqu’ils sont tous deux élus de la région Pays-de-Loire, ne déplairait sans doute pas à une majorité socialiste. La militance s’attaquera d’autant plus volontiers à Jean-François Copé dont les assises à Meaux sont fragiles. Nadine Morano (5e, Meurthe-et-Moselle), sans opposition FN, aura du souci si elle n’est pas élue de justesse au premier tour face à un PS et une PdeG. Son éviction serait jubilatoire pour la gauche…
En Haute-Saône, département remanié (plus que deux circonscriptions), Alain Joyandet s’est attiré de fortes inimitiés et son présumé successeur, Alain Chrétien, voit certes la division à gauche mais aussi deux candidats centristes l’affronter.

Il se présentera aussi des situations cocasses. Ainsi, dans la 6e mosellane, pour des histoires de sous, Éric Villain a été exclu du FN mais affrontera le candidat Bleu Marine, Florian Philippot. En revanche, à Lyon (4e), le candidat de Dupont-Aignan (DLR) s’efface au profit du FN Romain Vaudan, ce qui ne devrait guère changer la donne.

Les dissidents du PS sont déclarés, mais on ne sait pas trop quel groupe parlementaire des élus sous étiquette UMP pourrait rejoindre si les centristes divers tiraient leur épingle du jeu. Des sarkozystes mous « repentis », des durs déçus rejoignant le RBM (Le Pen), de manière plus ou moins déclarée (dès le premier tour, ou entre les deux tours), pourraient créer des situations tangentes. On voit même un ex-PS, Daniel Gest (de Boulogne), appuyer le candidat FN, ANtoine Golliot.

Saluons en tout cas le geste de Laurent Wauquiez, en position délicate dans son fief, qui a renoncé à ses six mois de salaire en tant qu’ancien ministre. C’est bien le seul. Les centristes y seront sans doute sensibles.

Mise en garde

Toute élection législative entraîne des dérapages qui ne sont pas que verbaux. Il fut un temps, au siècle dernier, où le très chrétien centre lecanuetiste employait des « racailles », de jeunes repris de justice, pour coller ses affiches. Ils avaient la main (et le gourdin) lourds, car leur rémunération était variable, fonction d’une tournée du lendemain pour constater que leurs collages n’avaient pas été recouverts.

Avertissement donc aux militants de tous les bords, les distributeurs de tracts sont parfois des abstentionnistes, voire des gens de diverses opinions rémunérés par des officines. D’une part, il vaut mieux fuir l’affrontement, d’autre part il ne faut pas trop compter sur la formation qui rémunère pour prendre publiquement la défense des agresseurs (qui n’auront sans doute même pas un avocat rétribué par elle). Le « défenseur des gays » présumé du camp d’en face est peut-être homophobe, et le pourfendeur des mêmes supposé « en est » peut-être… L’exemple est peut-être farfelu, mais au moins est-il parlant, et transposable à d’autres thèmes.

Les partisans de Copé (ou ceux de Mélenchon) seront sans doute plus prompts à donner de la voix, le verbe le plus haut et offensif possible, que ceux de Fillon (ou Hollande) : tout cela, c’est un peu du cinéma… aussi. Cela ne mérite pas de passer par la case urgences à l’hôpital…