Michael Adebolajo, 28 ans, qui a trucidé un soldat britannique en civil à Woolwich, mercredi dernier, est issu d’une famille chrétienne nigériane qui avait tenté de le soustraire à l’influence des islamistes de l’est de Londres. Selon la presse anglaise, son complice serait Michael Oluwatobi Adebowale, 22 ans. 

Né en Grande-Bretagne, citoyen britannique, Michael Olumide Adebolajo, l’homme à la feuille de boucher qui s’était acharné sur un soldat britannique en permission et en civil, mais identifiable grâce à l’inscription de son maillot invitant à soutenir les vétérans et à ses allées et venues depuis la caserne de Woolwich, a sans doute été baptisé chrétiennement, mais serait devenu, à l’adolescence, un islamiste radical.
Sa famille est sans doute originaire du sud du Nigéria, à prédominance chrétienne, contrairement au nord du pays islamisé, et il avait suivi une scolarité normale à Romford (Essex), au nord-est de Londres, après avoir résidé avec les siens à Lambeth, au sud de la capitale anglaise. Son père est un infirmier, Anthony Adebolajo, âgé de 56 ans.

C’est vers 15-16 qu’il se serait radicalisé en fréquentant des milieux islamistes, et sa famille, pour le soustraire à cette influence, a déménagé dans une petite localité du Lincolnshire, un comté côtier proche des Midlands, à Saxilby, près de Lincoln, loin de l’agglomération du Grand Londres.

À partir de 2003, il se faisait prénommer Mujaheed (mouyahid), comme les présumés voués au martyr ou les combattants de l’islam radical. Il avait repris des études à Romford, à l’Havering College. Il s’opposait véhémentement à ses parents qui lui reprochaient sa conversion et ses fréquentations. Il s’agissait en fait du groupe Al Muhajiroun, partisan de l’application stricte de la charia, qui avait été décrété interdit. L’an dernier, les services britanniques avaient détecté qu’il avait l’intention de rejoindre les combattants somaliens du groupe Al Shabaab.

L’identité de son acolyte n’a pas été dévoilée par la police, mais il semble que le MI5, les services secrets, aient surveillé aussi ses agissements. Il s’agit de Michael Adebowale, résident de Greenwich, selon la presse.

Le groupe Al Muhajiroun a pour initiateur et mentor Anjem Choudary qui a déclaré avoir perdu trace  d’Adebolajo vers 2011. Cet activiste a réitéré qu’il ne condamnait pas l’usage de la violence pour faire valoir les vues islamistes et imputé le passage à l’acte du meurtrier aux persécutions policières et aux limitations de la liberté d’expression des musulmans.
Un autre des prêcheurs ayant convaincu l’aîné des deux Michael, Omar Bakri Mohammed, à présent hôte du Hezbollah ou d’autres groupes à Beyrouth, a vanté leur courage et déclaré à l’Independent que « l’islam justifie ces actes » car des civils n’étaient pas visés. Omar Bakri Mohammed, un Syrien, avait été surnommé l’Ayatollah de Tottenham. En 2007, il était apparu qu’il avait convaincu des Pakistanais résidant en Angleterre de s’emparer d’un soldat anglais en vue de le décapiter… Ce très « saint homme » selon ses partisans, craignant d’être l’objet d’attaques de l’armée israélienne au Liban, avait de nouveau sollicité l’asile politique au Royaume-Uni.

Les deux meurtriers avaient invoqué en anglais « la volonté d’Allah » alors qu’ils mutilaient puis tuaient leur victime, avant d’inciter les passants pétrifiés ou réactifs à exiger que les troupes britanniques soient rapatriées de leurs théâtres d’opérations extérieures. 

Michael Adebolajo ne pouvait échapper à l’attention de la police et du MI5 puisqu’il s’était auparavant livré à des harangues publiques et diffusait de la littérature religieuse militante ou dénonçant les interventions britanniques en Irak et en Afghanistan.

L’opinion britannique est marquée par diverses affaires judiciaires de propagateurs du djihad qui ont pu librement s’exprimer en appelant à la violence ces dernières années. Tout comme en France, l’une des solutions envisagées est de permettre une plus grande visibilité d’un islam pacifique national, ce qui est bien sur controversé, et suscite des oppositions.

L’acte des deux hommes avait été précédé, en 2010, par celui d’une jeune femme djihadiste qui avait poignardé un parlementaire, Stephen Timms. Le magazine djihadiste Inspire avait aussitôt fait l’apologie de Roshanara Choudhry, condamnée depuis à la détention à vie. En 2008, Parviz Kahn avait proclamé qu’il s’attaquerait à un soldat britannique. Richard Reid, qui a raté de peu un attentat à bord d’un avion, en 2003, inspire toujours des émules.

Les convertis ne sont pas rares, et sont de toutes provenances, soit qu’il s’agisse de femmes de familles chrétiennes ayant épousé un musulman radical, soit de Dhiren Bharot, élevé dans une famille hindouiste. Cela touche tous les milieux sociaux, et même des étudiants de la prestigieuse LSE (London School of Economics). Roshanara Choudhry étudiait au King’s College de Londres.

Au sentiment d’appartenance prioritaire à l’oumma (la nébuleuse communauté des musulmans d’inspiration sunnite, chiite, malikite, &c.), s’adjoint celle d’un rattachement à un mythique califat à venir, régi par la charia. Cela fait songer au phénomène des hooligans se reconnaissant davantage de par leur rattachement à un club de supporters d’une équipe de football que selon d’autres critères, familiaux, sociaux.

Pour Praveen Swami, de Firstpost, la question évoque celle de l’Inde, où l’occupation britannique s’employait à diviser sur des critères religieux et de castes, qui poursuit une politique de multiculturalisme (dans un vaste pays hétérogène) encourageant les fanatismes dus à une culture de la différenciation.

Pour ses deux assaillants, le soldat, Lee « Riggers » Rigby, 25 ans, représentait « l’autre », l’ennemi par excellence. Il était tambour dans la fanfare du 2e bataillon du régiment royal des Fusiliers. Il avait servi à Chypre, en Afghanistan, dans l’Helmand, puis en Allemagne, et à son retour, avait été affecté au recrutement et aux parades à la tour de Londres. Il laisse un fils âgé de deux ans, et une veuve, Rebecca, dont il était séparé, ainsi qu’une compagne, qui sert en Afghanistan. Il n’est pas du tout sûr que ses meurtriers aient connu quoi que ce soit de sa vie. Michale Adebolajo a déclaré « c’est œil pour œil, dent pour dent » (par deux fois dans une vidéo prise depuis un bus, peu après l’assassinat).

Mohamed Sifaoui, qui s’est longuement interrogé à propos de Mohamed Merah, relève pour BFMTV que chaque parcours est individuel mais qu’il s’agit surtout de « frustrés » qui basculent de plus en plus rapidement, moins dans la religion que dans la radicalité pour elle-même.
Par le passé, d’autres causes, politiques ou sociétales, auraient pu les mobiliser (certaines ayant favorisé le passage à d’autres formes de radicalisme, parfois meurtrier, comme dans le cas des groupes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche).

La famille de Michael A. revendiquait ses origines africaines, sa foi chrétienne, et se rendait à l’église, les dimanches, en boubous traditionnels. Avant de se convertir à un islamisme radical, leur fils avait rejoint une sorte de gang de jeunes Nigérians qui se livraient à des rapines, selon une voisine qui l’avait fréquenté, ainsi que son frère, à l’école. Les témoignages de voisinage sont parfois opposés quant à la sociabilité, excellente ou laissant à désirer, de la famille ou de ses membres.
Il semble que son complice, Michael Adebowale, 22 ans, ait convaincu sa fiancée de se convertir, de porter la burka, ou le triple voile. Après la mort, récente, de la mère d’une jeune femme, une maison de Greenwich, fréquentée par les deux hommes, aurait été convertie en lieu de rassemblements religieux. 

La police britannique a procédé à diverses arrestations (celles évidemment des deux assaillants blessés par balles par la suite), dont un homme de 29 ans et une femme du même âge…

La BBC a diffusé une séquence d’archives sur laquelle Anjem Choudary parle au micro d’un mégaphone avec, en arrière plan, Michael Adebolajo portant une calotte (kufi) de prière et un militant brandissant une pancarte « Les musulmans persécutés en raison de leur foi ». Tandis qu’une autre évoque une « croisade contre l’islam ».