Regards sur l’écriture narrative de l’écrivain Robert Brouat
Tout récit est une relation d’événements que l’on raconte et que l’on relie, selon la définition de Jean-Yves Tadie, et notre récit « La lumière infinie » est un récit d’apprentissage, car son héros est un enfant qui a traversé un long chemin pour apprendre beaucoup de choses dans la vie. Et ce n’est pas quelle vie, mais une vie merveilleuse, qui se met au-delà même du réel. Une vie qui commence normal, mais qui devient par et à travers les événements racontés, une vie extraordinaire. D’abord, parce que raconte le parcours d’un enfant qui n’est pas comme les autres, et ensuite parce que raconte même les rêves des enfants-anges, dans un espace tout à fait merveilleux.
Et pour que ce récit reste fidèle à son genre de merveille, son auteur a pu réussir de l’écrire avec une langue pleine de poésie, une langue vraiment poétique, soit par le style qui fait appel à la poésie, soit par son imaginaire qui fait appel au rêve dans son sens large, le rêve qui plonge dans le monde des mythes, des symboles et des lettres.
Et puisque « le récit poétique en prose, est la forme du récit qui emprunte au poème ses moyens d’action et ses effets, si bien que son analyse doit tenir compte à la fois des techniques de description du roman et de celles du poème », comme à signalé depuis longtemps le critique Jean-Yves Tadie, ce qui nous pousse, en première lieu, d’analyser son titre qui reflète avec une grande poétique son contenu romanesque fuyant comme un rayon de soleil bien bruyant mais dans un jour d’hiver.
Le titre est composé de deux mots : « lumière » et « infinie ». « La lumière » est, selon l’ancienne théologie de la Grèce, est pure et sainte. La lumière est produite par le soleil, et les anciens sages imaginaient cette lumière solaire, au mouvement animateur de cosmos, comme une radiation partant d’un centre et se propageant intarissablement en tous sens à travers l’espace, d’après l’explication de Nadia Julien dans son dictionnaire des symboles et des mythes, et « infinie » signifie : l’éternité, et le dépassement de toutes les limites du temps et d’espace.
Ainsi ce titre Principal de ce récit poétique, nous mène vers le monde de la lumière, le monde de l’éternité, le monde de la beauté. Même chose presque pour les sous-titres. Le sous-titre de la première partie « Les merveilleuse aventures du petit Léon » ressemble bien au titre célèbre « Alice au pays des merveilles », ce qui nous signale dès le début que notre écrivain Robert Brouat, va raconter dans cette première partie de son roman, des choses qui n’appartiennent pas à l’ordinaire, en plus de cela, cette intertextualité des titres donne une grande richesse au texte car elle réactive son sens, et elle devient comme miroir des sujets traités dans ces deux textes. Le premier qui est caché dans la mémoire et le deuxième qui est en train de se construire. Ce qui pousse le lecteur attentif à faire des comparaisons entre les deux, et de trouver l’originalité du texte qui en train de le lire. Le sous-titre de la deuxième partie qui est « François dans le futur » va ouvrir le récit vers une autre aventure, celle d’un autre enfant qui s’appelle François, et sur d’autres événements qui vont se passer dans un temps de futur. Le sous-titre de la troisième partie qui est « Les êtres de lumière » nous présente d’autres personnages qui appartiennent à ce monde de la lumière infinie et ses relations avec eux-mêmes d’abord et avec les autres après.
Certes, ce récit poétique, nous mène au monde de l’imaginaire avec toutes ses diversités et ses richesses avec toutes ses complexités et ses bonheurs-douleurs. Ce qui fait de lui, un récit philosophique dans le sens large de la philosophie, où l’écrivain Robert Brouat défend le monde de la tolérance, le monde de la conciliation, le monde de l’enfance éternelle.
Car dans ce monde là, selon notre écrivain, « Contrairement à l’ancien, le corps reflète l’état de l’âme. Si nous avons gardé une âme d’enfant, nous ressemblons à des enfants. Si nous avons une belle âme, notre corps resplendit de lumière et de beauté ». Ce récit poétique qui présente son originalité qui se manifeste soit à travers ses thèmes tous neufs, soit à travers son style si poétique. Ce récit commence par le voyage de son personnage principal qui n’est qu’un enfant qui s’appelle Léon ; avec son père. Un voyage qui a eu lieu un dimanche, le premier jour de la semaine, le commencement de la vie ou au moins d’une autre vie de cet enfant Léon. Et dans un moment qui se situe entre le réel et l’imaginaire, entre le rêve et l’éveil, on trouve que ce petit enfant, va entrer dans un autre monde tout à fait merveilleux, où les choses ne sont pas les choses, où même les sentiments ne sont pas les sentiments, les envies, les émotions prennent un autre visage, celui de la contemplation, de la sagesse et même de la philosophie au sens platonique.
Notre écrivain décrit ce moment là avec beaucoup de poésie :
« L’enfant ressent soudain une lourde fatigue, il s’assoit au pied d’un arbre, il s’endort, il ouvre les yeux, le soleil a disparu, tout est gris, lugubre, une sorte de lumière plombée environne toutes choses.
« L’enfant se met debout. Devant lui, pas très loin, est une clôture faite d’arbustes alignés. Léon s’avance vers elle. Il discerne de façon d’abord fugitive puis de plus en plus précise, un espace vide dans ce fouillis de branches et de feuilles. À travers cette ouverture apparaît une étrange lumière ».
En plus dans ce monde magique, tout est beau, et tout est bon aussi. Chaque individu vit comme il le faut, et il ne risque rien, rien du tout. Ni le tonnerre lui fait troubler, ni la pluie lui dérange, ni la peur lui-même, lui fait peur. Car dans ce monde là, la peur avec toutes ses manifestations naturelles n’existe pas. L’auteur décrit cet état à travers le personnage de cet enfant ainsi :
« Dans le monde où nous étions avant, cette pluie nous aurait beaucoup gênés ; nous aurions grelotté, nous aurions claqué des dents, nous aurions senti nos pieds trempés, l’eau glacée coulant dans notre dos. Maintenant nous n’avons plus ces inconvénients. Nous ne pouvons plus souffrir de quoi que ce soit. Nous sommes devenus impassibles et invulnérables. Nous ne risquons plus rien. »
Pour le rythme poétique qui construit ce récit, il se base sur la répétition des situations, des mots et même des phrases, sur le déroulement narratif fantastique des événements et des leurs images, bien représentées. On peut citer quelques exemples :
– « Le petit enfant avance lentement, il regarde, il admire.. »
– « Il est en bonne forme physique et morale »
– « Il ne ressent aucune fatigue, aucune peine »
Ce qui donne au texte une poétique vivante, attirante et pleine de chaleur qui dépasse la simple narrativité en arrivant au seuil de la vraie poésie. C’est grâce à cette poétique même que l’écrivain a pu décrire ce monde de ces enfants merveilleux, en commençant par la description double, extérieure et intérieure du petit Léon, avec son père, puis tout seul, puis avec son ami, le petit Edmond avant de passer à la description de même profondeur et de même richesse du petit François et en finissant par la description totale de tous les enfants de la lumière. Ces enfants qui sont décrits, par sa belle plume, dans ce nouveau monde ainsi :
« Les enfants sont heureux. Ils ressentent la joie comme un divin murmure dans leur âme enchantée. La lumière infinie partout les environne et dilate leur cœur dans l’infini des cieux. »
Ainsi on trouve que notre écrivain Robert Brouat, en écrivant ce roman, ce récit poétique, a pu donner aux lecteurs un livre plein de poésie, plein de rêves fantastiques et bien sûr plein des sens humains.
___________________________________
– Robert Brouat : La lumière infinie, éd Mille Poètes LLC, 2007.
Plus d'information ici >>
– Jean-Yves Tadié : Le récit poétique, éd Puf 1978.
– Nadia Julien : Grand dictionnaire des symboles et des mythes, éd Marabout 1997.