Liban, Loubnan en arabe qui vient de l’araméen et qui signifie blanc. Lumineux pays, fort de ses héritages issus d’une multitude de civilisations allant de la Phénicie à l’époque actuelle tout en passant par Babylone, Rome, les Omeyyades, les Abassides, les ottomans, le mandat français …Un pays à l’histoire mouvementée, tourmentée avec des tragédies récurrentes dont celle, emblématique, du 19ième siècle, marquée par une guerre civile particulièrement meurtrière entre druzes et maronites, résultant de leur rivalité et de celle des empires britannique et français. Guerre qui ressemble à celles qui se dérouleront en 1958 et 1975 déclenchée aussi par des problèmes internes sous les catalyseurs des ingérences à la fois régionales et internationales. Erigé toujours en pays modèle pour son pluralisme communautaire alors que sa quête inlassable de paix n’a toujours pas abouti car les racines du mal issues de son histoire, du colonialisme, sont bien profondes.

En effet, lorsqu’en 1840 les français débarquent pour résoudre ce conflit entre druzes et maronites, ces derniers se verront concéder une province autonome autour du mont liban qui perdra son autonomie quand éclatera la première guerre mondiale et se verra assiégée. Nombreux périront. Et, au terme des accords Sykes-Picot destinés à partager les dépouilles de l’empire ottoman, entre la France et la Grande Bretagne, Liban et Syrie seront sous mandat français. Les troupes françaises sous l’ordre du général Gouraud débarqueront au Liban après avoir écarté les armées du souverain hachémite, Faysal, à qui les britanniques avaient promis le trône de Damas, malgré les accords signés avec la France en 1916. Ainsi naquit le grand Liban sous l’autorité de Gouraud, composé du Mont Liban, de territoires du Nord, du Sud  de la plaine de la Békaa et de la séparationt entre Liban et Syrie. Depuis, certains ont comme une nostalgie de la grande Syrie…
La France, institutionnalise alors le système libanais, identique à celui qui était en cours sous les ottomans qui consiste à laisser  à chaque communauté  le soin de gérer, comme elle le souhaite, le statut de ses membres. Officiellement reconnu, le confessionalisme politique renforce la séparation entre les communautés, cause majeure des multiples drames que traversera le pays. Aussi, les français libres qui chassent les troupes vichystes du Liban élabore un pacte national non écrit sur lequel repose toujours l’organisation politique du Liban, sur un mode confessionnel : le président de la république issu de la communauté maronite, le premier ministre  sunnite et le président de l’assemblée nationale chiite. De si vulnérables fondations… L’inégalité se poursuit également dans la répartition des postes dans les fonctions publiques privilégiant les chrétiens au détriment des musulmans. Le pays des cèdres est érigé en modèle de pluralisme confessionnel…
Le début de la  seconde moitié du 20ième siècle se caractérise par une prospérité, une richesse qui ne profite pas à tous car à côté des grandes fortunes se développent des bidonvilles. Bidonvilles abritant essentiellement des chiites qui viennent de zones rurales, des palestiniens ayant fui leur pays en 1947, auxquels viendront se joindre d’autres réfugiés de la guerre des 6 jours. Le septembre noir en Jordanie de 1970 déversera également des vagues de paumés en exhibant encore plus la paupérisation de certaines banlieues par la multiplication des camps de fortune. La précarité de la communauté chiite, méprisée et surnommée de manière péjorative,"métwali"signifiant cousin de Ali, lequel, gendre du prophète, sera particulièrement exploitée par Téhéran, qui lui rendra fierté et dignité par le financement d’écoles, de logement, d’hôpitaux, d’institutions religieuses et ce, par le biais d’une organisation "mouvement des déshérités" dirigée par le charismatique, Moussa Sadr, lequel disparaîtra mystérieusement lors d’un voyage en Libye, en 1978. Capable de galvaniser, d’exalter des foules, l’Imam dotera son organisation d’un bras armé, la milice "Amal". Lui succèdera bien plus tard, Hassan Nasrallah.
Les clivages se creusent inexorablement entre les composantes de la population : certains regards se tournent vers l’occident protecteur, d’autres vers les pays arabes, partisans et adversaires du panarabisme. Quant aux opérations menées par les fédayyins, du Sud Liban contre Israël  et l’installation des structures de leur commandement à Beyrouth même, elles représentent à elles seules une gigantesque source de dissension. Aussi, les milices assassines se sont mises à fleurir. Et le pays des cèdres a sombré dans la corruption, la détresse, le chaos. Hagards, ils ont oublié qu’ils étaient frères, sont devenus sanguinaires et se sont mis à s’entretuer de façon éhontée en semant la terreur partout, en tachant de sang le Liban. Beaucoup d’enfants sont morts, beaucoup de jeunes et de moins jeunes aussi. Ils sont partis avec un gros sanglot au travers de la gorge, tellement la douleur était immonde, tellement ils avaient tremblé, tapis comme des rats dans de misérables abris de fortune, à force de bombardements.Tous ces deuils, toutes ces douleurs, tous ces dos qui se sont voutés parce que les libanais se sont égarés en transformant leur pays en véritable champ de bataille entre toutes les forces hégémoniques et opposées dans la région : Israël et Palestine, Arabie Saoudite et Egypte, Syrie et Irak, les ambitions régionales de l’Iran etc. Et la guerre qui n’en finit pas, sournoisement, de faire des ravages avec des excroissances assorties d’invasions israéliennes…
Défiguré par les souffrances endurées, les multiples agressions subies le pays des cèdres a peur, en silence, de rechuter et retient son souffle. Heureusement, il y a le soleil qui brille d’une lumière étincelante, le chant arabe mélodieux qui résonne, la chaleur, les rires, les pleurs, les klaxons, l’appel à la prière du muezzin, les cloches de l’église, et la mer et les vagues : c’est le Liban à en pleurer, tellement il est somptueux. Oui, il a été blessé, brisé, maintes et maintes fois, oui, il a croulé sous le poids des morts, sous le poids des mutilés, des suppliciés mais, si épris de vie, de liberté, il n’a jamais renoncé à rester debout. Puisse-t-il un jour s’affranchir de l’influence de tous ces pays qui n’ont fait que le mener éperdument à sa perte.