Le gui, nous le connaissons pour ses petites baies blanches et ses belles feuilles vertes, qui, dit-on, doivent nous porter bonheur si l’on s’embrasse dessous à la Saint-Sylvestre… Il compte aussi parmi les ingrédients indispensables à la fabrication de la potion magique du druide Panoramix, dans les aventures d’Astérix. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces deux idées, le gui porte-bonheur et substance magique, ont des fondements dans la réalité.

Même si, avec cette plante-là, on ne sait jamais trop à quel saint se vouer. On dirait qu’elle est à la fois une chose et son contraire : elle est toxique — l’ingestion de quelques baies peut vous mener au tombeau, après vous avoir fait connaître de terribles convulsions — et bénéfique, puisqu’elle serait efficace contre l’hypertension et les maladies cardiaques. Le gui, c’est connu, est une sorte de vampire pour les arbres qu’il colonise, mais s’il suce la sève de ses propriétaires, il leur en envoie aussi un peu. Du coup, il a été classé dans une catégorie « entre-deux », celle des semi-parasites… Autre bizarrerie encore, c’est une plante, mais qui ne pousse pas dans la terre… Ce sont les oiseaux, qui, après avoir avalé les graines, les dispersent au-dessus des arbres, par leur fiente… Enfin, contrairement à toute la végétation, c’est en hiver qu’il est le plus vif, le plus vert, et que ses baies arrivent à maturité…

Ce portrait ambivalent n’est d’ailleurs peut-être pas pour rien dans sa grande popularité. Car, pour les Gaulois et leurs prêtres, les druides, le gui était la plante la plus magique qui soit. Le chaudron de Gundestrup, vestige des Celtes, daté du IIème siècle av. J.-C., en atteste : sur ses facettes en argent, qui représentent des scènes de la mythologie celtique, on peut voir une divinité en train de couper un rameau de gui lors d’une cérémonie. On n’est vraiment pas loin de Panoramix et de sa potion magique… Mais pourquoi avoir élu cette plante parmi toutes les autres ? On en sait peu sur le sujet, puisque les druides pratiquaient la tradition orale, mais on peut imaginer quelques-unes des raisons qui ont fait son succès.

Tout d’abord, il se développe sur plusieurs arbres, comme les pommiers, les peupliers, les tilleuls, mais aussi, plus rarement, sur les chênes. Or, le chêne était un arbre sacré pour les druides. Il symbolisait la force, la longévité. Le gui, que les druides vénéraient, était exclusivement celui issu du chêne. Ce « fruit » très particulier de leur arbre sacré ne pouvait donc qu’être sacré lui aussi. Autre raison de sa force symbolique, c’est que lors de sa récolte, en hiver, quand les baies sont visibles, presque tous les arbres de la forêt sont dénudés. Trouver de belles branches de gui aux feuilles vertes au cœur des bois tristes semblait être un cadeau des dieux, d’autant que ces feuilles paraissaient vraiment tombées du ciel…
 
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