Ce modèle économique est quasiment érigé en religion par des personnalités aussi riches et puisssantes qu'Hillary Clinton qui se dit "impressionnée par la capacité de ces prêts à permettre aux femmes les plus pauvres de débuter une activité et de sortir ainsi leurs familles et leurs villages de la pauvreté".
Convertit, le néo-conservateur Paul Wolfowitz, avec le zèle du néophite, évoque lui aussi "le pouvoir de transformation" de la microfinance.
Le microcrédit est présenté comme un moyen inoffensif de parvenir au développement économique. A voir!
Ce sont essentiellement les personnes moyennement pauvres et non les plus pauvres qui en bénéficent et bien peu d'entre elles peuvent prétendre être sorties défitivement de leur précarité.
L'une des personnes qui a le plus étudié le phénomène, Thomas Dichter, confirme qu'il est exagéré d'affirmer que la microfinance permet à ses bénéficiaires de passer de la pauvreté au statut d'entrepreneur : "il est certain que le microcrédit n'a pas fait ce que la majorité de ses plus fervents partisans soutiennent qu'il peut faire, c'est-à-dire fonctionner comme un capital destiné à accroître le rendement d'une activité commerciale"
Pour lui, le grand paradoxe du microcrédit c'est que "les plus pauvres ne peuvent pas faire grand chose de productif avec le crédit, et ceux qui peuvent en faire le meilleur usage sont ceux qui ont besoin non pas d'un microcrédit, mais d'un prêt plus important, assorti de conditions différentes". On peut dire en d'autres termes que le microcrédit est un bon instrument pour une stratégie de survie, mais qu'il ne peut constituer la clé du développement.
Un réel développement économique exige d'engager massivement des investissements à forte intensité de capital pour bâtir des industries, mais également de s'attaquer avec fermeté aux causes structurelles de l'inégalité et de la pauvreté, comme la concentration des terres, la non répartition des fruits de la croissance, le non respect des lois qui privent systématiquement les pauvres aux moyens d'échapper à la misère.
Les programmes de microcrédit ne sont que des filets de sécurité pour les individus marginalisés par le système. En aucun cas le système n'est transformé.
Les admirateurs du microcrédit se fourvoient lorsqu'ils prétendent que c'est une nouvelle forme compatissante du capitalisme, en quelque sorte un capitalisme social qui constituerait une arme magique capable d'éliminer la pauvreté et de promouvoir le développement.
Il est d'ailleurs révélateur et suspect que la Banque Mondiale et le FMI, grands partisans de la libéralisation des échanges commerciaux, de la déréglementation et des privatisations mises en oeuvre pendant 25 ans au cours des programmes d'ajustement structuraux de triste mémoire, soient aujourd'hui de fervents partisans de la microfinance. On ne peut pas en effet soupçonner ces grands organismes d'avoir le désir de transformer le capitalisme principal, responsable de la pauvreté dans le monde.