Volcanisme, trapps et extinction massive des espèces.

 

Les grandes provinces ignées.


Une province magmatique est une accumulation colossale de roches ignées , – intrusives ou extrusives, ou les deux réunies -, et de flots de basalte qui recouvrent, d’une couche épaisse et plane, de très grands secteurs, jusqu’à des parties entières d’un continent. Bien que non explosifs, les gaz et la poussière libérés par une telle éruption ont un impact climatique équivalent aux éruptions d’indice d’explosivité volcanique niveau 8, caractéristique déterminant les éruptions afférentes aux « supervolcans. » Ces inondations basaltiques, significativement importantes pour former de vastes provinces magmatiques, sont la ou une des causes qui ont généré des extinctions de masse par le passé, – extinctions ordovicienne, il y a 440 millions d’années, lorsque la vie était encore cantonnée dans les mers, et permienne, il y a environ 252 millions d’années, marquée par la disparition de 95 % des espèces marines et de 70 % des espèces vivant sur les continents -, tuant la majorité des espèces vivantes. La plus connue, bien que de moindre importance, l’extinction du Crétacé, il y a 65,5 millions d’années environ, a vu disparaître la plupart des dinosaures.


En 1992, les chercheurs ont d’abord utilisé le terme « grande province ignée » pour décrire, – autre que le processus « normal » résultant de l’expansion océanique -, une volumineuse accumulation de flots basaltiques ou de roches ignées mafiques(1),gabbro pegmatite, gabbro, gabbro porphyritique, basalte, basalte porphyritique, basalte tuf ou brèche, basalte vestibulaire, basalte amygdaloïdal, tachylyte, sideromelane, palagonite… -, recouvrant des zones continentales de superficie égale ou supérieure à 100.000 kilomètres carrés, –comparativement, le Portugal continental a une superficie de 92.906 kilomètres carrés -, sur un court intervalle de temps géologique estimé à plus ou moins deux ou trois millions d’années. Après avoir été largement appliquée pour expliciter les grandes provinces basaltiques comme le trapps du Deccan ou le plateau Ontong Java, la définition « grande province ignée » a, depuis, été élargie et affinée et est fréquemment utilisée. Elle s’appose aux « provinces magmatiques siliciques » de composition felsique dominante, – comme la province de Whitsunday – ; aux « grandes provinces plutoniques » mafiques à ultramafiques, andésitiques et batholites granitiques, –les Andes, l’Indonésie, Cascades – ; aux « grandes provinces bimodales » basaltiques et rhyolitiques, – Snake River–High Lava Plains – ; aux « grandes provinces rhyolitiques » à prédominance felsique, – la Pentecôte, la Sierra Madre Occidentale – ; aux « grands domaines magmatiques » basaltes contemporains, – en Indochine, en Mongolie – ; et aux non négligeables couches d’intrusions mafiques, – Bushveld– qui s’assimilent aux « grandes provinces ignées. »


L’origine des « grandes provinces ignées » sont diversement attribuées à la température du manteau, à la géochimie et aux panaches mantelliques, aux mouvements verticaux de la croûte terrestre, aux volumes de magma et à leurs temps de progression… ou aux processus associés à la tectonique des plaques. Certaines « grandes provinces ignées » sont toujours intactes, comme le trapps basaltique du Deccan, – 65,5 millions d’années -, en Inde et au Sud du Pakistan, et ceux de Sibérie en Russie, – 250 millions d’années -, d’Emeishan au Sud-Ouest de la Chine, – 253 à 250 millions d’années -, etc…, tandis que d’autres ont été démembrées par le mouvement et le déplacement des plaques tectoniques, comme la province basaltique et magmatique « North Atlantic Igneous », – 62 à 55 millions d’années -, dont la localisation est littéralement explosée entre le Nord du Canada, le Greenland, les îles Faeroe, la Norvège, l’Irlande et l’Ecosse, et celles de « Karoo-Ferrar », – 183 à 180 millions d’années -, partagée entre l’Afrique du Sud, l’Antarctique, l’Australie et la Nouvelle Zélande, et du « Central Atlantic Magmatic », – 206 à 200 millions d’années – éclatée entre le Brésil, l’Est de l’Amérique du Nord, le Nord-Ouest de l’Afrique, le Portugal, l’Espagne et l’Ouest de la France, etc…


Les « grandes provinces ignées » se sont créés au cours d’événements magmatiques de courte durée, en regard des temps géologiques, – 500.000 ans pour le trapps du Deccan, 3 millions d’années pour la province basaltique et magmatique Karoo-Ferrar -, résultant de l’accumulation relativement rapide et à haut volume de roches ignées volcaniques et intrusives. La théorie planétaire de la tectonique des plaques explique la topographie en utilisant les interactions entre les plaques lithosphériques influencées par les contraintes visqueuses créées par l’écoulement dans le manteau sous-jacent. Le manteau étant extrêmement visqueux, sa vitesse d’écoulement varie par impulsions reflétées dans la lithosphère : faible amplitude, longueur d’onde des ondulations. En cela, les « grandes provinces ignées » ont joué un rôle majeur dans les nouveaux ajouts, dans le manteau supérieur, de croûte terrestre, dans la formation des continents, et dans les cycles supercontinent et fragmentation continentale.


Certes les « grandes provinces ignées » rentrent dans les implications économiques. Elles sont associées avec les hydrocarbures piégés, les concentrations de cuivre-nickel, de fer, d’argent, d’or. de titane et de vanadium, et les provinces minérales importantes, y compris le cobalt, le palladium, le scandium., l’iridium.., et le platinum. Mais… surtout, elles constituent un danger pour la préservation de la vie animale et végétale de la planète Terre. Les archives géologiques, attenantes aux grandes provinces ignées, marquent des changements fondamentaux dans l’hydrosphère et son atmosphère, conduisant à des changements climatiques majeurs et à des extinctions massives d’espèces. A ce fait, il y a au moins six grandes extinctions de masse au cours de l’histoire de la vie sur Terre, s’échelonnant de l’Ordovicien, – 500 millions d’années-, au Crétacé, – 65 millions d’années -, au cours desquelles de nombreuses espèces ont disparu en une période de temps, à l’échelle des temps géologiques, relativement courte : Extinctions de la fin du Cambrien, 500 millions d’années ; de la fin de l’Ordovicien, 440 millions d’années ; de la fin du Dévonien, 365 millions d’années ; de la fin du Permien associée aux trapps de Sibérie et d’Emeishan, 250 millions d’années ; de la fin du Trias solidarisée à la province basaltique et magmatique du Central Atlantic Magmatic, 200 millions d’années ; de la fin du Crétacé concomitante au trapps de Deccan et à la province basaltique du Nord Atlantic Igneous, 65 millions d’années, – extinction des dinosaures -.


Notes.


(1) Mafique est un adjectif qui décrit un minéral de silicate ou une roche qui est riche en magnésium et en fer ; le terme est dérivé de « magnésium » et « ferrique ». La plupart des minéraux mafiques sont de couleurs sombres et de densité supérieure à 3. Aux nombre des minéraux mafiques il faut compter les olivines, le pyroxène, l’amphibole, et la biotite. Pour les roches les plus courantes il s’agit de basaltes et de gabbro.

En termes de chimie les roches mafiques sont à l’opposé du spectre des roches felsiques. Le terme correspond grossièrement à l’ancienne classe basique des roches.

Les laves mafiques, avant de refroidir, ont une faible viscosité, en comparaison des laves felsiques, ce qui est expliqué par le faible taux de silice dans le magma mafique. L’eau et les autres composés volatiles peuvent plus facilement et graduellement s’échapper de la lave mafique, aussi les éruptions des volcans fait de lave malfique sont moins violemment explosifs que les éruptions felsiques. La plupart des volcans mafiques sont d’origine océanique, comme Hawaii.

 

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Le supervolcan Toba : Vers une possible éruption ? Partie I

Le super-volcan Toba : Vers une possible éruption ? Partie II.

Le super-volcan Toba : Vers une possible éruption ? Partie III.