Tant que je ne pourrai consulter les détails du sondage Harris Interactive-Le Parisien sur le site du sondeur, je ne saurais me prononcer sur cette consultation qui laisse envisager que Jeanne-Marine La Pen se placerait en tête de la présidentielle de 2012. Pas besoin d’ailleurs de consulter les détails pour en arriver à cette conclusion : les consommateurs vont morfler ! Et ce n’est pas demain que les automobilistes paieront moins cher à la pompe, peut-être bien au contraire.

Je n’ai qu’une remarque à faire sur le sondage Harris Interactive-Le Parisien dévoilé ce samedi et dont certains détails seront repris par les agences et le reste de la presse ce soir : l’échantillon est supérieur 1 600 personnes contactées, ce qui fait vaguement plus sérieux. Or donc, Marine Le Pen arriverait en tête du premier tour de la présidentielle si elle était opposée à Nicolas Sarkozy ou à un ou une canditat·e présenté·e par le Parti socialiste. De 1, 2, voire 3 %, peu importe.

Ce qui m’intéresse, c’est moins ce que « les gens » pensent que ce qu’ils croient qu’ils doivent penser, en tout cas en matière de sondages et consultations, dont la future réglementation a été battue en brèche par l’UMP. Je pressens que la formation de Nicolas Sarkozy doit se mordre un peu les doigts d’avoir cédé aux sirènes des instituts de sondage et des patrons d’une presse supposée « amicale ». Mais c’est incident par rapport à l’essentiel, qui sera peut-être la répercussion de ces sondages (s’ils venaient à amplifier la tendance décelée) sur… le prix du pain. Entre autres denrées.

De l’enquête de Marianne sur « la liste des arnaques » liées à la hausse des prix, je ne connais pour l’instant que l’article d’Emmanuel Lévy publié fin janvier dernier. Selon l’Insee, « pour la même baguette qui coûtait 48 centimes d’euros (3,15 francs) en 1990, il faudrait débourser 76 centimes aujourd’hui. Premier hic : selon les chiffres de la profession, en 2010, le prix de la baguette s’approche davantage des 85 cts que76 cts. Ce qui porterait la hausse non pas à 59 % mais à….77 %. ». Estimation faiblarde pour la Parisienne et le Parisien qui se fournissent dans une boulangerie de proximité. Je ne serai guère surpris si, vers l’été 2012, le prix courant se situera aux alentours d’un euro. La faute aux spéculations sur les cours des céréales ? Sans doute. Principalement. Car je serais bien en peine d’estimer l’effet Le Pen.

En revanche, cela fait quelques décennies que je m’intéresse, de loin en loin, aux finances du Front national. Par le gros bout de la lorgnette, et par exemple aux affaires conjointes des Stirbois et des Le Pen dans l’imprimerie, les médias (un temps, une radio), &c. Les Le Pen vont très, très bien (enfin, pour Pierrette Lalanne-Le Pen, dont ABC se complait à estimer que « sa vie sentimentale est aussi agitée que celle de sa fille », et vice-versa). Marine Le Pen, deux mariages, un compagnon actuel présumé Louis Aliot (voire Laurent Ozion, allez savoir…) n’a pas à faire la quête auprès de l’électorat catholique traditionnel. Mais le Front national, pour mener campagne, va devoir se munir de troncs et de sébiles. Or, il est déjà criblé de dettes. Bah, le Parti communiste n’est pas fort bien loti, et ce ne sont pas que les recettes de la Fête de L’Humanité qui le maintiennent hors de l’eau. Pour le FN, on peut évoquer une certaine complaisance de la justice civile, voire du parti présidentiel majoritaire. 6,33 millions d’euros de dettes pour le FN, l’aide publique de l’État saisie par deux fois (1,8 millions d’euros annuels), mais quand même un micro-parti hors d’atteinte des créanciers, le Cotelec, qui aurait réussi à récolter 600 000 euros depuis 2007, mais aussi à trouver de quoi emprunter. Le Cotelec est « un parti politique chargé de promouvoir l’image et l’action de Jean-Marie Le Pen ». Le Cotelec, réanimé le premier septembre 2006 mais créé dès 1991, est une création de Jean-Marie Le Pen et de Jean-Pierre Mouchard. Les Le Pen, selon la presse suisse, et François Laya (du cabinet genevois Jean-Pierre Aubert), détiendraient (ou auraient détenu) des comptes à la banque Darier ou chez UBS. Le compte UBS 386.047.00 W aurait été clôturé en 1987. Le Cotelec prête, au taux de 5 %, des fonds aux candidats du FN. Prêt et intérêts sont remboursés aux candidats pouvant se targuer d’avoir obtenu un seuil du pourcentage des voix. Or ce seuil va être remonté pour les cantonales de mars prochain.

Selon Jean-Marie Le Pen : « nous n’avons pas les mêmes relations avec les banques ni avec les milieux d’affaires que les autres partis politiques. Nous sommes bien obligés d’essayer de survivre avec des moyens cent fois inférieurs à ceux de nos concurrents. Si nous avions les mêmes moyens qu’eux, nous les battrions aux élections. ». La belle blague !

Encore quelques sondages favorables et les fameux milieux d’affaires ou industriels sauront estimer qu’il vaudrait mieux se concilier les bonnes grâces d’un parti qui, même s’il ne gagne pas les élections présidentielles, risque de grimper aux cantonales et aux futures législatives. Certes, le réseau des implantations commerciales dans des zones à la périphérie des villes et agglomérations est si dense que les besoins sont moins forts. Certes, les hausses de tarifs d’EDF ou GDF sont déjà actées. Mais par exemple, Jean-Pierre Mouchard, c’est aussi Ecotec SA, un gazier… bientôt schisteux ? Ou un intermédiaire ? Selon Carlos Miriel, ancien d’Ecotec, une villa des Le Pen aurait été en fait financée par cette société. Tant Wallerand de Saint-Just, trésorier officiel du FN, que d’autres, vont sans doute voir leur agenda enfler. Louis Aliot et Marie-Christine Arnatu, proches de Jeanne-Marine La Pen, vont assurément être plus souvent aperçus dans les dîners en ville et les halls de certains hôtels (pas de police). Au fait, ce n’est pas au Congrès de Tours du FN, mais aux abords de la soirée de gala qui s’ensuivit, fermée à la presse, qu’un journaliste s’est fait chahuter par le service d’ordre du FN. Histoire de ne pas s’étonner de la présence de certains participants ? La Sologne et ses chasses ne sont certes pas loin, mais ce n’est pas en telles circonstances qu’on évoquer le nerf d’une campagne électorale.

Au fait, que reste-t-il des relations entre les familles Nano et Le Pen ? Au moins, puiser dans les fortunes des Moubarak, des Ben Ali, ou Kadhafi partiellement disséminées dans des banques caraïbes pourrait peut-être arranger des comptes de campagne. Armando Nano, un familier des Le Pen, avait commencé à trafiquer sur les armes avec… Nasser. Thierry Nano, comte de l’ordre byzantin du Saint-Sépulcre, saura-t-il intercéder auprès des bons financiers, ou a-t-il pris ses distances ? La famille Nano conteste en tout cas formellement avoir facilité de présumées tractations des Le Pen avec Saddam Hussein afin de financer ses acquisitions d’armes de destruction massives. Sur ce dernier point, on peut croire les Nano. Bah, les Nano n’étaient pas trop regardants, et ils traitaient aussi bien avec certaines loges maçonniques italiennes que de la région niçoise ou d’Afrique. On veut croire qu’entre le FN et diverses obédiences, maçonniques ou autres, la frontière est étanche. En apparences, certainement. En coulisses, c’est peut-être tout autre chose.

Encore quelques sondages et les « relations avec les banques et les milieux d’affaires » risquent fort de s’améliorer. Et pour être plus sûrs de ne pas trop se planter, ces mêmes milieux sauront sans doute arroser large. Tant pour les uns, tant pour les autres, tant pour les troisièmes, au gré des sondages.

Qui paiera au final ? Contribuables (sans doute principalement locaux, selon les projets), et consommateurs (plus globalement). La percée du FN dans les sondages n’a pas que des répercussions politiques. En bonne gestion financière, on peut accorder un pour cent de son patrimoine au pur hasard. Avec les partis politiques, en cas de gain, les actionnaires ramassent les plus-values, en cas de pertes, les consommateurs voient doublement la mise être compensée sur leurs dos.

Amusant, ce samedi, Marine Le Pen propose la « sur-taxation des profits des grandes entreprises gazières et pétrolières ». Elle en a parlé avec les héritiers de Jean-Pierre Mouchard ? Ils ont pris leur téléphone pour rassurer leurs contacts ? On croirait entendre Nicolas Sarkozy au G20. Paroles, paroles… Marine Le Pen, présidente du pouvoir d’achat ? Eh, on ne vous a pas déjà fait le coup ?