Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais quand je vais acheter un ou deux articles seulement au supermarché, je privilégie – dans la gamme de prix qui me convient – ceux dont le prix tombe à peu près « rond » (soit ne m’obligeant pas à retirer de ma fouille un, deux ou cinq centimes). Parfois, je ne trouve pas… Les commerçants indépendants belges semblent eux aussi excédés par ces prix trop peu arrondis et prônent tout simplement que la Monnaie Royale n’émette plus de pièces d’un ou deux centimes…
Hormis chez « le Chinois » (souvent un Laotien ou autre) ou « l’Arabe » (souvent Kabyle, voire Pakistanais ou Turc) du coin, tentez de trouver un article dont le prix ne dépasse pas ou ne frôle pas de peu un chiffre rond. Certes, chez Carrefour City, par exemple, vous trouvez des fruits ou légumes, ou des fromages, à un ou deux euros, avec une belle pastille pour vous les indiquer. Mais hors promotion (pas forcément avantageuse : comparez), il est très difficile de trouver des prix sans décimale à 2, 4, 7, 9 (ou autre).
En Belgique, le Syndicat neutre pour indépendants (SNI), qui regroupe des commerçants, en a aussi plus que ras-le-bol de ces prix, à la veille de l’émission par la Monnaie Royale de 34 millions de pièces de un cent et de 22 millions de celles de deux cents.
Pour un coût non précisé (qui pourrait être supérieur, pour celle d’un cent à la valeur faciale).
Beaucoup de gens, d’ailleurs, les retirent de la circulation un temps, les consignant dans une cagnotte ou tirelire. Évidemment, les commerçants sont suspectés, et le SNI s’en défend, de vouloir tout arrondir au cinquième ou dixième supérieur. Globalement, le syndicat laisse entendre que ses adhérents arrondiraient autant au prix inférieur qu’au supérieur, sans faire monter l’ensemble des prix. Bah, cela n’engage à rien, chacun étant libre de faire comme bon lui semble.
88 % des adhérents du SNI seraient pour l’abolition de ces pièces. D’une part, elles impliquent des manipulations plus longues, d’autre part, pour 27 % (du fait du phénomène des tirelires, notamment), la pénurie de ces pièces en caisse oblige à consentir (ou demander au client) un geste gracieux (baisser ou hausser le prix pour rendre la monnaie).
85 % de ces commerçants seraient même disposés à être légalement obligés d’arrondir les prix vers le haut ou vers le bas. C’est ce qui s’est déjà produit en Finlande ou aux Pays-Bas, avec pour conclusion que les prix cumulés sont restés stables, les baisses compensant les hausses.
Le ministre belge des Finances, Kozn Geens, sera sensibilisé au problème.
Au Canada aussi, la majorité des détaillants étaient disposés à voir disparaître la pièce d’un cent. C’était encore plus flagrant, avant l’euro, dans certains pays de la zone et il vous était souvent proposé, en guise de compensation, une toute petite friandise dans les épiceries ou boulangeries. En Roumanie, certains commerces arrondissent à la caisse ou, souvent, les clients laissent le petit change, ne voulant pas s’alourdir les poches. La Monnaie canadienne n’émet plus de pièces de « sou noir » (le penny) et n’en livre plus depuis le 4 février dernier. Il en était auparavant de même pour la Nouvelle-Zélande et l’Australie. En Suisse, la mesure a été adoptée en 2007(l’émission d’un centime de franc suisse revenait à douze fois plus cher).
Rappelez-vous, la Monnaie française avait progressivement cessé d’émettre des pièces d’un centime de francs (en 1980), réservant de parcimonieuses émissions aux numismates (qui voulaient une série complète pour chaque année).
D’après le ministère des Finances français, les pièces d’un ou deux centimes reviennent, en production, à trois ou cinq cents : c’est de 7 à 20 millions d’euros de manque à gagner annuel pour Bercy. Ces coûts s’entendent sortie de fonderie. Il faut ajouter des frais de transport, de stockage, et la hausse du cours du cuivre.
Problème : que faire des monceaux, monticules, monts, montagnes de telles pièces ? Les rembourser ? Cela entraînerait d’autres coûts, notamment de recyclage. Mais, à la longue, la mesure serait économique pour les budgets des États.
Beaucoup de ces pièces finissent aussi dans les égouts. Voire dans les poubelles.
Mais la Monnaie de Paris verrait dans cette suppression un manque à gagner. Elle estime que cela entraînerait une hausse des prix. Ce qui est formellement démenti par la BCE qui redoute seulement que les consommateurs focalisent leur attention sur les arrondis supérieurs. Cette mitraille représente près ou plus de la moitié des pièces émises annuellement.
En fait, on se demande si les pièces d’un ou deux centimes n’ont plus d’utilité réelle que de lester des bouchons (pour la pêche) ou dévisser des couvercles de compartiments de piles. Un sou est un sou, certes, et peut être utile : je les ramasse quand j’en trouve au sol, histoire de faire un peu d’exercice.
Divers pays censés accéder à la zone euro (de 2014 à 2016), comme les pays baltes, la Pologne ou la Tchéquie, où il serait possible d’acheter un bonbon avec un ou deux cent (euro et cent sont invariables, légalement, dans toutes les langues, selon les traités, mais théoriquement que pour les transactions), pourraient certes continuer à émettre de ces pièces. Lesquelles pourraient toujours être acceptées par des commerçants ailleurs (par « tranches » de cinq). Mais serait-ce un problème insurmontable ?
Au fait, à partir de mai prochain, de nouvelles séries de billets européens seront émises, encore en papier et coton (moins durable) et non pas en polymère. Le billet de cinq euro (euros) sera-t-il plus résistant ? Sans doute moins falsifiable seulement. Mais on nous « vend » un nouvel enduit spécial.
Ah, au fait, le saviez-vous ? Si vous cassez votre tirelire pleine de pièces d’un ou deux cents, le commerçant peut refuser de vous en prendre plus de 50. Cela vaut d’ailleurs quel que soit le montant et la valeur des pièces (donc, de deux euros aussi), et quel que soit le pays (vous pourrez donc fourguer vos un et deux cents en Belgique si la mesure est adoptée).
Tout autre chose : le Vatican n’a pas tardé à réagir à la démission de Benoît XVI. Une nouvelle pièce de deux euros sera très prochainement émise. Et pour les centimes, il fait quoi, le Vatican ? La troisième série représente Benoît XVI.
La un cent a été émise le 22 mai 2012 (en illustration, la deux cents de 2011). Quid de celle d’avril 2013 ? Si elle voit le jour…
Fidem custodire, concondiam servare (préserver la confiance et servir la concorde fiduciaire ?) ou se passer de la mitraille mitrée, telle est la question…
J’ai une cousine (j’en ai même plusieurs, mais je ne vous parlerai ce soir que d’une seule d’entre elles) qui tenait, jusqu’il y a une douzaine d’années, un magasin de cadeaux.
Tous ses prix étaient « ronds ».
En francs belges, à l’époque…
Pas de cadeau à 49,50 francs ou à 199,50 francs, mais à 50 et 200 francs.
Les clients étaient contents de voir qu’on ne les prenaient pas pour des imbéciles à qui on fait le coût du « ça ne coûte même pas deux cents francs » alors que finalement, ils devaient quand même sortir deux cents francs pour se voir rendre une minable pièce de cinquante centimes (l’équivalent d’un gros centime d’euro).
Quant à elle, elle gagnait un temps fou pour faire sa caisse le soir !
Pour le coup des 50 pièces maximum, c’était (et c’est toujours) le cas dans le BENELUX (avant l’arrivée de l’euro, et ça s’est prolongé par la suite) mais je ne suis pas certain que ce soit le cas partout dans le monde entier. Il y a d’ailleurs un p’tit comique qui a payé récemment un complément d’impôts avec une brouettée de pièces, et les impôts français ont accepté sans (trop) rechigner. À moins que ce ne soit que pour les commerçants ?