Le nouveau groupe parlementaire, à l’Assemblée (et non pour l’instant, selon Gérard Longuet, au Sénat), réuni autour de François Fillon, le Rassemblement-UMP (Rump), est-il une histoire de fesses, d’arrière-train ? À Bruxelles et Londres, entonner « We are the Rump, we are the children (…) There’s a choice we are making&bnsp;» risque fort de prêter à confusion.

Quand une société industrielle ou commerciale choisit l’appellation d’une nouvelle marque, elle s’entoure de précautions et vérifie que le nom retenu ne l’expose pas au ridicule sur les marchés étrangers. En optant pour le Rump, les députés fillonistes n’ont peut-être pas mesuré les conséquences internationales.
En effet, l’anglais rump peut se traduire par :

• les parties charnues postérieures d’un animal ;
• un morceau de bovin taillé dans l’arrière-train ;
• les fesses ;
• le croupion d’un volatile ;
• la dernière part ou la moins prisée ;
• une législature ne réunissant qu’une minorité de ses effectifs initiaux et de ce fait peu représentative ou manquant d’autorité.

D’où, en français, l’expression, dérivée de ce dernier sens, de « parlement croupion » (rump parliament), qui s’appliquera lors de la dernière guerre civile anglaise, aux députés issus du parlement allemand de Francfort maintenu après l’adoption de Stuttgart pour siège (Rumpfparlament, 1849), puis à divers parlements de par le monde.
On sait que François Mitterrand employa le terme dans Le Coup d’État permanent pour l’appliquer au parlement français qui relégua de Gaulle à l’écart de Colombey-les-deux-églises.

Le terme est bien choisi. Nombre de parlementaires UMP se retrouvent le cul entre deux fauteuils. Certains veulent attendre un nouveau vote dans le groupe UMP Canal historique, d’autres dans le nouveau groupe Rump provisoire (provisional, comme pour l’Ira irlandaise du nord).

Comme le consigne un twit : « very unfortunate acronym (from an anglophone perspective) ».
The Market Oracle utilise le terme littéralement : « More surprises havec ome since summer 2012 for the rump UMP. » (soit l’UMP tronquée). Ce n’est sans doute que le début d’une vaste vague de rigolades. La conclusion d’Andrew McKillop (Market Oracle) est sans appel : « le mouvement n’est ni populaire ni ne représente une majorité présidentielle. Il ne représente rien. C’est l’inconfortable réalité. ».

Le mot rump désigne aussi les fesses dans diverses langues scandinaves. En hongrois, je ne sais. Fion de même ? C’est en fait « UMP-ért », selon Stop.hu. Ért revient en hongrois dans de nombreuses expressions telles « ne savoir ni A ni B », « comprendre à demi-mot » et « n’y voir que du feu » selon Freelang.

Cette ironie n’a pas échappé à L’Humanité : « Avec le script Tiberi et le contre groupe parlementaire nommé Rump (croupion), la journée commence dans la douleur pour la droite française » (le script Tibéri permet de signer massivement la pétition de NKM appelant à un nouveau vote grâce à une génération aléatoire d’adresses de courriels et de noms).

Un groupe avorté ?

Le groupe hémorroïdal de Fillon a réussi son entrée. Mais il a réussi à s’attirer l’adhésion de quatre parlementaires lorrains excédés par Morano, de Serge Grouard, député-maire d’Orléans, et il est destiné à durer puisque Copé se refuse d’organiser un nouveau vote sous trois mois : ce serait impraticable et contraire aux statuts de l’UMP « maintenue ».

Les résultats définitifs du vote sont enfin proclamés, département par département, par la Conare (la commission des recours), mais toujours pas confrontés à ce qui avait été communiqué par les fédérations aux directions départementales des titres de la presse régionale. Seules trois régions d’outremer sur 11 figurent sur les décomptes officiels de la Conare.

Divers à côtés (vers les basses côtes) se font jour. Ainsi, NKM avait-elle tendu son postérieur à Jean-François Copé pour obtenir un poste de choix dans les instances de l’UMP copéiste. Elle s’est ravisée, va-t-elle se les caler au Rump ? 

Christian Jacob (pro-Copé) va tenter une mission de bons offices de la dernière chance. Douillet affirme que Sarkozy est excédé et qu’il va descendre dans l’arène. Pour donner des coups de pied au Rump ?

Le nom est aussi celui d’un parti de Nouvelle-Calédonie. Le Rump de Fillon aux antipodes de l’UMP ?

Pour l’instant, sur environ 120 députés, 70 auraient calé leurs fesses au « fion » de Fillon. Claude Bartelone (PS, président de l’AN) assure leur donner rapidement « les moyens de fonctionner ». Le transit intestinal se fera, mollement, mais surement. Pour Najat Vallaud-Belkacem, l’UMP « réussit ce pari fou de cumuler (…) absence de transparence et absences d’idées ». Parle à mon Rump, ma tête est malade !

Flatulences

Les sénateurs UMP vont se remuer l’arrière-train demain. Jean-Claude Gaudin annoncera s’ils se prononcent ou non pour un nouveau vote. Le Sénat étant dominé par les pro-Rump, Gaudin (pro-Copé) va tenter d’éviter un vote. Raffarin reste sur la ligne UMP maintenue.

Atlantico se risque à faire état d’un communiqué de Sarkozy bottant le postérieur de François Fillon. Sarkozy voudrait que Copé reste président, que les militants votent (à quoi levées ?) sur l’opportunité d’un nouveau vote (on se croirait à l’Odéon occupé en mai 1968), et que s’il vote il y avait, il se produirait avant mars 2013. Cela ménage vaguement Fillon qui voit sa revendication d’un nouveau vote admise… à condition que Copé organise le scrutin pour décider de ce vote.

Selon Atlantico, le communiqué est prêt, mais Sarkozy convoquera Fillon et Copé avant d’en lâcher (ou non) le pêt. Pan dans les parties du parti.

En tout cas, cela sent (et s’entend) mauvais du côté du Rump comme de l’UMP maintenue. Des rigolos proposent des médiateurs extérieurs (Dominique Strauss-Kahn, par exemple). BHL, par exemple ? Ah non, son fils, Antonin Lévy, serait un avocat de Fillon. En sus, il serait capable de demander l’intervention de l’Otan pour bombarder la rue de Vaugirard (siège de l’UMP maintenue) et les voisins protestent déjà.

Pour Fred Guesner, sur Twitter, c’est « la droite qui sent fort » (et s’enfonce ou se l’enfonce ?).

Qui va finalement s’asseoir sur le trône ? Les Meldois (de Meaux) vont-ils l’avoir dans le Rump ?

Pour Chirac, qui se tait, cela lui en bouge une sans remuer l’autre. Pas de fuite en tout cas de son côté. Le Rump, une abracadabrantesque histoire  de cornecul ?

Mais on se presse nonobstant à coller au Rump.
C’est à présent Jean Leonetti (Antibes) qui adhère. De 70 rumpeurs, on passe donc à 74 au dernier décompte.
To rump or not rump, that is the question.

Le Rump, fistule de l’UMP, s’élargit donc.

Selon The Huffington Post, les statuts de l’UMP maintenue obligeraient d’attendre au moins quatre mois pour trouver de nouveaux parrains aux divers candidats. Donc, pas de vote avant six mois, estime The Huffington. Car bien évidemment, cette fois, Xavier Bertrand ou NKM ou Le Maire pourraient tenter de se présenter à nouveau, chacun disant incarner la voie médiane (et non la raie du Rump).

Laisser du temps au temps

Fillon et Copé se rencontrent pour parler Rump à l’Assemblée nationale. Le Figaro confirme que leur ordre du jour, dicté par Sarkozy, porte sur l’organisation d’un référendum auprès des militants afin de déterminer s’il faut ou non revoter, comme l’avait indiqué Atlantico. Eh, ce n’est pas simple, et il faudra se manier le train pour déterminer qui va superviser l’organisation référendaire.

Dans les rédactions, après la formation du Rump, c’était chaise percée et bouteille d’eau minérale au col coupé pour uriner. Voici enfin la rencontre Fillon-Copé et le temps d’une vraie pause pour se soulager. Zut, non, I Télé annonce que la rencontre est déjà terminée. Elle n’aurait donc duré qu’une petite demie-heure… dans le bureau de Copé (faut-il y voir un symbole ?).

L’atmosphère saturée de Febreze (entre autres) devient pesante.

Copé aurait proposé janvier pour le vote référendaire. Trêve des confiseurs respectée, donc.
Audrey Pulvar se prononce : « Copé rêve de la présidence du pays, au mieux il sera le Premier ministre de Marine Le Pen ». Audacieux, mais fort hasardeux. Elle a trop de buée sur ses verres de lunettes… ou est-elle déjà frappée de presbytie ? Rien n’est déjà joué.

L’Union, avec Philippe Le Claire, dimanche dernier, avait titré sur « L’Embolie de l’UMP ». En insistant lourdement sur les réquisitions à l’encontre de Yanick Paternotte, de la Conare, pour abus de faiblesse (jugement le 13 décembre). Paternotte restera-t-il en place, serait-il chargé de l’organisation du vote pour le vote (comme chez l’ultra-gauche) ? Suspense.

Cette option Sarkozy-Copé n’est pas sans risque. Celui de voir les abstentions – interprétées telles des désertions d’une partie à déterminer des adhérents, qui se seraient ou non ralliés à l’UDI ou au FN – scrutées de très près.

Premier à se prononcer contre un tel référendum, Lionel Tardy (pro-Fillon). Cela fait en effet l’impression de laisser Copé s’installer. Il pourrait proposer de voter d’abord sur l’utilité de voter pour déterminer s’il faut ou non envisager de revoter. Cela peut durer longtemps.

Selon le clan Fillon, Copé se serait résigné à reprendre cette merveilleuse suggestion de Sarkozy en traînant les pieds. Les fillonistes veulent bien du référendum – qui fait déjà pouffer la plupart des commentateurs – mais sous l’égide d’une « instance indépendante ». Lionel Tardy (pro-Fillon, Haute-Savoie), sur BFMTV, se déclare réticent.
Le temps que les fillonistes se mettent d’accord, soit pour statuer que ce référendum est une bonne idée, mais finalement impraticables, soit pour en accepter le principe mais y mettre des conditions retoquées par Copé, de l’eau coulera sous les ponts. La première question est de savoir si le ralliement au référendum implique ou non le renoncement au Rump. Sarkozy le souhaite, et Apparu voudrait qu’il s’implique davantage. Fillon rassemble ses députés à l’Assemblée. Les uns et les autres s’exprimeront. Et il faudra ciseler les termes de l’intervention publique de Fillon en fin d’après-midi.
Bon, cette fois, on a droit à une vraie pause avant les poses des uns et des autres. Ouf.

Question de fondement

Sur le fond, la question fondamentale est posée par Hervé Morin (Nouveau Centre, ex-UMP) qui constate : « est-ce que, dans un seul parti, il peut y avoir des courants politiques aussi différents que des humanistes libéraux et des jacobins ayant la culture du chef ? Je pense que c’est fondamentalement impossible, l’UMP a vécu sur une fiction. ».

Yves Jégo (ex-UMP, UDI) fait de la retape pour sa formation. Il a la culture du chef, Borloo. L’UDI n’est pas moins, de fait, fourre-tout que l’UMP maintenue ou le Rump.

Copé a pris la parole. En résumé, si c’est face, je reste, si c’est pile, je reste jusqu’au nouveau vote. Sarkozy l’a en fait conforté. Officiellement, il ne prend pas parti, mais il a sommé Fillon de renoncer au Rump. Selon Le Parisien, Fillon se serait fait vertement « engueuler ».
De nouveau, Copé « tend la main » à Fillon. Pas question cependant d’une instance indépendante, mais paritaire (avec les partisans de Fillon), pour organiser ce référendum.

La faute à qui, ce cékoidon ?

Selon un anonyme ex-ministre, pour L’Express, Sarkozy « craint qu’on finisse par dire que tout cela est de sa faute ». Finisse ? Il ne lit pas les journaux, Sarkozy. Il passe déjà pour celui ayant torpillé la médiation Juppé.

Au fait, qui votera au référendum ? Uniquement les adhérents à jour de cotisation ce jour, 27 novembre 2012, ou aussi les futurs à la veille du référendum ? Lors du premier vote, ils pouvaient régler leur adhésion peu avant de passer dans l’isoloir.

Si tout le monde peut voter, notamment par procuration, on peut s’attendre à de nouvelles adhésions (quitte à faire adhérer la cousine Berthe, sans la prévenir, ou l’oncle Gaston, moribond). Le plus farce, toujours possible, serait que Copé mobilise les siens et fasse passer en sous-main une consigne pour prôner le « non » au nouveau vote. Avec, de nouveau, près d’un tiers de votes par procuration. On repartirait pour un tour de bisbilles, avec ou sans Rump.
Et s’il s’agit d’un vote électronique, toutes les supputations seront permises.

Fillon se dit favorable quant au principe, pour les applications, on verra plus tard. Copé avait d’abord dit qu’un nouveau vote prendrait trop de temps. Avec un vote sur le nouveau vote, cela mène à quelle date ? Torpille-t-il d’abord le Rump, Fillon ?

Brassens, dans son Bulletin de santé, chantait « je suis hanté : le rut, le rut, le rut, le rut ! ». Pour Fillon, c’est « le Rump, le Rump, le Rump ! ». Mode coïtus interrompus ? Il réclame toujours une instance indépendante. Jérôme Chartier, proche de Fillon, annoncerait que les statuts du Rump seraient déposés dès ce soir. Et retirés demain ?
Fillon veut que « ce ne soit pas une manœuvre dilatoire » et que « les conditions d’objectivité » soient réunies. On y croit très fort.

En tout cas, finalement, 68 députés rumpeurs se seraient déclarés, mais selon Jérôme Chartier, « rien ne serait irréversible ». Et Rump il a vécu l’espace d’une vesprée ? On verra… Chartier a renchéri « les choses bougent très vite ». Eh oui, le Rump se remue le popotin.

Le sot-l’y-laisse, dit-on à propos d’un petit morceau situé au-dessus du croupion de la volaille. Personne, pour l’organisation de ce référendum, n’a l’intention de le laisser à l’adversaire. La foire d’empoigne va donc continuer.

Résultat (provisoire) des courses

Fillon accepte donc le référendum par voie électronique et demande deux supervisions, l’une paritaire (Fillon-Copé), l’autre d’une commission indépendante de personnalités UMP. Le nouveau vote interviendrait au plus tard avant fin février 2013 (si le référendum l’impose, évidemment).

Les 69 (et non plus 74 ou 70) députés du Rump vont cesser de reverser la part de financement public qu’ils perçoivent. C’est de l’ordre de 37 000 euros/an/député. Un parti quelconque recevrait les sommes, gelées jusqu’à validation du nouveau vote, s’il a lieu. Ces députés vont priver aussi le groupe UMP maintenu des 200 euros qu’ils versent chaque mois pour son fonctionnement.

Mariani annonce qu’il votera « non » au référendum. NKM est pour et se demande s’il ne faut pas envisager « une ouverture des candidatures ». Sera-t-elle de nouveau candidate ? Elle attend de voir comment tourne le vent (du Rump, de l’UMP maintenue). Juppé votera « oui » et laisse entendre qu’il a soufflé la solution référendaire à Sarkozy. Balladur laisse entendre que c’est lui qui aurait convaincu Sarkozy. Et Carla Bruni, elle est restée les bras croisés ?

Copé voulait le retrait du groupe Rump, mais Ciotti répond que du moment qu’il y a un accord, le Rump rejoint l’UMP maintenue… s’il y a accord sur les conditions d’organisation du référendum. Ciotti salue l’action de Sarkozy. Lequel s’est livré à un jogging devant les caméras. 

Le mot d’ordre dans les deux camps jusqu’à demain matin : « tout va bien, tout le monde est content ». Ce n’est pas déjà « embrassons-nous », ce qui ne serait pas crédible. Au fait, ce sera quoi la question référendaire ? « Voulez-vous que Jean-François Copé reste président ou qu’il remette son mandat en jeu ? ». Bah, on verra demain. Pour l’instant, ce ne sera plus une soirée sandwiches, merci à tous les protagonistes : on va pouvoir manger chaud. Pour les vengeances, on verra plus tard qui se les mangera à froid.