mais une chance pour notre société, analyse.

Les positions socialistes sont variées et certaines plus dogmatiques que d’autres plus libérales. Les plus ouvertes seraient pour admettre une augmentation de l’âge de départ sous certaines conditions qui résultent de la logique et que j’ai développée dans mes articles retraite faire preuve de responsabilité », et Martine Aubry face à la réalité. Il est donc difficile de voir dans ces différentes positions celle qui finalement doit être prise en compte en attendant que soit désigné par la primaire celle ou celui qui portera les couleurs socialistes. Ségolène Royal, se fait discrète, pas de position affirmée sinon une critique du gouvernement sur la méthode qu’elle trouve trop autoritaire, refus de discussion, de négociation, manque de respect des partenaires sociaux, et reproche au gouvernement de ne pas associer une cotisation du capital jugeant que le paramètre des ressources est à prendre en compte. Mais cette position n’est pas médiatisée de sorte qu’elle n’est que peu connue. Martine Aubry, de son coté, publie sur les retraites un article dans Le Monde.fr du 15/04/10 qui mérite, puisque réservé aux abonnés de ce site, d’être diffusé et analysé étant à la fois humain et politique. 

Elle écrit,

en ce début de XXIe siècle, la France a franchi le seuil des 80 ans en matière d’espérance de vie. Ce sont des années gagnées, des années utiles pour soi-même et pour autrui, une conquête à laquelle notre modèle social, si décrié par la droite, n’est pas étranger.

En fait la droite ne décrie pas notre modèle social, elle l’affaiblit pour des raisons budgétaires ayant pour origine son dogmatisme, favoriser les classes aisées au détriment des plus pauvres sans que pour autant la situation de la France s’améliore. Dernier fait, l’annonce du déremboursement de 35 % à 15 % de 150 médicaments, les Français auront encore plus de difficultés pour se soigner, mais avec cela une augmentation électoraliste de 4,5 % de la consultation des médecins généralistes, il faut bien la compenser par une réduction des remboursements sur les médicaments.

Elle poursuit, en même temps, l’allongement de la durée de la vie ne s’accompagne pas toujours d’une valorisation des individus. Sur d’autres continents, vieillir est positif, symbole de sagesse et d’expérience. Mais dans la société du live et du in, les cheveux blancs, les rides, les années sont souvent ignorées, voire stigmatisées. Notre modernité, consciemment ou non, organise une véritable exclusion de l’âge et du grand âge.

Si l’on considère les revalorisations des pensions de nos retraites, en effet les retraités sont oubliées, ce n’est pas les 0,9 % d’augmentation qui recadrent leur niveau sur l’évolution de coût de la vie. Sans que ce soit une exclusion, ce n’en n’est pas moins une forme qui revient à placer les retraités en dehors de la société. Dernier fait, le maintien au taux de 1, 25 % du livret de Caisse d’épargne alors qu’il devrait être revalorisé à 1,5 %. Ce livret c’est celui des pauvres et des personnes âgées.

Telle est l’ambivalence du vieillissement, à la fois cadeau et discrimination. C’est aussi l’un des plus grands défis à relever par la puissance publique, celui du changement des conditions d’accès des seniors à l’autonomie, au logement, à la mobilité et aux soins, aux loisirs, ainsi que de leur indispensable financement. Ces enjeux seront au coeur du débat sur l’avenir des retraites. Les socialistes seront au rendez-vous des contre-propositions.

Le vieillissement serait un cadeau, ou simplement un progrès de nos conditions de vie et de notre médecine, de plus ce n’est pas le vieillissement qui est discriminé mais ceux qui vieillissent et pas tous. Que l’enjeu des retraites soit au cœur du débat pour les séniors c’est vrai, en ce qui concerne leurs conditions de vie, mais aussi celle de tous les Français qui seront un jour retraités. 

Nous serons fermes sur nos valeurs et inventifs pour trouver des solutions qui garantissent la pérennité et l’équité du système par répartition. Nous n’acceptons pas l’appauvrissement de nos aînés, qui enferme tant d’entre eux, et d’abord d’entre elles, dans des «minimum vieillesses» de quelques centaines d’euros par mois.

On ne peut qu’être de cet avis mais pour la pérennité du système par répartition, il faut trouver le financement puisque le rapport salariés sur allocataires tend vers un. C’est donc un changement complet d’orientation politique concernant les choix budgétaires qui ne peuvent être fait qu’avec une autre majorité politique. Ce sont deux conceptions qui s’affrontent et aucune possibilité de convergence. Sans une remise à plat du financement par une cotisation sur l’ensemble des revenus, capital, CSG, ce ne peut être que des demi-mesures qui ne feront qu’appauvrir les retraités.

Nous le ferons sans céder aux ultimatums. Le gouvernement cherche à dramatiser pour imposer ses décisions à sens unique dans l’urgence quand il faudrait, comme le demandent les organisations syndicales, prendre le temps d’une véritable négociation pour trouver les voies d’une réforme juste et viable dans la durée. A cet égard, la statistique ne saurait remplacer la politique, le rapport du Conseil d’orientation des retraites, COR, est un élément parmi d’autres de l’évaluation financière et ne doit pas être instrumentalisé pour imposer des choix de société.

En fait, je ne vois pas comment le parti socialiste puisse empêcher ce qui transpire, c’est à dire l’allongement de la date de départ en retraite et l’augmentation des allocations. La discussion avec les syndicats qui sont d’ailleurs peu représentatifs dans le privé, n’est que pour nous amuser, et ne pourra porter que sur des points de détail.

Les salariés et les retraités ne peuvent pas être les seuls sur lesquels reposent tous les efforts. Réformer les retraites suppose d’introduire sans tarder de nouvelles ressources dans le système. Ce qui ne signifie pas de peser sans fin sur les salariés ni de diminuer les pensions.

On ne peut être que de cet avis, il faut élargir la base des ressources de financement et y introduire comme écrit ci-dessus les revenus du capital et de la CSG. Les revenus du capital bénéficient d’un taux réduit de 18 %, il importe donc de tout revoir et de prendre son temps.

Là se trouve le point aveugle des décisions libérales de 1993 de Balladur ou de 2003 de Fillon : jamais la droite n’a pris la peine de soumettre les très hauts revenus, les produits du capital financier ou de la rente à l’impératif de solidarité alors même qu’un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté. Les pistes ne manquent pas, élargissement de l’assiette des cotisations à la valeur ajoutée, cotisations sur les stock-options et d’autres rémunérations non assujetties, abolition des privilèges fiscaux qui minent la cohésion nationale, surtaxe de 10 % de l’impôt sur les sociétés acquitté par les banques, affectée au fonds de réserve des retraites, etc. Les choix opérés devront être réévalués à étapes régulières, tant ils dépendront de l’évolution de la démographie, de la croissance, de l’emploi et de la masse salariale, sans pour autant remettre en cause la stabilité des droits indispensables à la confiance dans le système pour les jeunes générations.

Ces propositions sont inacceptables pour ce gouvernement ce qui reviendrait à un changement à 180 ° de sa politique. La France souffrira encore longtemps de cette politique injuste et néfaste pour notre pays.

Sans renoncer à donner plus de souplesse aux choix individuels et en tenant compte de l’hétérogénéité des parcours professionnels et de leur pénibilité, nous défendrons le maintien de l’âge légal du départ à la retraite à 60 ans, c’est-à-dire la possibilité de faire valoir ses droits à pension, avec la possibilité de partir plus tôt pour ceux qui ont exercé des activités particulièrement pénibles. Les Français savent que l’accroissement de l’espérance de vie et une arrivée plus tardive sur le marché du travail nécessitent pour beaucoup un départ réel après 60 ans. L’âge moyen de départ réel est déjà de 61 ans et demi. Mais si l’âge légal était repoussé à 62, 63, 65 ans, comme le préconisent l’UMP et le Medef, des centaines de milliers de personnes qui ont commencé à travailler très jeunes seraient contraintes de faire 44, 45, 48 années de travail. Dans un marché du travail qui ne fait pas sa place aux seniors, combiné à l’allongement des durées de cotisation, cela se traduirait pour eux, avant tout, par une baisse des pensions que nous ne pouvons accepter. L’efficacité n’est pas, à nos yeux, le contraire de la justice.

Comme écrit dans mon article «retraite faire preuve de responsabilité», il faut en effet tenir compte de ceux qui ont commencés jeunes. De même augmenter l’âge de la retraite en permettant que les séniors en soient exclus par ce que licenciés avant ne peut être admis, il faut une réforme équilibrée qui tienne compte de tous les paramètres. 

Au-delà, chacun le sait, le bien-être des Français qui vieillissent ne sera pas assuré en comblant les seuls déficits comptables. L’allongement de la vie a fait naître d’autres déficits, d’utilité sociale pour les seniors, d’emplois qualifiés pour accompagner les mutations de l’âge, de liberté pour ceux, sans cesse plus nombreux, qui souhaitent rester à domicile, de logements et d’équipements adaptés aux personnes dépendantes, de soutien pour les familles confrontées à la maladie d’Alzheimer ou aux pathologies dégénératives, de valorisation accrue des filières gériatriques à l’hôpital ou encore de la reconnaissance du droit de mourir dans la dignité…

Le progrès en âge fait émerger des aspirations mais aussi de nouvelles inégalités. Celles qui se révèlent quand la société se défait et se détache de ses plus anciens. Mieux vieillir ensemble exige d’abord la possibilité de se «réengager». Après le temps du travail, le temps des projets ! Forts de cette «vieillesse indépendante», les retraités demeurent des acteurs, même s’ils ne sont plus des actifs au sens où l’Insee les définit. Ils sont souvent des bénévoles sur lesquels beaucoup sinon tout repose, dans des associations, des municipalités ou des mutuelles, dans l’aide aux devoirs pour les élèves et le lien social pour les plus démunis, pour soutenir ici un jeune qui crée sa PME et conseiller là-bas une organisation non gouvernementale humanitaire.

Nos représentations sont à revoir, car les seniors soutiennent la société et ne se bornent pas à lui demander secours. En meilleure santé, de plus en plus longtemps, ils consomment, voyagent, épargnent, aident financièrement leurs enfants et petits-enfants. L’expérience est un atout, voilà la grande révolution ! Une société créative ne saurait se passer de ce capital. Encore faut-il que la société et que le politique considèrent l’âge pour ce qu’il est, une chance, non un fardeau. Reste qu’il n’est pas donné à tout le monde d’être délivré des enjeux du quotidien.

Mieux vivre le grand âge dans une société solidaire, c’est non seulement assurer des retraites décentes, nous en sommes encore loin pour des millions de nos concitoyens, mais également offrir la possibilité à chacun de vivre et non de survivre, de se loger dignement, d’être soigné sans retard dans un pays qui n’accepte pas de devenir un «désert médical».

Mieux vieillir exige aussi que les territoires, villes ou campagnes, s’organisent pour apporter des réponses personnalisées, humaines et de proximité, capables de satisfaire des besoins qui varient selon l’état de santé, la situation familiale. L’action publique doit apprendre à mieux conjuguer un habitat mêlant les générations, des soins à domicile, que l’État rationne encore, des accueils de jour, trop rares, des hébergements médicalisés plus ouverts sur le quartier ou le village. Oui, il est grand temps que la ville du XXIe siècle s’adapte aux âges et repense accès, déplacements et espaces collectifs pour apporter plus de douceur… et même de lenteur.

On sent dans ce long exposé la mise en avant des séniors qui représentent de plus en plus une autre conduite de la vie. C’est vrai qu’ils participent pour beaucoup d’entre eux à aider leur famille, ils ne sont pas un poids pour la société mais un atout qui prendra de plus en plus d’importance, et négliger ce fait est une grave erreur. Ils représenteront bientôt plus de 20 % de notre population c’est donc un réservoir à exploiter et non à mettre de coté.

Mais il faut aller plus loin, vers une société du soin, une aide de qualité aux personnes fragilisées, le traitement des grandes dépendances, les soins corporels et vitaux quotidiens. C’est aussi mieux reconnaître, mieux former et mieux rémunérer ceux qui apportent ces soins et en exercent la lourde responsabilité. L’allongement de la vie a des effets économiques positifs grâce aux nouveaux emplois de proximité liés à l’aide à la personne.

J’invite, et ce sera un choix politique majeur de la gauche, à relancer des politiques publiques qui ne compressent pas ces emplois mais, au contraire, les sécurisent. Comment accepter, par exemple, le manque cruel de places dans les services de soins infirmiers à domicile ? L’allocation personnalisée pour l’autonomie, l’APA, en rendant solvable le besoin d’aide, a permis une formidable avancée. Encore faut-il que les conseils généraux qui la dispensent ne soient pas étranglés financièrement par les décisions aveugles de l’Etat !

Le moment est venu pour la France de dire quelle part des ressources nationales elle entend consacrer au vieillissement. Aux retraites et à la révolution de la qualité des âges que nous voulons réussir. Soyons à la hauteur du futur. Exerçons notre sollicitude pour construire «une société qui n’expulse pas ses aînés du monde des vivants», selon le mot terrible de l’anthropologue Maurice Godelier.

N’oublions jamais, non plus, qu’aucune allocation ne remplace les chaînes de soins, les solidarités familiales et amicales, l’attention du voisinage, l’engagement de la société. A ce prix, la réhumanisation de notre société prendra tout son sens. C’est ainsi que nous ajouterons de la vie aux années, et pas seulement des années à la vie.

Martine Aubry le 15/04/10.

C’est donc un plaidoyer pour le troisième âge qui, pour le moment est encore favorisé, n’ayant pas eu à subir la dégradation des retraites qui s’annonce, et pas seulement à cause d’allocations en réductions constantes, mais aussi à cause des revenus salariés de plus en plus limités. Les futures années vont être difficiles bien plus que celles actuelles pour beaucoup d’entre nous. Il importe qu’il y ait une redistribution des richesses équitables et justes seules conditions pour qu’elle puisse être comprise. Martine Aubry comme Laurent Fabius, Vincent Peillon, Henri Emmanuelli, Benoit Hamon, est à l’opposé de la ligne politique actuelle et même franchement à la gauche de son parti si on compare sa position à celle par exemple de François Hollande et de Manuel Valls ou de Jean-Marie le Guen, qui verraient une augmentation de l’âge de retraite associée à un emploi des séniors sécurisé, mais aussi un élargissement de la base de cotisation des retraites.