Polka Magazine sort un numéro avec un dossier photographique et éditorial portant sur d’ignomineuses « preuves de l’amitié qui lient le FN et les groupes ultras ». Bof. Pourquoi pas un dossier des preuves qui lient le FN avec l’UMP ou le PS, courant Cahuzac ? Ce ne serait guère plus éclairant, finalement. En fait, machine à conquérir des postes, tout comme peuvent l’être d’autres formations, le Front national a sans doute conservé des accointances avec divers groupuscules. Eh, les mentalités évoluent… Et il faut bien recruter des cadres quelque part.

Je me souviens d’un fort bon repas, dans l’un des meilleurs restaurants rémois, à l’invitation d’un candidat parachuté du FN sur l’un des cantons de la périphérie de la ville. Un peu plus âgé que moi, c’était un ancien du GUD. Fort aimable. Vers le dessert, entre l’ex-anarcho-éthylique nantais à peu près rétribué à son gré que j’étais et le prospère commissaire-priseur qu’était l’ancien « faf », ce n’était pas l’entente cordiale, mais l’heure de l’évocation des souvenirs. Il aurait peut-être suffi d’un digestif pour que nous nous tapions mutuellement sur les cuisses : quelle farce !
De retour à la rédaction, je l’ai présenté tel que je l’aurais fait pour n’importe quel autre candidat, pas trop férocement (quand même un peu : je n’épargnais guère davantage les autres ; le seul ayant échappé à mon ironie reste Alain Krivine, de ce fameux courant trotskard qui agonisait tout « gaucho » dissident en ma jeune époque, car il m’avait semblé être resté humble et sincère, rarissime attitude).

Ce qui m’avait frappé, dans la fameuse photo réunissant Marion Maréchal-Le Pen, Julien Rochedy, Baptiste Coquelle, Édouard Klein, lors du gala du quarantenaire du FN, c’était la mise fort bourgeoise de tous ces gens bien nourris, pomponnés. Tout cela fera de futurs notables, de futurs possédants, marchant du même pas, comme le chantait Maurice Chevalier à la veille de la « drôle de guerre », pensant que la République est le plus juteux régime ici-bas. À mille lieues des électrices et électeurs d’Hénin-Beaumont.

Voici donc que ce bon Alain Genestar, passé de la presse régionale insipide à l’excellent Polka Magazine, après un détour par Match (crois-je me souvenir), nous sort un édito musclé. Alain Genestar évoque la photo du « Petit Mathieu » dont l’environnement est à des années-lumières de celui de Marion Le Pen. Oi ! Oi ! Il s’agit d’un jeune homme de 17 ans alors, tout fier de poser dans sa chambrette minable, aux murs constellés d’affiches national-zozociales. Lequel a obtenu de la justice, par la suite, que ce cliché de Yan Morvan soit retiré de la circulation.
Petit (mauvais) joueur, va ! Morvan aurait-il saisi la justice pour que disparaisse des mémoires son postérieur exposé à l’invitation résignée de Jacques Prévert ? Ne cherchez pas, l’assistance sidérée n’était pas déjà dotée de téléphones portables.
Mais je peux concevoir : si Facebook avait existé, circa 1970, je serais peut-être fort embarrassé…

Or donc, de tous ces mouvements d’ultra-droite, combien d’anciens ministres sont-ils issus ? De présidents de conseils généraux, de dirigeantes de lucratives sociétés, de maires, d’élu·e·s de nombreuses formations politiques (plutôt labellisées droite, Cahuzac faisant exception) ?

Bref, Polka risque un procès (si ce n’est, en référé, un retrait des kiosques), car ces photos d’Émilien Urbano ont été prises sans faire signer une autorisation de la part des intéressés.

Marine Turchi « analyse » (je n’ai pas lu). Jeunesses nationalistes révolutionnaires, Troisième Voie, Œuvre française, Jeunesses nationalistes, GUD, Renouveau Français, Identitaires, sont toujours dans les coulisses du Front national. Sans doute. À des degrés divers et surtout destinées diverses pour les dirigeantes et dirigeants qui rejoindront la soupe frontiste. Quant aux autres, elles et ils finiront par remâcher leur désarroi, ou défrayeront la chronique, ou rentreront « dans le rang ».

C’est d’ailleurs ce qui attend les électrices et électeurs de la plupart des partis : la survie ou l’ordinaire, acceptable, médiocre, intolérable, ou, en de rares cas, satisfaisant, fécond. Nantis ou impécunieux, contraints de ne plus fumer ou de surveiller leur consommation, absorbant des gouttes ou des cachets, au mieux. En couples hétéros, lesbiens, gays, ou désespérément solitaires parfois.

Je suis certes content pour Émilien Urbano : la photo sociétale fait de plus en plus chichement vivre.

Content pour Marine Turchi, fort bonne pigiste, qui suit les affaires Tabarot sur Mediapart. Dur métier. Son dernier, sur le forum Forbes Afrique auquel participait Copé au Congo, est fort bien mené. Il faudra l’expédier au prochain NYFA, d’Attias. Peut-être y rencontrera-t-elle d’ex-ultra-droitistes reconvertis dans les affaires et conseillant les Chinois en Afrique. Prônant aussi l’immigration, force d’essor économique européen, allez savoir. On ne sait si, à Brazaville, Rachida Dati a fait une petite sœur ou un petit frère à sa fille. Dommage, c’est beaucoup mieux rétribué…

J’aurais davantage d’estime (tout relatif) à l’endroit de Marine Le Pen lorsqu’elle conviera des écornifleuses et pique-assiettes d’Hénin-Beaumont à ses divers raouts mondains. Quant les propriétés de la famille seront squattées par des enfants roubaisiens. Pas que pour une furtive photo, mais durablement. Quand je verrais le FN dénoncer les menées anti-blancs des policiers, ou s’apitoyer sur la victime originaire des Comores de Marseille, mon appréciation changera (peut-être).

Mais la fiction de l’osmose entre le FN et toute l’ultra-droite me semble démentie par les faits. Oh, certes, je n’exclus pas que le recours à des « chemises brunes » (à éliminer ensuite si elles se montraient trop « sociales ») soit à jamais exclu : tout dépendra des circonstances, des opportunités, du vent des occasions. Mais la préoccupation du FN est de trouver des candidates et candidats « propres sur eux », à peu près susceptibles d’être conformes aux objectifs de la chasse aux places.

On constate d’ailleurs, avec le nouveau positionnement du FN, de très sérieux dérapages. Ainsi, sur FN Infos, un soutien ambigu aux Pussy Riots. On s’en prend, sous la plume de Gabrielle Cluzel, au patriarche Kirll, « brocardé pour ses goûts dispendieux » et son « sens des affaires ». Pas davantage que ceux de Jean-Marie Le Pen. Attention aux rapprochements douteux.

Le FN veut le beurre et l’argent du beurre. En fonction de la carte électorale, d’analyses de résultats, il prendra le vent. C’est bien davantage cette attitude, qui ne lui est certes pas propre, qu’il convient de dénoncer en raison de son hypocrisie. Quant à ses liens avec de jeunes bourgeois qui se prennent le chou (ou font semblant) ou se montent, jusqu’à revirement conforme, le bourrichon, oh, bof…