Le Front national, l’éducation et l’Europe…

Rien ne vaut une bonne petite polémique avec l’électorat de base de Marine Le Pen pour susciter des commentaires. Inutile d’aller piocher dans le programme du FN. C’est sur ses thèmes de prédilection qu’il faut, non débattre (finalement, à quoi bon ? il faut être deux pour danser le tango…), mais agiter le chiffon. Allons-y avec l’Europe et l’éducation. National frontalement.

Éducation d’abord avec cette belle remarque de l’autre porte-parole du Front qu’est Claude Guéant. Lequel affirmait sans rire que « les deux-tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés… ».

Bon sang, mais c’est bien sûr. Cela tombe sous le sens. D’ailleurs, dans les écoles et  collèges fréquentés par les enfants et petits-enfants, et arrière-petits-enfants de Jean-Marie Le Pen, où peuvent ou pouvaient se côtoyer fils de diplomates, parfois filles d’hommes d’affaires, et enfants d’immigrés, cela devait sauter aux yeux. Les places près du radiateur et des fenêtres leur étaient réservées, à ces enfants d’étrangers ?

Je ne sais si Libération s’est fendu d’une rubrique « désyntox » sur le sujet.
Sur Mediapart, Marie-Anne Kraft (serait-ce un patronyme alsacien-lorrain ? sinon, forcément suspect : allez, allez, lâchez-vous, commentez…) l’a fait.

« J’ai bien relu le rapport de l’Insee et n’ai pas trouvé ce prétendu ratio deux fois plus élevé chez les enfants d’immigrés sans qualification comparé aux enfants de non immigrés sans qualification. Le rapport fait état dans le tableau de ce document source p.12 d’un taux d’enfants sortis de formation initiale (sans qualification) de 12% parmi les enfants d’immigrés et de 9% parmi les enfants de non immigrés. Le rapport entre les deux n’est donc même pas de 1 à 2.

Il est mentionné dans le rapport de l’Insee que “ Les enfants d’immigrés sont souvent en difficulté scolaire, mais pas plus que les autres enfants ayant les mêmes caractéristiques sociales”. ».

L’article n’étant pas en accès libre, je cesse de pomper. Ne serait-ce aussi que vous épargner les diverses formules de ratios du type : EISQ/EI = 2 × ENISQ/ (12,5135xEI) donc EISQ = 2 × ENISQ/12,5135 = 0,16 ENISQ (où l’ensemble I représente le nombre des enfants d’immigrés et l’ensemble NI celui des enfants de non immigrés).

Conclusion de Marie-Anne Kraft : François Bayrou a parfaitement raison et « c’est l’origine sociale, le niveau de pauvreté, qui détermine une influence sur l’échec scolaire et non l’origine “ immigration ”. »

Bref, vous regroupez les enfants cancres des électeurs du FN avec ceux, tout aussi cancres, des électrices du PC, et d’autres électorats, vous aurez une classe de cancres, ce d’autant plus que leurs parents auront d’autre chats à fouetter (les loyers impayés, les trajets domicile-travail, la prise en charge de la mémé grabataire, bref, tous les petits soucis vécus au quotidien par la famille Le Pen). Bayrou, ancien ministre de l’Éducation, le savait autant que ses prédécesseurs ou même que ses successeurs, dont Luc Ferry. Statistiquement, même les filles de vos voisins commerçants d’origines asiatiques ont moins de chances, sauf exception rarissime, de faire les mêmes études que les enfants Kadhafi (bénéficiant ou non de tuteurs jusqu’au doctorat).

L’Europe ensuite. Là, je vais faire plaisir à l’électorat FN. Le Bureau of Investigative Journalism (un pool de journalistes britanniques et autres indépendants) a établi, en épluchant les comptes de « Bruxelles », que les hauts-fonctionnaires de la Commission européenne avaient dépensé 7,5 millions d’euros en quatre ans pour voyager à bord de jets privés. Ah, non, ce ne sont pas les hauts-fonctionnaires, mais les seule-s commissaires. La baronnette Ashton voulait économiser sur ce poste. Aussi avait-elle demandé qu’un jet lui soit personnellement alloué. Elle perçoit 230 000 euros annuels. Sans trop de taxes et impôts, extraterritorialité et non noblesse oblige.

Les séjours lointains (Vietnam, Papouasie Nouvelle-Guinée…) sont particulièrement affectionnés (tout comme par les conseillers généraux du FN et d’autres formations) mais les frais de séjour sont gratinés. Un simple cocktail, pour lequel on loue un orchestre, dont on dote les invités de bijoux, stylos de luxe, de boutons de manchettes, &c., peut représenter un montant de 75 000 euros. On comprend donc pourquoi la Commission veut voir son budget croître de près de cinq pour cent (4,9).

Selon le député britannique Bill Cash, la Commission se comporte telle « une monarchie médiévale ». C’est le camp du Drap d’Or tous les jours ou presque (ok, c’était plutôt la Renaissance, mais vous voyez l’idée ; car pour les cocktails, à Bruxelles, chaque soir, vous avez le choix).

Remarquez que Jose Manuel Barroso est beaucoup plus dispendieux qu’un Strauss-Kahn logé dans une suite du Sofitel de New York. Barroso, certes accompagné d’aides, a claqué 7 000 euros par nuitée au Peninsula Hotel (NYC) en septembre 2009. Quatre nuitées qui n’auraient dû coûter que beaucoup moins si le tarif plafond des simples fonctionnaires (275 euros la nuit pour NYC et autres métropoles) avait été respecté.

Ce n’est pas au Formule 1 d’une cité européenne qu’on tient colloque sur la coopération intercommunautaire (dans l’Union européenne, donc), mais au Palm Garden Resort, au Vietnam. 44 distingués membres de la Commission étaient de la partie et des partys. Avec ou sans grooms comme ceux auxquels fait allusion Luc Ferry ? C’est une autre histoire.

Quand Jean-Marie Le Pen fréquentait Saddam Hussein, il avait, lui, la décence de se faire inviter tous frais payés. Non seulement les commissaires européens choisissent des destinations paradisiaques pour se concerter, mais en plus, ils le font à nos frais !

On le présume, Marine Le Pen va nous changer tout cela et faire nommer des commissaires issus des classes défavorisées afin que leur progéniture puisse fréquenter les meilleures écoles internationales et les universités de Belgique. Ou me tromperais-je ?

Eh oui, niveau d’éducation, performances scolaires, et revenus des parents sont souvent (pas toujours) liés. Les écoles internationales obtiennent d’excellents résultats (diplômes, concours…).

Tout n’est pas mauvais, loin de là, dans le programme du FN sur l’Europe, y compris l’idée d’un référendum sur le thème : « La France doit-elle reprendre son indépendance vis-à-vis de l’Europe de Bruxelles ? ». Manque une épithète : totale, à « indépendance ». Faudrait quand même ne pas espérer le beurre et l’argent du beurre (la nomination de commissaires européens proches du FN). Au fait, on fera quoi des petits et grands fonctionnaires français de l’U.E. auxquels il ne sera plus question d’accorder une double nationalité (voir la dernière idée de Marine Le Pen) ? L’enfer est parfois dans les détails.

Pour l’Éducation, le site du FN (accédé ce jour) promet que cette partie du programme « sera accessible prochainement ». Ce n’est sans doute pas pour permettre à Guéant de prendre les devants, admettons-le bien volontiers. Juste un retard à l’allumage sur la question de la carte scolaire, peut-être…

On attendra donc de savoir ce que le FN pense des programmes Erasmus, Socrates, Averroès, &c., programmes éducatifs d’échanges de la dispendieuse Europe.

C’est très bien d’avoir de bonnes idées dans chaque domaine. Mais pour que cela fasse un programme, cela ne suffit pas : les idées doivent être cohérentes et s’harmoniser en tout domaine pour éviter les effets pervers.

Autant celles et ceux qui n’ont pas l’intention de voter pour l’UMPS (soit ni pour l’UMP, ni pour le PS) seront sans doute d’accord pour refonder l’école (et l’université autrement que le fait l’UMP, voire pour supprimer nombre d’écoles de commerce qui ne parviennent plus à placer leurs élèves), autant elles et ils conviendront que certains abus européens doivent être corrigés, autant ces électrices et électeurs s’attendent à ce que les conséquences de telle ou telle mesure soient explicitement exposées.

Faute de quoi, Marine Le Pen risque de se retrouver élue avec une minable proportion des suffrages exprimés contrastant avec un raz de marée d’abstentions et de votes blancs. Cela préludant peut-être d’une fort étrange cohabitation à l’issue des législatives.

Il est certes facile de lancer en l’air des idées simples (valides ou, comme pour Guéant, fallacieuses). Mais elles peuvent retomber au coin de la figure ou vous revenir dans les gencives.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Le Front national, l’éducation et l’Europe… »

  1. Faut pas croire que je suis un anti-frontiste inconditionnel. Et puis, il y a des questions qui transcendent les clivages.
    Tenez, si Marine Le Pen s’engageait à supprimer toute subvention, directe ou indirecte, tout revenu publicitaire (répercuté sur les prix de ma, de votre consommation), au sport professionnel j’oublierai tout le reste et je voterai pour elle…
    Là, je pense plutôt voter blanc.

  2. Marine Le Pen en France et au Parlement Européen…ce n’est pas tout à fait la même chose !

    Le 6 avril dernier était soumise au vote une Résolution portant sur le Budget 2012 de ce Parlement.

    Madame Le Pen s’est abstenue.

    Cette Résolution comportait un chapitre relatif à la “Maison de l’histoire européenne”.

    Un lieu entretenant la mémoire de l’histoire européenne et de l’unification européenne tout en permettant aux citoyens actuels et à venir de l’Union européenne de continuer à modeler l’identité européenne.

    Ainsi Mme Le Pen, championne en France de l’identité nationale, refuse de se prononcer au Parlement Européen , a propos de la possible émergence d’une citoyenneté européenne « au détriment » des identités nationales des Peuples de l’Union…..

    Les parlementaires européens ont décidé le 6 avril 2011 de rejeter les amendements qui abolissaient quelques uns de leurs privilèges. Ainsi ils pourront continuer à réserver leurs places en classe affaires pour les vols de moins de 4 heures à travers l’Europe, ils n’auront pas à craindre une révision de leur salaire ni de leurs diverses indemnités parlementaires en 2012, ni le gel de leurs allocations de dépenses générales. Par contre en plus de la « Maison de l’histoire européenne », ils ont voté en faveur d’un amendement qui consiste à passer d’une politique de tolérance zéro contre la fraude à une stratégie de « risque tolérable »…

    Là encore, Mme Le Pen s’est abstenue.

    Mme Le Pen n’est donc pas contre les privilèges d’une certaines élite et/ou oligarchie ( aux quelles elle appartient) alors qu’elle les dénonce férocement dans tous ses discours hexagonaux.

    Et c’est cette dame là que d’aucuns rêvent de voir présente au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012 ??????

    jf.
    http://www.lamauragne.blog.lemonde.fr

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