Que ce soit 10 Dix ou Dix 10 ou 10/10, peu importe en fait à Roma Napoli ou à J.-J. Dow Jones, et aux autres artistes ou complices de Dix sur dix. Toujours est-il que Madame Napoli et Mister Dow sont à la galerie Area, rue de Hauteville à Paris, avec l'espoir de vendre un peu moins de cent Bons du Trésor, leur livre vendu avec pour 300 euros d'art dedans, au prix habituel pratiqué par le groupe, soit 300 euros.

J'aime bien la galerie Area, que j'ai découverte récemment au deuxième étage d'un immeuble du fond de la cour du 50, rue de Hauteville à Paris. C'est vaste, il y a un bar, on y fait généralement des rencontres. Ainsi de cette inconnue qui ne l'est plus puisqu'elle a posé pour la photo mais qui le reste car nous n'avons échangé ni patronymes ni coordonnées. Je l'avais rencontré lors d'une exposition que m'avait signalé Marie-Jo Bonnet. Elle est spécialiste des femmes artistes. Là, Roma Napoli me mentionne une autre exposition collective, du 7 au 19 juillet, au Cabinet d'amateur , rue de la Forge royale à Paris, et elle s'intitule « Expo les filles… féminin pluriel ». Il faudrait que je vous en reparle, mais revenons à nos bons du Trésor public.

Tout d'abord, qui c'est, Dix 10 ? « On fixait du parquet et on faisait des frises, se remémore J.-J. Dow Jones, alors les frises, cela rappelle la petite école, les coloriages, et on s'est mis une note de dix sur dix. » N'empêche que leur signature évoque un dix de dix, soit le dixième exemplaire d'un tirage limité à dix. Et la graphie officielle, c'est Dix 10. Point. Net (clair mais aussi « net » pour network, après le point).

On sait ce qui a fait la réputation du collectif devenu binome, duo, ce qu'on voudra. Vendre des esquimaux vanille ou chocolat peints au prix du Miko vendu dans la salle de cinéma, soit, à l'époque un franc et non pas déjà un euro, voire deux ou trois, soit six, douze, vingt-quatre fois plus cher. Mais un esquimau peint de 1982, comme me l'explique Roma Napoli, est devenu depuis un collector vintage (donc une œuvre muséale ou de collection privée). Donc, poursuit-elle, « là, ce baril de pétrole peint, nous le vendions le lendemain au cours du jour ; mais comme il n'en reste plus ou peu et que nous sommes passés à d'autres choses, le prix est celui du marché de l'art ou du galériste… ». Soit largement plus cher que le plus haut cours du baril de brut enregistré ces dernières années. Capisco ?

L'autre chose du moment, c'est le livre dont la diffusion est prévue en 2010 et qui est pour l'instant en souscription au prix de 300 euros. Ensuite, il va sans doute valoir aussi 300 euros, avant d'être retiré de la vente. « On espère en vendre au moins une soixantaine en souscription, et tirer à moins de cent, » souhaite Roma Napoli, qui garantit que ce sera de fait le prix du contenu sur l'actuel marché de l'art (en fonction de diverses choses qui seront jointes à l'ouvrage). Ensuite, libre à vous d'ignorer ou de spéculer. Dans un article paru le 22 décembre 2007 sous la signature de Rosa Moussaoui dans L'Humanité, titré « Dix10 dynamite les lois du marché » et chapeauté « Les interventions artistiques des plasticiens Roma Napoli et JJ Dow Jones résonnent comme autant d'opérations de détournement de l'air du temps », il était déjà question de démesure. C'était surtitré, « On en reparlera en 2009 ». Nous y sommes. Le grand emprunt d'État à venir, dit emprunt Sarközy, ce sera pour 2010. Le livre Bons du Trésor, aussi, mais la souscription a débuté dès à présent. M'est avis qu'en 2011, ce livre rapportera davantage que l'emprunt Sarközy.

La Joconde Dix 10, qualifiée d'œuvre inestimable, est mise à prix à 175 millions d'euros. « Pour que les plus riches qui soient ne puissent pas se la payer, » rêvent les artistes. C'est pourtant des cacahouètes, à peu près ce qu'un Alain Minc fait transiter à l'heure vers les caisses de compensation genre Clearstream Banking, qui – comme nous l'apprend l'ex-journaliste Denis Robert devenu artiste – expédient environ 24 fois ce montant dans une journée vers les divers paradis fiscaux. C'est dire si cette Joconde Dix 10 est finalement peu chère, et qu'un Madoff aurait largement pu se la payer. Et la déposer dans un coffre chez Lehmann Bros.

Tout est relatif. M'est avis en tout cas que ces Bons du Trésor (public) sont dès à présent une très bonne affaire. Et c'est rudement bien vu en fonction de l'actualité. Chapeau les artistes !

Et maintenant, je vais passer dans la salle de C4N pour tendre mon chapeau, car je voudrais bien me l'offrir, ce Bons du Trésor. À votre bon cœur, m'sieux-dames, ce n'est pas pour rester propre, c'est pour spéculer comme les banquiers et les financiers et les bancassureurs si propres sur eux… Ensuite, je pourrais m'acheter l'une des œuvres qui accrochées derrière la dame de la photo ou l'une de celles de l'expo Spanking Hippies, chez MarassaTrois, et là, je file, car le vernissage de Spanking Hippies vient de commencer et que j'y serais copieusement en retard… Vu les circonstances, envoyez plutôt des chèques, ou, mieux, effectuez des virements vers mon compte ! 

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