un petit territoire mais une grande histoire.
Beyrouth vue panoramique
Il n’est pas question de développer l’histoire compliquée du Chiisme qui est l’une des trois principales branches de l’islam, mais seulement d’en donner les prémices. Le Chiisme, avec le Sunnisme, voir la suite 3, et le Karadijisme, regroupe 15 % des musulmans, mais 90 % des Iraniens, 64 % d’Irakiens, 85 % d’Azerdajïans, et 75 % de Bahreïniens. Les chiites sont souvent appelés péjorativement râfidhites, dans les textes du Moyen Âge, (râfihites membres du courant majoritaire chez les Chiites).
L’islam a connu quelques problèmes de succession suite à la mort de son prophète Mahomet. Le quatrième calife de l’Islam, Ali, le neveu de Mahomet, fut le plus contesté. Après plusieurs guerres, il décida donc de se retirer et, avec ses partisans, il allait donner naissance à une nouvelle interprétation de l’islam, le Chiisme, par opposition à l’autre grande tendance existante, le Sunnisme.
Le Chiisme est primitivement l’expression d’un mouvement politique, d’un parti. Quand Mahomet meurt en 632, dix ans après l’Hégire, son émigration de La Mecque à Médine marque la naissance officielle de la religion qu’il a prêchée, l’islam, et inaugure l’ère musulmane, rien n’est prévu pour sa succession. Certes, la révélation est terminée et nulle autre n’aura lieu après elle, ce que contestent certains Chiites. Mais Mahomet n’est pas seulement prophète. Il est chef d’une communauté et d’un État, devenu en un siècle un immense empire, qui doit être dirigé. Il importe donc de désigner comme successeur, le calife, celui qui en aura la responsabilité, à la fois le plus digne ou le plus capable, et l’un de ceux qui furent les plus proches et les plus attachés à Mahomet. On élit successivement Abou Bakr, Omar, Othman, puis, seulement en 656, après trois candidatures malheureuses, après vingt-cinq ans d’attente, Ali. Aurait-il dû être choisi plus tôt, comme le pensent les Chiites ? En effet, il ne manque pas de titres. Il est cousin du Prophète, son père a élevé Mahomet quand celui-ci est devenu orphelin, il est l’un des premiers convertis, il a épousé Fatima, fille de Mahomet et, par elle, à lui qui n’avait pas de fils, il a donné ses deux seuls petits-enfants mâles, Hassan et Hussein, d’après,
Jean Paul Roux Directeur de recherche honoraire au CNRS Ancien professeur titulaire de la section d’art islamique à l’École du Louvre.
Le Chiisme est souvent perçu comme une version extrême de l’islam, alors que sa lecture du Coran est à la fois plus souple et pluraliste que l’interprétation Sunnite, laquelle a engendré la plupart des dérives totalitaires, comme le régime Saoudien, et terroristes comme Al-Quaïda.
Contrairement aux Chrétiens et aux Sunnites, les Chiites du Liban, jusqu’à l’avènement de la république islamique d’Iran en 1979, n’avaient pas de soutien régional. D’où la nécessité d’être rattaché à un ensemble afin de bénéficier du développement et d’une protection. A partir de la fondation par la France mandataire de l’État du Grand Liban, voir le premier article le Liban, en 1920, la communauté Chiite de Jabal’Amil qui est région montagneuse au sud Liban a été traversée par différentes aspirations. Alors que certains estimaient qu’il fallait soutenir le rêve panarabe, d’autres ont rallié les positions Françaises pour la création du Grand Liban. Ce sont d’ailleurs les Français qui, pour contrecarrer l’influence des nationalistes arabes Sunnites, ont octroyé aux Chiites le statut de secte à part entière en 1926. «De 1926 à 1943, les Chiites ont observé l’expérience Libanaise prendre forme. Puis jusqu’aux années 80, ils ont tenté l’expérience d’un ralliement à l’idée du Liban indépendant», souligne Riad el Assaad. Durant ces années, de nombreux leaders et lettrés Chiites, qu’ils soient religieux ou non, ont écrit sur la nature des relations entre les Chiites de Jabal’Amil, sous l’influence de l’Imam d’origine Iranienne Moussa Al-Sadr créateur du mouvement Amal en 1974 branche armée des «déshérités» qui perdra de son influence au profit du Hezbollah fondé en 1982, et l’État Libanais, infos-Palestine .
Les Chiites sont concentrés dans le Sud au Nord Est de la Bekaa alors que les Sunnites sont à Beyrouth et au Nord.
Historiquement oppressés, marginalisés, cibles de nombreux préjugés, les Chiites sont fortement attachés à la résistance, incarnée aujourd’hui par le Hezbollah, en ce qu’elle représente le cœur de leur conscience politique. Après le retrait des forces militaires Syriennes du Liban confirmé par l’ONU le 26 avril 2005, le 19 juillet le gouvernement de Fouad Siniora, (sunniste), du 19 juillet 2005 au 09 novembre 2009, l’ensemble des courants politiques issus des élections de mai-juin 2005 sont représentés au gouvernement, et notamment, et pour la première fois le Hezbollah, à l’exception du bloc parlementaire du général Michel Aoun, (chrétien maronite). Le 11 novembre 2006 les 6 ministres Chiites du gouvernement démissionnent, le cabinet s’est trouvé composé exclusivement de sunnites, de chrétiens et de druzes.
L’opposition Libanaise, en décembre 2007, menée par le Hezbollah chiite, a lancé un sit-in dans le centre ville de Beyrouth pour faire plier le gouvernement de Fouad Siniora, les Chiites sont au cours de la plupart des débats au Liban. Leur revendication est claire, alors qu’ils représentent un tiers de la population Libanaise, ils veulent, leur part du pouvoir, une place à leur mesure dans l’État. Si certains, au Liban, estiment que cette revendication tient du coup de force, pour les Chiites, elle relève d’enjeux essentiels qui touchent à la survie même de la communauté au pays du Cèdre.
Le tribunal spécial pour le Liban introduit des tensions entre Chiites et Sunnistes comme suite aux rumeurs sur l’implication du Hezbollah, Chiite, dans l’assassinat du premier ministre Rafic Hariri. Le TSL doit publier ses actes d’accusation avant la fin de l’année. Pour analyser ce problème se sont réunis dans un sommet le 30 juillet 2010 le roi d’Arabie Saoudite et le président Syrien qui ont rencontré le président Libanais Michel Sleiman au palais présidentiel de Baabda. L’Émir du Qatar s’est également rendu dans la capitale. A cela vient s’ajouter l’importance croissante des Chiites dans les quartiers Sunnites de Beyrouth. A Beyrouth plus qu’ailleurs au Liban, les musulmans Sunnites vivent de plus en plus mal l’afflux de Chiites du sud du pays dans leurs quartiers, alors que les deux communautés traversent leur pire crise depuis des années, à l’image des violents affrontements de janvier 2007. Ces dernières années, les accrochages à répétition opposant les Israéliens aux Palestiniens et aux milices Chiites ont provoqué le départ de nombreux Chiites du Liban-Sud. L’évolution démographique des quartiers reflète la perte d’influence des Sunnites, communauté de tradition marchande. Nombre de Libanais sunnites s’inquiètent de l’arrivée massive des Chiites, longtemps privés de droits civils, et de leur influence grandissante, lire la suite ici .
Géopolitique du Moyen Orient , suite,
Le Liban, banc d’essai de la théorie de la désorientation informative et de la dissension sociale par René Naba du blog renenaba.com
Le Tribunal spécial sur le Liban à l’épreuve de la guerre de l’ombre (Partie 2/3), suite.
La révolution des cassettes.
Tout au long d’une séquence d’un demi-siècle, les pays occidentaux en général, les États-Unis en particulier, auront exercé le monopole du récit médiatique, particulièrement en ce qui concerne le Moyen Orient, un monopole considérablement propice aux manipulations de l’esprit, qui sera toutefois brisé, avant la percée médiatique de la chaîne transfrontière «Al-Jazira», à deux reprises avec fracas, avec des conséquences dommageables pour la politique occidentale, la première fois en Iran, en 1978-79, lors de la «Révolution des cassettes» du nom de ces bandes enregistrées des sermons de l’Imam Ruhollah Khomeiny du temps de son exil en France et commercialisées depuis l’Allemagne pour soulever la population Iranienne contre le Chah d’Iran. La deuxième fois à l’occasion de l’Irangate en 1986, le scandale des ventes d’armes Américaines à l’Iran pour le financement de la subversion contre le Nicaragua. Un scandale, est-il besoin de le rappeler, qui a éclaté au grand jour par suite d’une fuite dans un quotidien de Beyrouth «As-Shirah», mettant sérieusement à mal l’administration républicaine du président Ronald Reagan.
Hormis ces deux cas, les États-Unis et Israël auront constamment cherché à rendre leurs ennemis inaudibles, au besoin en les discréditant avec des puissants relais locaux ou internationaux, tout en amplifiant leur offensive médiatique, noyant les auditeurs sous un flot d’informations, pratiquant la désinformation par une perte de repères due à la surinformation en vue de faire des auditeurs lecteurs de parfaits «analphabètes secondaires». Non des illettrés, ou des incultes, mais des êtres étymologiquement en phase de processus de «désorientation», psychologiquement conditionnés et réorientés dans le sens souhaité, dont l’ignorance constitue, paradoxalement, une marque de supériorité. «Pur produit de la phase de l’industrialisation, de l’hégémonie culturelle du Nord sur le Sud, de l’imposition culturelle comme un préalable à l’envahissement et à l’enrichissement des marchés, l’analphabète secondaire n’est pas à plaindre. La perte de mémoire dont il est affligé ne le fait point souffrir. Son manque d’obstination lui rend les choses faciles. Il apprécie de ne pouvoir jamais se concentrer et tient pour avantages son ignorance et son incompréhension de tout ce qui lui arrive», soutient l’auteur de l’expression, l’Allemand Hans Magnus Einsensberger, dans un ouvrage au titre prémonitoire «Médiocrité et folie».
La frénésie diplomatique occidentale au Liban, sans pareille partout ailleurs dans le monde, a conduit un intellectuel Libanais, l’économiste Georges Corm, ancien ministre des finances, a asséné un vigoureux rappel à l’ordre aux «chers ambassadeurs des grandes puissances». «Vous vous fondez si bien dans le paysage politique que l’on en vient à oublier que vous êtes des ambassadeurs et l’on vous compte le plus souvent comme faisant partie des plus hautes autorités responsables du pays. (…) Dans les périodes de crise, votre passion pour le Liban est telle que vous n’hésitez pas à vous adresser publiquement et directement à nous, en faisant fi des conventions de Vienne», écrira-t-il dans une lettre ouverte publiée le 16 juillet 2010 dans la revue Libanaise «Magazine»».
A des moments cruciaux de son histoire, le Liban a constitué une passoire, mais le plus petit pays arabe a quelque peu compensé cette faille en enregistrant deux faits d’armes glorieux contre Israël, en 2000 et en 2006, unique pays arabe à revendiquer un tel palmarès, unique pays arabe à avoir provoqué un dégagement militaire Israélien de son territoire, sans négociations, ni traité de paix. A sa décharge, toutefois, comparaison n’est pas raison, le Liban ne détient pas le monopole de la connivence Israélienne.
Des instructeurs Israéliens sont présents en Irak, particulièrement dans la zone Kurdophone, pour l’encadrement et la formation des soldats Kurdes, les anciens Peshmergas, sollicités pour des opérations de maintien de l’ordre à Bagdad au cours du premier semestre de 2007. Le magazine «News night» du 19 septembre 2006 avait présenté des images exclusives de vastes installations et de ces entraînements. Interop et Colosseum, deux sociétés Israéliennes de mercenariat serviraient de couverture à cette activité de l’armée Israélienne. Les officiers transiteraient par Djibouti pour masquer leur origine. Les Israéliens auraient pris la succession de sociétés Américaines de mercenariat, déjà présentes au Kurdistan Irakien depuis la création de la zone de non survol, à l’issue de l’opération Tempête du désert, en 1991. Ces deux sociétés agissent de concert avec le Shin Beth, les services de renseignements Israéliens, et s’agissant du Moyen-Orient, en coordination avec le bureau des «minorités périphériques», le vocable par lequel les services Israéliens désignent les ressortissants des pays arabes qu’ils croient susceptibles de collaborer avec eux, comme ce fut le cas lors de la guerre du Liban avec les Forces Libanaises, 1975-2000, et comme c’est le cas dans la nouvelle guerre d’Irak.
Sous couvert de double nationalité, des Israéliens sont présents sous uniforme de l’armée Américaine, depuis 2003, comme spécialistes de la guérilla urbaine à Fort Bragg. C’est dans ce centre des forces spéciales Américaines, en Caroline du Nord, que fut mise sur pied la fameuse Task Force 121 qui, avec des Peshmergas de l’UPK du président Irakien Jalal Talabani, procéda à l’arrestation de l’ancien président Irakien Saddam Hussein. La coopération Israélo-américaine se développa en outre sur le terrain extrajudiciaire avec la liquidation de 310 scientifiques Irakiens entre avril 2003 et octobre 2004. Des hommes d’affaires Israéliens interviennent en outre comme sous-traitants de sociétés Jordaniennes ou Turques sur le marché Irakien. En 2008, le site Internet Roads to Iraq décomptait 210 entreprises Israéliennes intervenant masquées sur le marché Irakien, véritable aubaine pour les agents recruteurs du Mossad. Le Roi Hussein de Jordanie passe pour avoir été un «indic» de la CIA et la dynastie Marocaine bride mal son tropisme Israélien exacerbé, comme en témoignent le concours du Mossad à l’élimination du chef de l’opposition marocaine Mehdi Ben Barka et le déploiement de l’Institut Amadeus, sous traitant officieux de la diplomatie marocaine. Sans compter l’Arabie saoudite, principal bénéficiaire des coups de butoir d’Israël contre le noyau dur du Monde arabe.
Une parodie de justice.
Un vaudeville tragique, ni le cinéaste américain Mel Brooks, ni Eddy Murphy, ni aucun autre facétieux d’Hollywood n’aurait imaginé pareil vaudeville tragique. En cinq ans de fonctionnement, le tribunal aura accumulé les faux pas, comme en un comique de répétition, privilégiant, sans craindre la subornation de témoins, une enquête à charge, exclusivement à charge contre la Syrie d’abord, ses alliés au Liban ensuite, incarcérant arbitrairement quatre officiers supérieurs Libanais, qu’il sera contraint de relâcher, quatre ans plus tard, faute de preuve. Une désinvolture qui a entraîné une cascade de démission, cinq en deux ans, deux procureurs et deux greffiers en chef et une porte parole, faisant du Tribunal spécial sur le Liban, unique tribunal ad hoc en la matière, la risée universelle.
La suite portera sur «un magma absolu. Un capharnaüm. Décryptage».