A peine formés, les tympans subissent déjà les multiples agressions de leur environnement. Sans répit, sans étalonnage.

A travers son doux berceau liquide, le fœtus sait qu’on aura aucune pitié pour lui, que son futur lieu de vie sera un enfer bruyant, pétaradant et agressif. Alors, quand il peut, il crie. Et la réverbération, dans son crâne, est telle qu’il ne peut plus s’en empêcher, alimentant par la même sa psychose sonore.

La frustration est sa meilleure ennemie. Ca, et l’environnement qu’ont créé les hommes pour l’accueillir sur Terre. Il pleure chaque fois qu’il est confronté à la première, il sombre dans le mutisme quand ses ainés crient, accélèrent, klaxonnent, chantent, rigolent, entrechoquent leurs pintes, déplacent une chaise, tapent des pieds et des mains, tombent, pleurent quelques fois puis s’endorment en ronflant.

Un répit ? La chambre capitonnée. Et, là encore, un étrange battement se fait entendre, lancinant, pompant encore et encore du sang oxygéné vers nos organes.

Le son peut être agréable, quand il est choisi. C’est sans doute en s’enfonçant dans les profondeurs terrestres (goute à goutte des stalactites), en s’immergeant dans l’océan (glougloutement), en se cachant dans des jungles féroces (cris d’animaux), en montant dans les airs ou en se baladant dans le désert (vent) que l’homme est susceptible de connaître le choix dans ce qu’il souhaite écouter.

 Le choix de ne pas entendre un moteur à explosion ou un barrissement humain.

Malheureusement les esprits d’un spéléologue, plongeur, aventurier, balloniste, nomade n’étant pas en chacun de nous, autant dire qu’il nous faudra subir.

Subir les cliquetis des informaticiens et la ventilation de nos voisins,

les sonneries de nos portables et les grincements de nos tables,

les vibrations de nos fenêtres et la passante que son mari envoie paître,

le démarrage d’une moto et le tapotement à un carreau,

l’aboiement d’un canidé et les pleurs d’un nouveau né,

les braillements d’une quelconque musique, et les bêlement d’une grosse bique…

STOP !

 

Lorsque s’achèvera le dernier battement de vos cœurs,

                                                                                  Puissiez-vous connaître le silence.