Dans un récent rapport, la Banque Mondiale appelle à des réformes urgentes pour sauver l’avenir économique de bon nombre de pays de l’Est et de l’ex-Union soviétique.
Partout dans le monde les sociétés vieillissantes sont en danger économique. Néanmoins, la Banque Mondiale tire la sonnette d’alarme en ce qui concerne les anciens pays satellites ou autrefois intégrés à l’URSS. Un rapport établi par ses économistes en dresse les raisons et dresse un tableau des mesures à prendre.
Les données du problème
En 2025, les populations de neuf pays d’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique (de l’Azerbaïdjan à la République slovaque) compteront parmi les plus âgées au monde. Entre un cinquième et un quart de leurs habitants seront alors âgés de plus de 65 ans. Ce sera le cas de plus d’un Bulgare sur cinq. En Slovénie, l’âge moyen sera de 47 ans – l’un des plus élevés au monde.
Ces populations plus âgées seront aussi nettement moins nombreuses. Une projection dynamique indique que cette région devrait voir sa population totale diminuer de près de 24 millions de personnes au cours des deux prochaines décennies. La Russie à elle seule devant perdre 17 millions d’habitants. Ces chiffres, qui à l’état brut ne semblent pas problématiques, cachent cependant une réalité inquiétante.
Un financement déjà insuffisant aujourd’hui
Les principaux enjeux viennent de ce que les populations vieillissantes risquent d’exercer des pressions nouvelles – et éventuellement ruineuses – sur les dépenses publiques, en termes de retraites et de soins de longue durée pour les personnes âgées notamment. Les craintes sont d’autant plus vives que dans de nombreux pays anciennement communistes, le financement de ces régimes est déjà insuffisant.
« La mise en œuvre de politiques avisées peut modérer l’impact du vieillissement sur les dépenses. Une hausse des dépenses publiques est certes inévitable, mais il est possible d’amortir le choc.Pour cela, les pays de la région doivent adopter des politiques visant à assurer la viabilité financière des régimes de retraite malgré l’augmentation du nombre de retraités, et prendre des mesures anticipatives pour le financement des soins de santé à long terme », observe Mukesh Chawla, économiste principal à la Banque mondiale.
Une accumulation de handicaps
« Les pays plus riches et plus développés comme la France, l’Italie et le Japon, sont bien plus en mesure de relever le défi du vieillissement que les pays vieillissants de l’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique », précise Arup Banerji, chef du département Économie du développement humain de la Banque mondiale qui motive cet avertissement de la Banque Mondiale.
« Aucun pays vieillissant au monde n’est aussi pauvre que la Géorgie. Avec un revenu national brut par habitant à peine supérieur à 1000 dollars, elle va perdre près d’un cinquième de sa population au cours des vingt prochaines années »
En conséquence, la région qui regroupe 27 pays, se trouve être la seule qui soit confrontée au problème cumulé d’un vieillissement rapide, d’une relative pauvreté et d’une transition incomplète à une économie de marché bien développée.
Un développement institutionnel trop lent
Qui plus est, le développement institutionnel piétine dans de nombreux pays, même ceux qui ont adhéré à l’Union européenne.
Ce problème apparaît donc d’autant plus grave pour ces pays qu’il leur faut simultanément accélérer leur transition économique et engager d’urgence des réformes de plus long terme pour parer aux conséquences démographiques.
Des solutions, parfois simples, existent
Dans tous les pays où des projections détaillées ont été établies, des réformes suffiraient en grande part à parer à la poussée des dépenses des états, due au vieillissement . La meilleure méthode selon les auteurs du rapport, consisterait à relever l’âge de la retraite, généralement très bas dans la région, mais la modification des formules de calcul des taux de prestation permettrait aussi de réaliser des économies.
Le dosage des réformes nécessaires varie selon les pays, expliquent les experts de la Banque Mondiale : « Depuis la Lituanie et la République slovaque, qui devront combiner ces deux mesures, jusqu’à l’Albanie, la Roumanie, la Serbie et la Turquie, qui devront donner priorité à la réforme de l’âge des retraites ».
Les soins, plus que les retraites
Mais le souci du financement des retraites semble mineur en regard de l’explosion des dépenses liées aux soins de santé. «A long terme, elle suscite de vives inquiétudes » prévient la Banque Mondiale qui souligne la gestion à retardement du problème : « les pays de la région ont été lents à prendre la mesure du problème et à entamer la mise en place des mesures et des institutions nécessaires pour atténuer le choc potentiel des dépenses ».
Partant du constat que le placement des personnes âgées dépendantes en institution constitue une solution coûteuse et «souvent inefficace», la Banque Mondiale pense qu’il est indispensable d’établir des services de soins substantiellement moins onéreux que les services hospitaliers.
Pour cela, proposent les économistes, il convient « d’accréditer et de soutenir les prestataires de soins informels ». Des prestations en espèces et en services pourraient être intégrées à la prise en charge des personnes âgées de manière à maintenir une offre suffisante de prestataires.
En manque d'épargne
Il est généralement admis que l’évolution démographique actuelle de la région mettra un terme à sa croissance économique. Avec le vieillissement démographique, la population active va s’amenuiser, et les personnes âgées épargneront moins, ces deux phénomènes se traduisant par une baisse de la main d’œuvre et du capital nécessaires aux pays de la région pour maintenir un rythme dynamique de croissance.
« Le rapport fait valoir qu’il est possible de prévenir un ralentissement de la croissance », déclare Gordon Betcherman, économiste principal à la Banque mondiale. « Des mesures visant à rehausser la productivité compenseraient nettement les pertes dérivant du rétrécissement de la population active. Les pays vieillissants peuvent aussi doper leur production en augmentant le taux d’activité ; ils doivent pour cela relever l’âge de la retraite et encourager la flexibilité de l’emploi. Par ailleurs, si les conditions politiques le permettent, la migration interrégionale permettra d’atténuer les pénuries de main d’œuvre. »
Travailler plus, produire plus et réformer
Selon la Banque mondiale, une productivité soutenue sera absolument indispensable pour que les pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique puissent maintenir une croissance dynamique et se rapprocher de l’Union européenne en termes de revenus et de niveau de vie.
Il devront pour cela procéder à des réformes afin de diversifier les marchés financiers, ce qui augmentera l’épargne et l’investissement, et d’assouplir les marchés du travail. Enfin, il leur faut améliorer l’éducation et mettre en place des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie et d’innovation pour tirer le meilleur parti de leurs ressources humaines en diminution.
Tous ces conseils et ces recommandations trouveront-ils un écho auprès des gouvernements concernés ? Par ailleurs, la France et l’Europe auraient tout intérêt à permettre le démarrage du processus afin de se prémunir de problèmes futurs qui risquent de se transformer en affrontements entre deux parties de l’Union.
Article faisant partie du dossier Economie 2007 du site www.evenemonde.info{mosimage}