Le G2, nouvel ordre mondial ?

Difficile d'échapper aux grandes messes internationales qui du G20 à l'Otan donnent du travail à Gala et Paris Match pour un bon mois. La politique-spectacle à l'échelon mondial c'est forcément d'une autre dimension même si le contenu des conférences de presse n'engendrent pas l'enthousiasme démesuré.

Pourtant Gordon Brown annonce l'avènement d'un "nouvel ordre mondial", rien que ça. Nicolas Sarkozy renchérissant par un tonitruant "au-delà de ce que nous pouvions imaginer".
J'ai beau disséquer les annonces, je peine à matérialiser ce changement :
des sommes colossales, 5000 milliards ! vont être injectées mais on ne sait d'où cet argent proviendra ni dans quelles circonstances il sera mis à disposition. Pire il sera géré par le FMI et la Banque Mondiale, deux organismes qui ont pour le moins peu prouvé leur efficacité ces dernières décennies…
De "nouvelles règles" sur les salaires et les bonus des dirigeants au niveau mondial seront établies, ce qui est sûrement trés bien mais néglige le fait que ces excés n'étaient que les conséquences d'un système bancaire malade, pas la cause.
Une liste des paradis fiscaux, eux-aussi devenus subitement indésirables, est bruyamment diffusée avec de notables distingo : il y a une liste noire des gros méchants. Surprise, on découvre des pays insoupçonnés, Malaisie, Costa Rica et les Philippines… Pour l'Uruguay c'était une fausse sanction qui ne durera, la grâce des négociations, qu'une journée. Puis il y a une liste grise où nos voisins ne sont pas épargnés sans que l'on sache bien, vu l'importance des capitaux ou des frontaliers qui transitent… le risque encouru. Et puis il manque quelques poids lourds comme… la city de Londres, les îles anglo-normandes, Taiwan ou Macao… l'illustration que ce nouvel ordre mondial fait la part belle aux pays anglo-saxons et à la Chine sans offusquer la vieille Europe. Il faudra m'expliquer ce que cela a de nouveau. Ah oui, deux pays africains font de la figuration tandis que leurs homologues forment le Jaifaim, eux trônent au G20, question de style…
Il y a bien sûr un progrès à cet élargissement de 7 à 20 même si on peut se demander si cette extension ne résulte pas du politiquement correct, de l'affichage de convenances ou, pire, d'une situation économique telle que l'heure au rassemblement d'urgence s'impose.
A ce concert d'auto-satisfaction, les bourses ont, sur le coup, apporté leur soutien en repartant à la hausse. Mais est-ce un signe encourageant que le système accusé d'avoir fomenté la crise soit rassénéré par les mesures des puissants de ce monde ? L'économie réelle continue, elle, sa chute vertigineuse en témoigne le chiffre hallucinant des pertes d'emplois aux Etats-Unis en mars : – 663 000 emplois ! Barack Obama, guest star des évènements a occupé le terrain de sa décontraction et de son souci du dialogue. Doit on y voir l'avènement d'un nouveau modèle américain moins imposant, arrogant et donneur de leçon ? ce serait la moindre des choses puisque des USA est venue la crise. Et puis faire un nouvel ordre mondial en omettant de toucher au sacro-saint dollar cela mérite bien quelques concessions, non ?
Mais finalement le plus inquiétant de toutes ces gesticulations n'est-il pas l'extrême discrétion de la Chine ? La plus grande réserve de devises étrangères du monde (1000 milliards de dollars), le premier créancier des Etats-Unis s'est montré bien réservé laissant les sunlights et caméras à d'autres et se contentant d'influer en sous main. De plus en plus présente au sein d'un FMI renforcé, doté d'une arme de guerre économique le China Investment Corporation, elle ne devrait pas manquer de le mettre en oeuvre, seule ou avec les Usa, ce nouvel ordre mondial. Ces deux pays sont désormais tellement financièrement liés que c'est plus sûrement ce G2 qui va gouverner la planète !