Mais avant toute chose, voyons un peu votre sortilège !

Léa poussa un cri de joie. Elle allait enfin pouvoir quitter cette maudite cabane. Elle attrapa le parchemin pour signer le pacte. Guillaume était bien plus méfiant que sa sœur. Des tas d’interrogations trottinaient dans sa tête. Il questionna :

– Comment allons-nous faire pour sauver la planète ?  C’est impossible ! Et puis c’est quoi cette histoire de sortilège ?

La souris répliqua du tac au tac :

– Il n’y a pas de temps à perdre, jeune homme ! La pollution gagne du terrain pendant que nous discutons dans le vide. Les paroles ne valent rien, passons aux choses sérieuses ! Fais comme ta sœur et signe avant que je déchire le pacte !
– Bon, bon, je suis d’accord. Mais je veux lire le parchemin avant de le signer. Est-ce possible ?
– Bien sûr que c’est possible ! D’ailleurs je vais te le lire à haute voix :

« Sur notre honneur de souris, nous promettons de vous libérer du sortilège, à la seule et unique condition que votre mission soit accomplie, c’est-à-dire que les hommes s’unissent pour sauver la planète ! »

Guillaume attrapa le parchemin et le signa à son tour. Aussitôt fait, toutes les souris se mirent à détaler aussi vite qu’elles étaient venues. Sauf la grosse souris qui semblait être la magicienne du groupe. Elle dit en fermant les yeux :

– Que le sortilège devienne réalité ! Que ces enfants se transforment ici et maintenant en sauterelles ! Et hop, abracadabra !

Sur ces mots magiques, Guillaume et Léa se changèrent en sauterelles. La grosse souris ajouta en détalant :

– Et pour redevenir comme avant, il me suffira juste d’annuler le sortilège avec une autre formule magique. C’est-à-dire quand vous aurez accompli votre mission ! Allez, les enfants, je vous souhaite bonne chance de la part de tous les animaux de la Terre.

Guillaume fit signe à sa sœur de le suivre. Mais elle resta sur place, immobile, comme prisonnière de son nouveau corps. Des larmes se cachaient au fond de ses yeux mais impossible de les faire sortir. Des larmes de fillette, ça existe ! Mais des larmes de sauterelle, comment faire ? Pas facile quand on est une sauterelle débutante avec toutes ses nouvelles sensations à gérer.

– Vite, petite sœur ! Suis moi, nous allons apprendre à sauter.

Aussitôt dit, aussitôt fait ! En sautillant tant bien que mal, ils se faufilèrent à toute allure dans le tunnel creusé par les souris.  Quelques mètres plus loin, ils se retrouvèrent enfin dehors. Un silence inquiétant enveloppait la forêt. Pas un bruit, pas le moindre souffle à part les feuilles des arbres qui tombaient mollement sur le sol. Mêmes les insectes semblaient s’être immobilisés en plein vol, comme suspendus dans les airs.

Soudain, un animal énorme se précipita vers eux. Il avait surgi de nulle part, sans prévenir. C’était un loup énorme qui galopait comme un cheval. Il avait l’air féroce avec ses babines retroussées et ses yeux jaunes fluo. A sa vue, les enfants furent pris d’un frisson d’épouvante. Ils auraient bien voulu se sauver, mais comment faire. Ils étaient littéralement tétanisés sur place, bien incapables de faire le moindre mouvement.
– Des enfants qui titubent comme des sauterelles ivres, comme c’est bizarre ! ricana le loup en baissant le museau. Il faut que je prévienne les gendarmes de la forêt pour qu’ils viennent vous arrêter ! Allons, allons, n’ayez pas peur ! Je ne mange pas les petits humains déguisés en sauterelles. Et puis franchement, votre chair pleine de pollution n’est pas vraiment appétissante. Je ne mange pas n’importe quoi, moi ! Je suis un animal raffiné et je n’ai pas envie de m’intoxiquer.
Les deux sauterelles  n’en revenaient pas. Un loup gentil et rigolo, quelle bonne surprise. Ils étaient sûrement dans un rêve. Parce que dans les livres, les loups ressemblent à   des bêtes sanguinaires. Ils dévorent les hommes et pactisent avec le diable ! L’animal semblait en tout cas lire dans les pensées, car il dit :

– Je déteste vraiment les humains avec leurs histoires idiotes pour faire peur aux enfants ! Les légendes n’en finiront donc jamais de nous coller cette réputation de bêtes féroces ? J’aimerais vous prouver le contraire, mais pas le temps ! Votre mission est plus urgente que la légende. Les souris nous ont demandé de vous aider à sortir de cette forêt. Vite, grimpez sur mon dos !

Les deux sauterelles firent une première tentative. Mais pas facile d’atterrir au bon endroit. Ils n’avaient pas l’habitude de faire des sauts périlleux. Le troisième essai fut le bon. Le loup ricanait en disant :

– Pas si facile d’être une sauterelle, n’est-ce pas ? Ah, au fait, vous voyez bien que je suis venu pour vous aider, pas pour vous manger !    

Le voyage à dos de loup démarra à toute allure. Tout au long de leur passage, les branches s’écartaient en faisant des courbettes. Vu du ciel, on aurait dit des sauterelles en décapotable. Quelle drôle d’aventure, pensait le garçon. Si seulement son pote Alexandre pouvait le voir ! Sur le chemin, des oiseaux sifflaient des biches aussi belles que des danseuses ; des papillons multicolores atterrissaient mollement sur des pétales de fleurs ; des grenouilles avec des  bouilles toutes rondes croassaient des chansons sous les applaudissements des crapauds assis sur des marrons ; et des sangliers plus doux que  des agneaux couraient derrière des renards malins comme des singes. Quelle rigolade, cette balade!

– Fin du voyage, annonça le loup en freinant des quatre pattes. Filez, votre mission doit commencer le plus vite possible !

Les sauterelles agitèrent leurs antennes dans tous les sens pour dire merci. Le loup rigolo et gentil retourna sur ses pas. Il était pressé de rejoindre la forêt.
           

 

Merci d’avoir lu un extrait de mon premier livre, publié aux éditions EbookEditions.

"Le pacte des sauterelles" est un conte qui ressemble à une fable, et qui se lit comme une nouvelle. 52 pages, tout public, de 7 à 77 ans et plus!