Mais que fait donc ce « lumineux » ecclésiastique entre cette libidineuse Jeanne et cette non moins dévergondée de baronne ? Et pourquoi les bouquins de Duchêne sont-ils si peu souvent dans Le Canard ? Et pourtant si. Du « si » dont on fait le verre des bouteilles parisiennes de champagne, dit-on. Il y un lien entre tout cela, et c’est le fil ténu de l’impéritie torsadée de procrastination.
Entre les expos de Catherine Ursin (cette fois à Montreuil et non à Marassa Trois où Pier Geering lui succède), de l’ami Tachdjian à La Condition publique (à Roubaix), du collectif (c’est pour éviter la malsonnance d’un « du duo ») 10DIX au Cabinet d’amateur (Paris, comme Marassa Trois), j’en oublie de lire ou relire. Or j’ai tout plein de lectures sur la planche, ou plutôt les planches. Celles de BD car j’ai bien reçu le communiqué de l’Agence Profile sur ManoloSanctis, « l’édition communautaire ». Planches à dessiner ou graver car voici que reparaît un Lui Cuisine (ou « le manuel du parfait maître queux » avec 321 recettes aussi gourmandes que coquines et 65 illustrations). Les illustrations de Lui Cuisine sont de Topor et je dois à la mémoire de Laurence « Lola » Ceuzin de dire que l’illustrateur culinaire ne fait pas plus le cuisinier que la cuisinière, mais c’est une toute autre histoire… Bref, nous en reparlerons, le moment venu (les éditions de l’Épure sortent cette réédition du livre-album de 1971, paru sous l’égide du magazine Lui, vers mi-novembre 2009).
Et il sera de nouveau question, ici, un jour, de l’édition « remastérisée » (soit revue et augmentée en langage nordiste, car Charles Duchêne est un Lillo-Sommois très éveillé pour un ancien P’tit Quinquin, mais il n’en est pas à un paradoxe près) de Chacun pour soi. C’est très vachard d’envoyer une seconde édition corrigée et étoffée à un copain : il lui faut relire la première afin de chroniquer la seconde. Je me demande si ce ne serait pas un motif de fâcherie. En tout cas, ce qui ne va pas (enfin, trop longtemps) nous fâcher, avec Charles Duchêne, c’est l’annonce de son Amis privés. Il va sortir aussi en novembre avec une couverture qui démontre par l’exemple qu’on peut avoir étudié le journalisme à Lille (à l’E.S.J.) et oublier des notions de bases. Ainsi, il convient généralement de faire en sorte que la direction du regard d’un personnage ne « sorte » pas vers une marge. Mais tout se discute. En tout cas, je préfère ma version qui dispose Duchêne regardant amicalement Dekeister à celle de Charly (Duchêne) qui semble se détourner de Norbi (Dekeister) comme s’il se livrait à une miction particulièrement bouillonnante. Bref, il s’agira d’un roman épistolier dans lequel, si j’ai bien compris le prière d’insérer de la quatrième de couverture, Houellebecq et B.-H. « V » (dit aussi, selon les deux compères « le bidon d’Arielle ») ne sont guère courtisés.
Le problème avec cette pratique des éditeurs de vous envoyer trop à l’avance des épreuves ou des PDF de bouquins à paraître, c’est que souvent, vous les lisez, puis vous oubliez de chroniquer à proximité de la date de sortie. Ainsi du Frédéric Huet, Ma Vie ratée d’Amélie Nothomb, dont la couverture réelle devait s’orner d’une pomme blette. Et si fait, c’est paru depuis belle lurette avec cette pomme d’un bleu blet du meilleur effet. Mais c’est celle du blogue-notes de l’auteur que vous trouvez sur mon petit montage. Or là, à plus d’un trimestre de retard sur la réception des épreuves, je n’ai plus qu’à relire en diagonale si je veux faire une chronique qui se tienne. Car de mémoire, j’ai le confus souvenir d’un bouquin sympa, pas génial-génial, mais plutôt inventif. Dans le genre livre de précaire facétieux (il en est d’autres chez Anabet) qui, sous couvert de légèreté, de superficialité, vous assène quelques formules pas trop creuses qu’on replacerait bien dans la conversation. Amélie a trouvé, chez Huet, ce que Bernard-Henri et Michel Thomas vont sans doute mériter chez les tontons fouettards rigolards que sont Norbert Dekeister et Charles Duchêne (chez éditions BTF Concept).
J’ai coincé (iconographiquement) Henri-Joseph Dulaurens, abbé de son état avant d’être un tiers comme un autre, entre deux livres « récents » des éditions La Musardine. Stéphan Pascau avait fait paraître une première étude sur ce personnage chez la vénérable maison Honoré Champion. Là, dans la collection des « Gueux littéraires » de la maison Les points sur les i (dirigée par Alain Guillo), il récidive avec cet Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières. L’abbé Dulaurens était un satiriste plutôt caustique qui n’a pas eu le bonheur de se défroquer à temps pour échapper à la justice des dévots. Était-il si graveleux qu’on l’écrivit ? J’attends le Pascau pour m’en faire une idée.
En revanche, j’ai quelques idées bien arrêtées sur le plaisant et léger Philippe Bertrand. Son La Baronne n’aime pas que cela refroidisse est un ouvrage leste qui, sous couvert d’enquête policière, aligne quelques grivoises trouvailles qu’il illustre à sa façon. Philippe Bertrand est aussi un auteur BD et dit « pour la jeunesse ». Là, c’est paillard, et dans le genre scènes de la vie partouzarde provinciale, pas vraiment décevant. Je lis dans le communiqué qui accompagne l’ouvrage qu’il est truffé « d’illustrations à faire rougir le lecteur le plus blasé ». Je dois être encore plus blasé que blasé. Il ne faut rien exagérer : que dire alors des scènes, heureusement purement oniriques et non illustrées, du Journal de Jeanne ?
Le Journal de Jeanne est un petit ouvrage du peintre Mario Mercier. Petit, mais ambitieux. Dans le genre SMBD (sadomasochisme, bondage, domination), cela surpasse les effroyables visions d’Andrea Kolinsky. Lesquelles sont gratuitement disponibles grâce à l’auteure d’un ouvrage de référence sur le masochisme, Anne Larue. Alex dans les flammes, Xarus à l’école des femmes, José en amour peuvent être obtenus sur simple demande via un blogue-notes dédié. On en réservera la lecture aux adultes très avertis des figures de style du genre (enfants torturés, chairs calcinées, sévices outranciers). J’y reviendrai, comme pour les autres ouvrages, quand le loisir m’en sera donné. Ce Journal avait été censuré lors de sa sortie, et on comprend aisément pourquoi. Je l’ai trouvé inégal, luxuriant en sa première partie, moins bien mené (ou peut-être s’habitue-t-on à ce style inventif très recherché ?) par la suite. Pour résumer, disons que Histoire d’O fait figure de bluette à côté et qu’on peut partager l’opinion de Claude Gallimard déposant lors du procès ayant suivi la parution chez Losfeld : « j’aurais publié sans hésiter ».
Bref, entre deux évocations d’expositions, je vais tenter de vous en dire davantage sur ces ouvrages. Mais pour le moment, vous pouvez rallumer votre téléviseur…