Les feuilles ne se ramassent plus à la pelle, les arbres ne meurent plus sauvés par le livre électronique.
Les regrets se dispersent pour disparaître à jamais. Ce qui m'importe c'est de pouvoir lire encore à l'aube de mes cent ans. J'imagine les mots adaptés à ma vue déficiente sur un écran portable. Je me souviens alors des feuilles sentant le neuf, des milliers de signes noirs sur des parchemins illustrés de mille couleurs. Je ne regrette que cette sensation de plaisir, celui de feuilleter ces quelques pages odorantes et d'entendre le bruit léger des feuillets à mesure que je les dévore.
Bien calée dans mon fauteuil, j'écoutais d'un air distrait les menaces de déforestation et ne pensais pas faire de mal en sombrant dans un plaisir solitaire dévoreur d'espaces naturels. J'envisageais avec exaspération la venue prochaine du livre électronique qui me priverait bientôt de ces moments si agréables, un chat sur les genoux et le thé fumant qui m'accompagnent toujours lorsque je lis.
Puis un jour, je fus prise d'angoisse. Plus d'arbres, plus de livres alors? Je ne pouvais imaginer survivre dans un monde aseptisé, plongé dans une obscurité opaque de toute imagination, de tout échange de mots et d'idées. Je me tournai alors vers mon écran plat, espérant un jour pouvoir stocker une bibliothèque idéale et décidai de ne plus ouvrir un seul livre.
La Toile serait désormais mon livre de chevet pour le plus grand bien de l'humanité et de mon plaisir solitaire mais déjà une autre idée venait me troubler. Que faire si la nature prise de folie reprenait un jour le dessus sur nos civilisations et noyait toutes nos connections virtuelles sous des océans de glace fondue?
Merci d’avoir délaisser vos livres pour notre plus grand bonheur … la lecture numérique permet certes une économie de papier mais est consommatrice d’électricité (polluante ?)