Les média vivent dans l’instant. Avec la prétention de philosopher en généralisant à partir d’observations contingentes. Faisant de l’action des suffragettes, puis du MLF, des évolutions majeures dans l’histoire des civilisations.
Or si la majeure partie de l’humanité vit sous des régimes machistes plus ou moins avoués, plus ou moins déguisés… Et si l’égalité juridique des sexes, pas encore économique ni politique, est un fait sociétal initié par quelques états de culture occidentale… La paléoanthropologie nous enseigne que, jusqu’au néolithique, les squelettes masculins et féminins portent les mêmes marques d’usure dues aux efforts,  et des traces de blessures identiques, accidentelles ou non.
En d’autres termes, à la chasse, à la pêche, à la guerre, les femmes ont des comportements que d’aucuns définiraient aujourd’hui comme "unisex". Et surtout, elles ont le pouvoir !

Les reines magiques et leurs sigisbées
Les statuettes paléolithiques retrouvées, les fameuses vénus callipyges (façon élégante de désigner ces matrones obèse) sont conformes aux gravures pariétales plus anciennes évoquant des déesses mères. L’exception tardive de la dame de Brassempouy, une gracieuse sylphide eurasienne sculptée dans de l’ivoire de mammouth il y a 27.000 ans, traduit la persistance de ce culte en même temps qu’évoluent les canons esthétiques. Jusqu’aux proto Indo-Européens, dont Marija Gimbutas nous brosse le portrait de sociétés matristiques, ce terme englobant aussi bien la matrilinéarité que le matriarcat ou la gynécratie. Pour preuve ces squelettes Kourganes en majorité féminins, enterrés avec leurs artéfacts chamaniques ou guerriers, symboles de leur rôle social.

Dans cet univers mental où l’homme est un animal comme un autre, la femme est d’essence
quasi-divine parce qu’elle seule  possède le secret de la vie. Le culte phallique apparaîtra dans l’histoire de l’humanité plus tard et de façon beaucoup plus rare et rudimentaire.

Dans ces cultures anciennes comme dans des sociétés archaïques contemporaines, telles des sociétés Papoues ou Amérindienness encore isolées au siècle dernier, on n’établit généralement  pas de relation  causale entre le rapport sexuel et la procréation.
La durée de la gestation, la pluralité de partenaires, la mort du géniteur avant les premiers indices de grossesse et les fausses couches liées à un mode de vie très rude, autant d’obstacles pérennisant le concept magique de naissance divine. Où l’on ne se soucie guère des pères puisque la fécondation est un don des dieux, ou plus précisément de la déesse tutélaire.

Dans la majorité des cas, les enfants sont élevés en commun, ils sont ceux du village ou de la tribu, et en cas de mort de la mère biologique n’importe quelle femme peut la remplacer. Quant à la vie privée, cela peut aller de la ségrégation, maisons des hommes et maisons des  femmes, avec accouplements sylvestres sans exclusive ni limites sinon celles qu’on se fixe, ou selon des tabous d’inceste ou d’endogamie. Cas d’une partie de la Mélanésie… Jusqu’à la liberté de choix de vies en commun avec multiplication des relations en toute liberté au masculin comme au féminin, en Micronésie et en Polynésie, jusqu’à ce que des missionnaires puritains s’y opposent  en apportant dans leurs bagages leur dieu contempteur. C’était aussi le cas des royaumes du Nord de l’Inde, en particulier le Rajahstan de Chandilla (aujourd’hui Madhya Pradesh) avant que des muftis n’y importent leur morale sectaire et leur dieu imprécateur.

La civilisation liberticide
Il semblerait que les femmes voient leur statut régresser avec l’avènement de la civilisation qu’elles ont pourtant préparé . Les vestiges de Monte Verde où hommes et femmes vivaient séparés (+ ou – 30.000 ans) confortent les traditions orales des Aborigènes australiens : Le séchage des aliments pour les conserver, la poterie pour les transporter, le tressage des paniers préfigurant le tissage de vêtements, autant d’activités inventées par les femmes qui, sans le savoir signaient la fin de leurs
droits, en poussant les clans vers la stabilité et la suffisance alimentaire plus favorables aux enfants.
Car même s’il y a des exceptions, en règle générale, le patriarcat s’installe avec la masculinisation des travaux agricoles, les constructions de pierre, et la sédentarisation du néolithique. Les religions solaires ostracisent les femmes et leurs cycles lunaires.

Le nouvel agriculteur-éleveur acquiert le sens de la propriété, il perd celui du partage de la chasse et de la pêche pratiquées en commun, il veut protéger sa terre et ses bêtes des nomades, c’est le début de la course aux armements, et cette notion de propriété s’étend peu à peu à sa femme.
D’autant plus dévalorisée qu’on a enfin compris (probablement grâce à l’élevage et aux premières tentatives de sélection) le rôle joué par le mâle dans la procréation. Renversement de paradigme : L’homme fait l’enfant, la femme se contente de le porter, mais la paternité réclame des certitudes.
C’est le début d’un lent processus d’infériorisation qui, malgré divers  sursauts et rebuffades (des Amazones à Louise Michel, en passant par Hatchepsout, Lysistrate, Cléopatre et les gaillardes médiévales) conduira aux talibans qui ne font qu’appliquer sans le savoir (avec juste plus de cruauté) le code Napoléon pour qui la femme était une éternelle mineure, irresponsable, qu’on devait surveiller en permanence pour la protéger d’elle même !

Les interprétations idéocratiques
L’erreur majeure des féministes des sixties sera un pseudo-déterminisme liant les comportements machistes aux hormones, facteur d’agressivité et de domination. Raisonnement spécieux aussi incongru  que l’antique "tota mulier in utero". Même si on crédite les hommes violents d’un fort taux de testostérone, d’autres neuro-transmetteurs interviennent, comme la sérotonine qui calme et la dopamine qui pulse, conditionnées en grande partie par l’éducation et le contexte économique, ou
la noradrénaline, molécule versatile autant pour la fuite que pour le combat.

D’ailleurs, on connait des cas d’eunuques guerriers (Chine, Moyen Orient) et des sociétés matriarcales guerrières où le combat est autant l’affaire des hommes que des femmes (Papous du Mont Hagen) ainsi que des sociétés patriarcales pacifiques (Bushmen, Maoris ou Aborigènes) où les conflits se règlent par l’ordalie en interne et où les guerres s’arrêtent dès qu’un nombre limité de morts a été atteint. Bref, Eros et Thanatos sont également partagés.

On connait aussi des cultures matrilinéaires où l’homme ne possède rien d’autre que sa force physique reconnue comme valeur d’échange ou de substitution (vieux Tibet polyandrique, tribus du Sud de Java) et des cultures patrimoniales où les hommes possèdent une partie biens matériels mais sont exclus de la politique (reines Maories de Tahiti) ou des rites religieux : les chamanes sibériennes ou les reines féticheuses de Casamance.

Une société sans pères ni maris
Rêve de femme libérée ou cauchemar au masculin comme au féminin… Pour qui ne peut vivre sans son mobile, sa tablette et son wifi ?
Kaï Hua a vécu parmi les Nâ, une peuplade vivant jusqu’à la fin du XXème siècle dans des vallées isolées du Yunnan et a publié en 1997 un livre éponyme de mon acroche.
Cet anthropologue chinois nous décrit une société séculaire de matriarches, gouvernant leurs clans avec une sagesse acceptée par tous, ignorant les notions de mariage et de paternité, et pratiquant
une sexualité libre et décomplexée. Plaçant l’amour au sommet de leur système de valeurs, loin devant le travail. Avec pour corollaire une vie frugale inchangée depuis des millénaires.
Sans y mettre la moindre connotation péjorative, les Nâ pacifistes et hédonistes, avaient un mode de vie assez proche de celui des bonobos. L’âge d’or des préhominiens ?
Pendant des siècles, les Nâ ont pratiqué avec succès une résistance passive aux injonctions des bureaucrates impériaux, comme à celles des confucianistes, et plus tard des maoistes.

La société de consommation les a vaincus. L’acculturation liée au tourisme de masse, l’envie de posséder des transistors et des vélos, et la déportation volontaire dans les villes pour gagner de l’argent leur ont peu à peu imposé les nouveaux standards de "bons citoyens". Comme en Polynésie où, pour mettre au travail et envoyer à l’église les habitants de Uahiné qui "se complaisaient dans la luxure et la paresse" (sic) les autorités coloniales ont créé des besoins artificiels, bière, cigarettes, conserves, fast food et écrans plats in fine… Sournoises contraintes, plus efficaces que la violence pour obliger les gens à changer de vie.
Démonstration transposable dans nos sociétés post-patriarcales, où ce sont moins les hormones qui opposent hommes et femmes (plutôt complémentaires de ce côté là !) que le substrat culturel, la pression du milieu, et les contraintes marchandes.

L’analyse de Simone de Beauvoir survolant les croyances et l’économie, pour privilégier l’anatomie et la maternité comme causes principales de l’infériorité féminine de son temps, a certes contribué à faire prendre conscience d’un déséquilibre choquant.

Mais aujourd’hui, elle nous paraît bien obsolète.