Lundi : J’accompagne la pigiste au journal. Elle me fait un micro-plan et me dit de me rendre à radio Bergerac95 de leur part. J’y vais. Ils me demandent combien de temps je reste. Je leur réponds que je devrais déjà être partie. Ils me disent que leur programme est bouclé mais prennent mon numéro de téléphone. Je ne suis pas sûre qu’ils étaient vraiment intéressés…

J’ai eu un mini-souci avec un garçon la veille. Maintenant, il essaye de voir si je n’ai pas un peu de sous pour lui. Je l’ai déjà dépanné de quelques piècettes, je ne peux pas me permettre de lui donner plus. De 10 centimes, ça passe à 85 et maintenant à 2-3€. Je ne suis pas Rockfeller. C’est mon budget de la journée ! Quand je peux, je peux, mais si je ne peux pas, je ne peux pas !

Il fait chaud, je cuis et en plus je ne suis pas douchée depuis… avant-hier soir avec tout ça… Bizarrement, je n’ai pas la sensation de sentir mauvais… J’ai quelques échantillons de lingettes qu’une pharmacie m’avait donnés quand j’étais à Nîmes…

J’ai revu Mum à Bergerac, ça m’a fait hyper plaisir ! Elle était venue ramener ses petits enfants qu’elle avait eu pour quelques jours de vacances. Elle m’a ramené son super sandwich « fromage-concombre » : un régal !Mum, c’est ma nanny Mummy à moi… 😉

Mussidan : il y a bien un gîte pour pèlerin, mais impossible d’avoir des nouvelles du propriétaire. Tant pis. Je vais direction vers  le presbytère. Le curé me propose un toit. C’est déjà bien. Je vais dormir à l’indienne, à même le sol pensai-je, ce sera la première fois depuis le début de mon voyage que je n’aurai pas un lit, ne serait-ce qu’un clic-clac plein de ressorts… Je me mets assise sur la chaise. Le curé n’a pas de pain, et mon budget de 3€ est dépassé largement. J’ai consommé quelques jus de fruit de trop… C’est cher les jus de fruits dans le sud, entre 2,50€ et 3€. Je trouve hallucinant ce prix, c’est de l’arnaque, point barre. C’est « dégueulasse » de faire payer un prix pareil… Oooh miracle ! Le téléphone sonne ! C’est le propriétaire du gîte qui est à 300 km de là, mais qui me dit où est la cachette pour trouver la clé du gîte… Normalement c’est 10€ mais il me dit de suite de ne pas m’inquiéter, que c’est bon !

Quand je suis arrivée, il y avait un jeune allemand, Michel. Il y avait une plaque électrique, de la vaisselle et des pâtes ! Oooh et même de la sauce soja ! J’ai 2 petites tomates dans mon sac. Je lui propose de faire à manger ! Il me dit ok je vais chercher une salade. Je lui crie au vol de ramener une carotte et un oignon, ce qu’il fait. En 5 mn, j’avais fait un bon petit repas à la vietnamienne. C’était bon ! Michel venait de finir ses études en économie-droit et avait décidé d’aller marcher, de faire la moitié du chemin de Compostelle avant de commencer à travailler. Il n’aurait pas dû être là, mais il a aidé une mamie dont le mari a fait une crise cardiaque. C’est lui qui a appelé les pompiers.

Mardi : Je marche direction Riverac. La chaleur est terrible. Il me faut me changer les idées pour l’oublier. Je chante n’importe quoi, des voyelles. Je me suis même enregistrée en me disant « on ne sait jamais, le n’importe quoi peut devenir commercial et apporter des fonds pour la maternité ». Je finis par m’auto-interviewer pour remercier ceux qui m’ont aidé. J’ai reçu un sms de Christiane qui m’annonce que soeur Agnès est arrivée en France ! Génial, nous allons pouvoir communiquer ! Je suis à 12 km de l’arrivée. Je reçois un message de Gilbert. Les amis à lui qui doivent me recevoir, ça ne va pas le faire… L’homme vient de faire une crise cardiaque. Et zut, je n’ai plus de réseau, je ne peux même pas le rappeler. Qu’est-ce qui leur arrive à tous à tomber comme des mouches ? La chaleur ? Certainement…

Chaud, j’ai les pieds en compote. Pas parce que c’est dur, mais parce que c’est chaud, chaud, chaud… Je vais avoir des hallucinations si ça continue. C’est comme dans le désert (enfin je suppose car je n’ai jamais été dans le désert ; pas encore…), alors je chante et puis je m’enregistre sur mon gsm… ce n’est pas mon genre de faire ça, mais là je pense business. Ceux qui deviennnent « accro » à mon périple voudront peut-être entendre mes chansons. C’est du n’importe quoi, mais j’ai entendu dire que le n’importe quoi pouvait marcher. Alors je chante des voyelles et des chabadablindibouahlaylay tigoulinnanilayèrratiyou houahouhoua aaah chabalenndadiboundade you daa… Vous voyez le genre… ? 🙂

Et puis j’enregistre quelques mots de remerciements à diverses personnes. Je pense que ça pourrait accompagner un dvd photo/reportage/vidéo, le tout à consonnance testamentaire. C’est l’occasion ou jamais…

Je traîne les pattes… Je me suis reposée 1h de 12h30 à 13h30, mais avec ce soleil, c’est 4h que je devrais me stopper. Je ne peux pas, sinon à quelle heure vais-je arriver ? 17h… J’arrive à Riverac. Trop tard, la mairie est fermée. Je cherche un refuge pour pèlerin, il n’y a rien. Oooh snif ! Je rêve qu’on me sponsorise une chambre d’hôtel. J’ai envie d’être seule, de ne voir personne, de dormir et écrire et dormir, c’est tout. Peut-être un peu de téléphone, mais rien d’autre, juste seule dans ma chambre… J’en ai parlé à mon ex beau-frère au téléphone. Je voulais voir s’il pouvait m’avancer le prix d’une chambre par western-union que je lui aurai remboursé plus tard. Il m’a dit ok, devait me recontacter, mais m’a oublié. J’ai vraiment besoin de repos, ça fait 1 semaine que je manque de sommeil, que je ne fais pas mes 7 h. Là, ça commence à porter sur ma sensibilité…

Je vois une femme assise en terrasse d’un café avec une autre femme. Je m’avance et demande si elles n’auraient pas un « tuyau » pour me diriger vers un gîte vraiment pas cher de chez pas cher. La femme me guide jusqu’à l’office du tourisme. Elle vient même avec moi. Il n’y a rien en dessous de 43€ la nuit, c’est trop cher, quelle misère…

Je leur dis qu’il y a normalement une loi qui dit que tout pèlerin de passage a le droit à un toit sur la tête pour une nuit. Que ce soit dans une salle des fêtes, une cuisine ou un couloir, le pèlerin qui ne passe qu’une seule nuit a le droit au gîte. Mais je ne connais pas la référence de cet article… Si quelqu’un la connait… La femme que j’appellerai Liz me dit que si je veux, elle peut m’héberger pour la nuit, que le village l’appelle Mère Thérésa et qu’elle héberge 6-7 personnes par an en principe. Elle me dit de ne pas m’inquiéter, que je vais pouvoir me reposer, me doucher et tout et tout…

Ok, je suis d’accord, je suis « naze » alors j’accepte. Je la suis. Elle me propose avant d’y aller, de boire un coup pour me présenter quelques uns de ses amis y compris le couple de jeunes qu’elle héberge aussi à l’étage du haut me dit-elle. Je prends un coca. Et puis un peu plus tard nous y allons. Logement sommaire, salle de bain plus que sommaire, mais m’adapter situation… A l’étage, 2 pièces. 1 où logent les 2 jeunes, 1 autre où je vais dormir moi ; 1 matelas à terre, cela me suffit amplement. Il y a un petit débarras avec une machine à laver et une toilette, parfait. Je lui dis que je suis vraiment fatiguée alors que je vais me doucher, manger mon sandwich et me coucher. Ok, nous nous donnons rendez-vous à l’étage du bas pour le lendemain 5h30.

logo de c4n peint par Nathalie sur son ordinateur sponsorisé par notre site ( note de adminC4N)

Je suis dans la salle de bain. Où vais-je poser mes affaires ? Il n’y a ni porte, ni rideau dans le carré de douche. J’ai peur de mettre de l’eau partout, je fais attention. Le lavabo est bouché, prêt à déborder, je me brosserai les dents dans la douche. A l’étage, on voit que les pièces ont été refaites il y a peu. C’est propre et correcte. Je lave mes affaires à la machine, j’attends qu’elle finisse pour l’étendre, et puis il faut la surveiller car elle est un peu cassée alors il faut mettre une grosse valise dessus pour fermer le couvercle. Je parle un peu avec les jeunes. Le garçon se montre motivé par mon action humanitaire. Il aime l’Afrique et je vois qu’il aimerait s’investir, faire quelque chose. Il propose de déposer un peu d’argent sur le compte d’Africalor au début du mois. La locataire arrive. On voit qu’elle a pris l’apéro… Elle ne retrouve plus certaines affaires et se demande où est-ce qu’elles sont passées. Elle s’agace un peu… Elle veut que je vienne avec, mais j’insiste sur le fait que j’ai besoin de repos, vraiment. Que je n’ai pas mon quota de sommeil depuis une semaine et que là c’est nécessaire. Ok.

Quand je l’entends revenir un peu plus tard, je plonge sur mon matelas et fait semblant de dormir. Une fois qu’elle est repartie, je me relève et prends ma carte pour regarder par où passer demain. Je demande quelques conseils aux jeunes sur la direction à prendre. ELLE revient… pas contente de me voir assise à 20h30 elle demande si je me moque d’elle. Elle n’attend pas ma réponse et s’en va. Là je dis qu’il est préférable que je m’en aille. Mais les jeunes insistent pour que je reste en m’expliquant qu’Elle a quelques soucis avec l’alcool, que ça va passer, que je ne dois pas faire attention. 21H30, je me mets au lit, mais la télé des jeunes trop forte et les allées – retour de la femme qui râle sans cesse m’empêchent de filer dans le sommeil malgré la fatigue. 1H plus la tard, la jeune traverse la chambre où je suis à la recherche d’un pull. Elle part à la recherche de son ami qui est partie chercher quelque chose dont  il a besoin… Elle n’a pas le choix, la locatrice insiste car elle a besoin d’une clé que le jeune aurait…

A 23h je me demande sérieusement si je ne ferais pas mieux de m’en aller, mais partir en pleine nuit, marcher en pleine nuit avec la fatigue, je dois récupérer… Minuit et demi, le jeune invite un copain, celui d’Elle ( peut-être un futur ex-mari, elle en a eu 7, plus 2 ex-femmes…) à boire une bouteille de whisky… Quand elle débarque à 1h du matin, j’entends le jeune avoir pitié de moi et insister pour que tout le monde aille à l’étage du bas afin de ne pas me réveiller… Avant il vient quand même me voir et me dire que si je suis trop fatiguée, il peut m’emmener en mobylette à l’étape suivante. Bourré ? Oh oh oh… !

Un peu plus tard, je me lève pour aller baisser le son de leur tv… Je pianote un peu sur facebbok depuis mon gsm, je cherche un peu de soutien psy… Si encore ils rigolaient, leurs rires me berceraient peut-être, mais là, à part des râleries et des cris… Bouhouhou snif snif, je veux dormiiiiiiir ! Quand à 3h du mat’, ça devient de la casse qui passe par les fenêtres, que j’entends des hurlements, de menaces de suicides et de meurtres en fonction d’autres meurtres déjà commis, je me dis : « Je me casse ! » Je prends mes fringues, enfile mon pantalon encore mouillé, mets un sweet à manches longues, mes chaussures, mon sac, mon bâton, c’est bon. Je descends les escaliers doucement, mais pas suffisamment car la porte s’ouvre et je la vois ELLE. Elle n’est pas d’accord pour que je parte en pleine nuit. Je lui explique que je n’arrive pas à dormir alors que je ne vois pas l’intérêt de rester. Je lui dis que je ne les juge pas, que chacun vit comme il veut mais que ce n’est pas pour moi… Elle s’excuse de m’avoir réveillée, du bordel « qu’ils » ont fait et me propose de boire un café avant de m’en aller. Tout le monde insiste pour que je boive au moins un café avant de partir. Il était fait… Je ne sais pas pourquoi j’ai dis oui… Peut-être pour ne pas partir en pleine nuit… Tout était redevenu calme jusqu’au moment où ils ont tous commencé à s’accuser d’avoir dit ça ou d’avoir dit cela… Elle accuse le jeune d’avoir fait des insinuations mensongères à mon égard. Il montre un dégout total de ce qu’il entend et monte à l’étage se taper la tête dans les murs. Le plus vieux monte tenter de le calmer mais rien n’y fait. Alors j’y vais. Il est roulé sous sa couette et pleure et crie. Je lui parle doucement en lui disant « s’il te plait écoute-moi, j’ai besoin que tu m’écoutes » et là il finit par me regarder puis tout en pleurant à se plaindre de son passé et de son présent. Alors je lui dis que nous avons tous un passé douloureux et que si vraiment il en a marre de l’alcool et de la drogue, qu’il peut se désintoxiquer. Qu’il est responsable de lui-même et que c’est le moment de prendre sa vie en main et blabla et blabla. Il est calmé. Je descends. Il redescend à son tour calmé. Tout va mieux, je vois qu’il réfléchit à ce que je lui ai dis. Mais ELLE remet de l’huile sur le feu. Au lieu de dire « tout le monde au lit et point barre », voilà qu’elle se remet à « gueuler » qu’elle en a marre de lui, qu’elle va lui « foutre » une baffe, qu’elle a fait de la prison et qu’elle n’a pas peur et son ami voulant se faire bien voir d’elle décide de le menacer avec en lui disant que lui aussi a fait de la prison, 3 ans et que ce n’est rien par rapport au 9 mois du jeune et blablabla. Puis le plus vieux lance un ultimatum au jeune. Quand il y a eu menace, le jeune, n’a pas supporté. Il a répondu « Ah ouai vraiment ? Et il a foncé à la cuisine et en ait revenu avec un grand couteau de boucher, et là il fonce sur le plus vieux. Ni une ni deux, je me lève et me mets entre les 2. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Les autres se sont levés aussi, le couteau a valsé. J’ai pris mon sac sur le dos et j’ai dis « C’est bon, je n’ai pas envie d’être témoin d’un meurtre, je me casse ». Je veux partir mais je me retrouve en sandwich entre le jeune et le vieux qui se jettent l’un sur l’autre comme 2 chiens enragés et c’est là que j’ai joué la Jedi… J’ai mis mon bâton à l’horizontal, pif, paf, pouf, les 2 gars étaient bloqués. Et là j’ai insisté pour avoir une cigarette. Je sais, j’ai arrêté de fumer depuis 46 jours, mais il y a des circonstances atténuantes, comme celles-là… J’ai insisté en leur disant que je ne lâcherai pas tant qu’ils ne se seront pas mis dans la tête de me trouver une cigarette. Il fallait bien changer leur état d’esprit, les mettre sur un autre sujet ! Le plus vieux a lâché prise et m’a sorti une cigarette. Le jeune me dit que c’est mieux que je parte, que je ne vois pas ça. Alors j’insiste pour qu’il me trouve du feu. Il hésite mais finit par lâcher prise aussi. Il donne l’apparence de se calmer je lâche ma prise, il va chercher du feu et m’allume la cigarette. Alors je remets mon bâton à la verticale et me recule et PAF ! Il fout son poing sur la tronche de l’autre avec une rage qui fait gicler le sang illico presto ! Et pouf l’autre se jette sur lui et ils emportent tout au passage dans un roulé-boulé ! Tant pis, qu’ils se débrouillent, cette fois-ci je me casse pour de bon. Je demande à la jeune si elle veut venir avec moi, elle me dit oui et nous sortons. Nous traversons rapidement le village dans la nuit pendant qu’elle me raconte combien elle est malheureuse, combien elle n’en peut plus de toute cette violence. Je lui dis que c’est l’occasion ou jamais de refaire sa vie, de la reprendre à zéro. Tant pis pour ses papiers, tant pis pour ses affaires, qu’elle change de département, qu’elle s’éloigne de tout ça. Je fais le 115 pour lui trouver un centre d’hébergement. Il n’y avait rien hormis sur  Périgueux. Trop loin. Ils nous conseillent d’appeler la police. Je leur explique la situation grosso-modo, puis la jeune leur parle. Elle leur dis avoir peur d’être retrouvée. Ils disent qu’ils vont arriver après qu’on leur ait expliqué notre cachette. Mais ensuite, nous avons entendu le jeune en mobylette la chercher, alors nous avons, ou plutôt j’ai « forcé » la porte d’un jardin en bas d’un escalier au bout d’une impasse et nous avons pu nous camoufler pile-poil au moment où « il » arrivait. Toute seule j’aurai géré la situation avec le jeune, mais avec elle, je n’aurais pas pu, pas comme ça. Pour lui, elle est sa femme et même si elle veut le quitter, il ne l’accepte pas…Et surtout elle ne voulait plus le voir. J’ai eu l’impression d’agir un peu en traître vis à vis de lui car malgré sa haine et ses crises de nerf, j’ai bien senti qu’il avait un bon fond quand j’ai fait sa connaissance. C’est un jeune mal-aimé qui a besoin d’amour et pas de dérivés pour lui cacher sa misère… Et il n’est pas le seul comme ça. Il faut faire quelque chose pour ces jeunes là… Il m’a fait si mal au coeur. C’était lui le plus violent (en apparence physique), mais c’est lui que j’aurai voulu « sauver » de tout ça. « Si tu me lis, et je sais que tu finiras par le faire car je t’ai noter les coordonnées de ce site, prends ton courage à deux mains, fais tes papiers, va demander un coup de main à un service social, arrête tes médicaments qui te détruisent le cerveau, va faire le chemin de Compostelle ou autre chemin qui te plairait. Si vraiment tu as envie de faire la manche comme tu me disais, fais-le d’une autre manière que sur du sur-place. Bouges, bouges à travers le pays et changes tes mots. Demandes la charité, demandes de l’aide et tu seras aidé. Regardes, je ne fais pas la manche, mais on m’offre l’hospitalité. Un jour tu trouveras ta voie comme j’ai trouvé la mienne. »

Voilà, nous nous sommes tous retrouvés à la gendarmerie. Lui arrêté « temporairement », chacun a fait sa déposition, moi en qualité de témoin. Je suis ressortie de là à 9h30 du matin. Il pleuvait à verse et la température par rapport à la veille avait chuté de 15°. C’est bien. Ca allait être plus facile pour marcher, vu les circonstances. Avec la chaleur d’hier, ma fatigue n’y aurait pas résisté.

Je traverse le village dans l’autre sens. Quand j’en arrive au bout, je m’arrête dans un café prendre un thé et du pain afin de déjeuner. Payé avec quoi ? Avec les 10€ que le jeune a donné aux gendarmes pour moi, pour le café et les chocolatines qu’il avait promis la veille… Je ne les voulais pas, il en a plus besoin que moi. Mais ce sont les gendarmes qui m’ont imposé de les prendre tellement il hurlait pour que je les ai… Snif. Vous voyez qu’il a bon coeur malgré tout. Quand il y a encore quelque chose à sauver, une étincelle qui brille dans l’âme, on aimerait faire quelque chose…

Mercredi : Je ne peux m’empêcher de raconter grosso-modo ce qu’il vient d’arriver au patron du café et au papi qui s’y trouvait. J’explique où je veux aller. Le papi me dit de passer par la route de Laleman. Qu’il doit aller chercher 2 mamies à la maison de retraite, les emmener au Leclerc et que s’il me trouvait sur la route, il me prendrait pour me déposer à Monteaubeau. Vu mon état de fatigue, je n’ai pas dis non… Je termine mon thé, quand d’un coup qui je vois apparaître ? La famille au grand complet… Pitié ! Je suis parte à la vitesse de l’éclair. J’ai marché pas loin de 2h30, je me suis dis que le papi m’avait oublié mais non, d’un coup j’entends klaxonner de tous les côtés. Il était là avec les mamies. Il m’emmena 20 km plus loin. Il déposa les mamis chez elles et me dit qu’il m’offrait un café. En un temps record, il but le sien et partit. J’avais décidé de me faire sponsoriser une nuit d’hôtel. J’avais besoin de me retrouver seule 24h, sans voir personne, sans parler à tenter de rattacher à ma cause les gens pour obtenir des dons, sans blablater, sans chercher où je vais dormir etc.

Il me fallait attendre que la poste ouvre pour recevoir 80€ par Western Union. Le patron du bar me donna un thé et un sandwich qui avaient été payés par le papi. Que c’est gentil… et je ne peux même pas le remercier il n’est plus là et je ne connais même pas son nom.

Le patron du café m’annonce que dans ce village il n’y a pas d’hôtel. Oh noooon ! Pour une fois que je décide de me stopper pour moi, de me prendre un jour de congé rien que pour moi, sans voir personne, il n’y a rien ! Et puis j’ai fait connaissance d’un homme intéressant, Pascal, qui me parla de ses voyages un peu partout dans le monde. Il m’offrit un thé et quand le patron lui rendit la monnaie, me donna 10€ pour moi m’aider à continuer la route. Je les pris et lui dis que ce serait pour la maternité… Et puis il prit l’annuaire, passa quelques coups de fil et me trouva un gîte à 35€ à 4 km de là. Il m’y emmena. A 16h j’y étais, à 17h mes yeux étaient fermés et je les rouvrais à 23h30. Ouahhh, j’avais dormi tout ça ! Je tourne un peu en rond pendant 2 petites heures et me réveille le lendemain à 7h. Je vois écris sur la porte de la chambre que le petit déjeuné fait partie du prix, trop chouette. Je fais connaissance avec un couple de passage pour la nuit. Je leur raconte un peu mes aventures, ils me donnent 20€. Nous avons eu une conversation sympathique. Les gens me disent que je suis une diariste, du latin « dies », qui veut dire « le jour ». . Ce mot a donné le « di » de chaque jour de la semaine. Le lundi est le jour de la Lune, le mardi est le jour de Mars, le mercredi est le jour de Mercure, le jeudi est le jour de Jupiter, le vendredi est le jour de Vénus, le samedi Saturne, le jour de Sabbat et le dimanche, sunday, le jour du Soleil, ou celui du Seigneur…

Je dis à la dame du gîte que je vais rester là la journée que j’ai besoin de ne pas marcher 24h. J’en profite pour transférer mon article de la semaine 6, en retard à cause du manque de connexion. Je réponds à quelques mails, en profite pour transférer photos et vidéos à Gilbert qui gère le blog « Une marche pour la vie ». Les patrons m’invitent pour les 2 repas de midi et du soir. Le lendemain matin, c’est l’heure du départ. Je veux payer, ils me disent que je ne dois rien du tout. C’est leur participation. Cool, je n’ai pas besoin de toucher au « sponsoring ». Pour mon mental, c’est mieux… En tout cas, la maîtresse de maison a eu le coeur sur la main. D’ailleurs, je me serais bien sentie à rester vivre là-haut… Une maison dans le calme, dans la nature avec un toutou hyper affectueux… Le mari est un agriculteur, il fait le blé. Nous avons beaucoup parlé du taux de suicide qui s’est élevé depuis plusieurs mois chez ceux qui font de l’élevage, à cause du prix du lait qui a été divisé par 2 pour les gros qui leur achètent, mais qui est toujours pareil voir plus cher au prix de revente en magasin. Le problème vient de la stabulation (grand bâtiment avec fosse pour les vaches) et de la mise aux normes qui sont imposées et des plus coûteuses.

Question écologie, c’est compréhensible. Cela permet de récupérer les lisiers (purin des vaches) dans des fosses étanches pour ne pas que cela s’infiltre dans les sols. Cela permet également de récupérer l’eau de lavage des salles de traite (pour l’étendre dans les champs à une certaine profondeur pour éviter la pollution). Le problème c’est que tout ça leur coûte des centaines de milliers d’€uros. Alors si le prix du lait était correct, ce serait ok, mais voilà, le prix s’est cassé la figure alors les paysans (surtout ceux qui font de l’élevage) se retrouvent endettés jusqu’au cou. Quand ils commencent, ils ne peuvent plus s’arrêter à cause de l’investissement et ça leur met la pression. Ce n’est même plus une histoire de crise me disent-ils, c’est parce qu’il faut toujours en faire plus. Comment a dit un jour notre président ? Si on veut gagner plus, il faut travailler plus, c’est ça ? Avant, les exploitations avaient besoin de 30 ou 40 hectares (10 il y a 50 ans !). Aujourd’hui, il faut au moins 150 hectares car il faut payer toujours plus… Sans commentaires…

 

Vendredi : J’arrive dans la famille de Gilbert. Sa soeur fête son anniversaire et son départ en retraite. C’est la fête pour eux. Il y a ses collègues de travail et amis. Ce soir là, je me serais couchée avec pour berceuse des rires, c’est mieux que des cris. La soeur de Gilbert envisage sérieusement de venir faire quelques mois d’humanitaire sur le Tchad, pour donner des cours d’hygiène. Ils sont très agréables. Dommage que le temps fut si court, nous aurions fait plus ample connaissance. J’espère avoir fait bonne impression… J’étais si fatiguée et un peu amère de mes expériences précédentes…

Samedi : J’entre dans le coeur d’Emmaüs ! Et je fais connaissance avec Henri Groues, alias l’Abbé Pierre ! J’apprends que le 1er février 1954, alors que le pays tremble de froid (-15° sur Paris, -30° sur l’Alsace), il a lancé l’appel :

« Mes amis ! Au secours !

Une femme vient de mourir gelée cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard de Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel avant-hier on l’avait expulsé… (…) Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque ville de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière, dans la nuit, à la porte des mieux lotis, où il y ait couvertures, paille, soupe, et où on lise : « Centre fraternel de dépannage. Toi qui souffre, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime. » »

L’Abbé Pierre a été député avant, vous le saviez ? Moi non. Il a fait la manche dans le métro de Paris pour nourrir ses compagnons. Un jour, il a rencontré quelqu’un qui voulait se suicider. Alors il lui a demandé un service et lui a dit qu’après il pourrait toujours se suicider s’il le voulait. C’était d’aider un compagnon, et c’est comme ça qu’Emmaüs a été fondé, pour que les humbles ne soient plus des humiliés, pour se montrer solidaire, pour libérer le temps afin que l’inaction ne soit pas un crime contre l’humanité.

C’est vrai… Combien de millions de Pauvre en France et dans le monde ? Soyons contre la pauvreté bon sang ! Les SDF en ont marre de vivre dans « la marmite du diable », c’est-à-dire parmi l’alcool, la drogue, les bagarres et la pollution. C’est ce que me disait le jeune que j’essayais de calmer dans la nuit de mardi à mercredi, quand il se tapait la tête dans les murs. Il criait « J’en ai marre de l’alcool et la drogue ! Je ne supporte plus de vivre comme ça ! Mais je souffre tellement que ça me permet d’oublier ! Tu comprends ? Comment je peux faire pour m’en sortir ? » Et doucement, je lui ai dis de prendre sa vie en main, d’être responsable de lui-même, qu’il peut tout changer. Mais est-ce vraiment vrai ? Est-ce que je croyais tout ce que je lui disais ? Je n’en suis pas si sûre… Je me pose des questions… Y-a-t’-il encore des gens heureux ? Est-ce que ça existe les gens heureux ? Il y a ceux qui ne sont pas trop malheureux mais des heureux, statistiquement, on en est où ? …

Il faut voir pour comprendre, plonger dans le coeur de la France d’en bas. La précarité est trop installée. Il y a une fracture sociale grave, une fracture économique trop importante, une fracture à durée indéterminée. Quand est-ce que ce contrat diabolique va arriver à terme ? Mais comment les riches peuvent-ils faire pour vivre parmi les pauvres ?

Les pauvres, ce ne sont pas seulement ceux qui n’ont pas d’argent, ce sont aussi ceux qui n’ont pas de société, les refoulés de l’errance. Je ne juge pas, je constate. Je l’ai vécu et je le vis dans mon pays que je traverse. Ce que je vis pour 3 mois, d’autres le vivent continuellement. Craindre pour sa survie, résister à la nuit, à la faim et aux temps. Je dois y parvenir 3 mois alors que d’autres doivent y parvenir sur du long terme. En ce qui me concerne, malgré les difficultés, c’est plus facile car je bouge. Mais pour ceux qui ne peuvent pas bouger ?

Mon corps erre sur le chemin, parfois, souvent, mon esprit erre lui aussi. Et eux ? Les autres ? Les anti-sociaux ? Ils errent leurs misères dans l’âme, leurs souffrances dans leurs carences… Tout ça me rend amère, l’acidité me ronge le corps ce soir, d’en bas jusqu’en haut. Le feu me brûle de partout, aaaaargh, pourquoi ? Mais que fait notre gouvernement ? Sarko, tu avais promis que plus personne ne dormirait dehors si on t’élisait. Qu’attends-tu ? Vois tes exclus !

Comment arrêter d’être pauvre quand on ne sait pas ce que c’est de ne pas être pauvre ? La justice de notre France est-elle solidaire ? Il ne s’agit pas d’avoir pitié, il s’agit juste de passer à l’acte pour réformer le système.

Avez-vous entendu parler de la banque du temps ?

 

Dimanche : Je suis partie de Saint Jean d’Angely direction Niort. La dame de Monpazier m’avait donné quelques contacts dans ce coin. Un à Melle, trop loin. Un autre à Vouillé, ça se rapproche. J’appelle. J’explique que si j’en ai la force je serais là ce soir, sinon j’arriverai demain. En fait la veille je n’ai pas mangé. L’acidité m’a tellement rongé que j’en ai eu des sueurs froides et des diarrhées de feu comme si j’avais l’enfer aux fesses… Le monsieur me propose de me prendre sur la route. Il habite à l’Est de Niort. Je lui dis oui. Moins de 2h plus tard, il est là. Je n’aurais marché que 20 km ce jour. Il « fête » l’anniversaire de mort de son fils. Ca fait un an. En dehors de sa femme, je suis la première a dormir dans la chambre d’Andrew. C’était un beau jeune homme. Il s’est pris un arbre sur une route droite, quelque chose d’incompréhensible pour un cascadeur comme lui. Ils m’ont montré les vidéos et photos et m’ont beaucoup parlé de ce jeune homme. Ils n’ont pas accepté. Mais comment accepter la mort de son enfant. Moi je ne pourrais jamais m’en remettre si ça arrivait à ma fille, je ne veux même pas me l’imaginer. Tous les parents doivent se dire ça… Que dire à des parents athés ? Comment les réconforter ? Ca aurait été plus simple s’ils avaient cru ? J’aurai pu leur dire qu’il était avec papi ou mami… ? Je leur ai quand même parlé de la destinée… Que peut-être il savait avant de venir au monde ? Que peut-être son âme savait dans quelle famille il allait vivre, quelles expériences ils allaient connaître, de quelle façon il allait mourir ? Pas facile…

Puis nous sommes allés voir la demi-soeur d’Andrew. Ses parents sont protestants. J’en ai profité pour demander s’ils ne connaissaient personne à 30 km de là qui pourraient m’offrir le gîte et le couvert demain ? Et ils m’ont trouvé une adresse, chez des anglais, dont le mari est pasteur.

Pour finir, il y a eu 195€ de récoltés pour la semaine 7 et encore, grâce à un don de 100€…

Total : 3852€

Ooh je ne vous ai pas dis ? J’ai eu soeur Agnès au téléphone. Elle est arrivée du Tchad ! L’association l’a fait venir car elle doit se faire opérer d’un kyste au sein. Elle m’a dit que tout le Tchad était avec moi, que tout le monde savait ce que je faisais. Elle était toute émue de me parler et moi aussi j’étais émue. Elle m’a donné des frissons… Je souhaite que l’on réussisse, que la maternité se construise, pour elle et pour toutes ces femmes. Je souhaite ne pas faire tout ça pour rien, que l’on récolte un jour ce qui se sème au gré de mes pas… Gardons foi…