Dimanche, il se sera déjà écoulé plus de trois mois depuis le séisme le plus violent et le plus meurtrier qu’a jamais connu le Japon.

Je vous livre aujourd’hui un témoignage inédit, preuve de la grande humanité dont ont fait preuve les Japonais.

 « Je suis arrivé à Tokyo il y a quelques jours, avec comme principal bagage, une boule à l’estomac. Dans l’avion, j’étais sans grande surprise avec notre équipe de sidaventuriers la seule association occidentale. Il n’y avait d’ailleurs pas tellement plus de voyageurs japonais : l’avion était quasiment vide.

Une fois, arrivé à Morioka, ce fut pour moi un véritable choc ! Je m’y attendais, mais pas à ce point : moi qui suis déjà allé en Afrique (Congo) à plusieurs fois, je ne regretterai rien, absolument surpris dans l’attitude ou le regard des Japonais ! Ce n’est pourtant pas que les Japonais sont insensibles. Bien au contraire. Ils souffrent au plus profond d’eux-mêmes pour leurs morts. Est-ce donc de la fatalité ? Et bien non ! C’est bien plus extraordinaire et tout à leur honneur : les Japonais ont pris conscience de façon collective et naturelle que la pire des choses serait de paniquer. Ils gardent donc leur sang-froid. Là où l’esprit collectif des Japonais est absolument époustouflant, c’est dans leur gestion de l’électricité.

Comme deux centrales sont arrêtées, le Japon manque dramatiquement d’énergie. Donc pour limiter au minimum les « black out » qui pénalisent l’économie, les particuliers, comme les entreprises ont décidé de réduire leur consommation électrique. Autant que possible ! Toutes les enseignes lumineuses et publicités sont éteintes. Les manifestations sportives de tous les stades du Japon ont été annulées ou avancées à l’après-midi. Notre hôtel, d’habitude si lumineux, ressemble à un coupe-gorge lugubre tant les couloirs sont sombres.

Dans la société avec laquelle je monte cette opération humanitaire, les bureaux sont quasiment plongés dans le noir et on évite de prendre l’ascenseur gourmand en énergie. Et à 18 heures, chacun est prié de rentrer chez lui pour éteindre l’immeuble. Même chose dans les grands magasins qui n’ouvrent qu’à onze heures du matin et ferment plus tôt. Les vitrines sont toutes éteintes, et la plupart des escalators sont arrêtés. Idem dans le métro.

Et pourtant quand on croise un japonais qui part travailler en montant à pied un escalator à l’arrêt, il a toujours le même sourire. Il n’affiche aucune nervosité, encore moins de peur. Les Japonais font face avec un courage naturel et un sens collectif qui forcent le respect. En les côtoyant, on a forcément envie de suivre leur exemple.

Et demain matin, comme de nombreux Moriokïotes, j’irai faire mon footing. Parce que jusqu’à preuve du contraire, demain matin on pourra courir sans danger le long des canaux de Morioka. »