Le premier tour a rendu son verdict, pas rose pour tout le monde. Après des mois de grandiloquence, d’espoirs fous, de programmes sans cesse répétés, d’affirmations péremptoires, les urnes, plutôt vides, ont livré les satisfecit et le reste. A ce petit jeu de la vérité, le parti présidentiel habitué au succès et à la parole unique se découvre des perspectives de défaites… les langues se délient.
Originalité de l’instant, c’est Jean Ferrat qui prête ses propos aux voix de la Majorité… et des autres
Tout commence par un déboussolant
"Voter à perdre la raison
Voter à n’en savoir que dire
A n’avoir que ça d’horizon
Et ne connaître des régions
Que la douleur du partir
Voter à perdre la raison"

Paraitrait même que le Petit Nicolas n’en revenait pas :

"Pourtant que ma compagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que la défaîte vient d’arriver ?"

Mais il faut dire Président qu’il y a comme un choc des cultures…
"Ma môme, ell’ joue pas les starlettes
Ell’ met pas des lunettes
De soleil
Ell’ pos’ pas pour les magazines
Ell’ travaille en usine
A Créteil"

Xavier Bertrand se sentait bien las au soir du dimanche :
"Je me sens pareil
Au premier lourdeau
Qu’encore émerveille
Le chant des oiseaux
Les gens de ma sorte
Il en est beaucoup
Savent-ils qu’ils portent
Une pierre au cou"

Dans le camp dominant on peinait à comprendre la renaissance de Martine Aubry :
"Toi dont tous les marchands honnêtes
N’auraient pas de tes chansonnettes
Donné deux sous
Voilà qu’pour leur déconfiture
Elles resteront dans la nature
Bien après nous "

Tout comme on subissait le retour encombrant du FN, Jean-Marie pouvant entonner à sa fille :
"Le vent dans tes cheveux blonds
Le soleil à l’horizon
Quelques mots d’une chanson
Que c’est beau, c’est beau la vie"

Et c’est toute une gauche que voilà revigorée :
"C’est un joli nom Camarade
C’est un joli nom tu sais
Dans mon cœur battant la chamade
Pour qu’il revive à jamais
Se marient cerise et grenade
Aux 22 régions du mois d’avril"

Sacrée désillusion venant à l’issue d’une campagne où tous les coups furent permis :
"La nuit quand je m’en vais à rêve découvert
Quand j’ouvre mon écluse à toutes les dérives
Coups bas dans un remous de crocodile vert
Coups bas c’est chez toi que j’arrive"

Valérie Pécresse repart déjà toute penaude, maugréant que pourtant
"Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l’horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération
Je déclare avec Aragon
La femme est l’avenir de l’homme"

Quand à tous les quinquas aux ambitions de présidentiables, c’est une bonne petite claque
"On parle de vous sans cesse
De vos opinions
Vos voitures vos maîtresses
Vos clubs en renom
Vous avez pour vous la presse
La télévision
Vous vous dites la jeunesse
Pauvres petits c…
Vous vous dites la jeunesse
Pauvres petits cons"

Une leçon pour le moins à méditer pour ces affamés de pouvoir :
"M’en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde
Où l’on punit ainsi qui veut donner la mort
M’en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde
Où l’on n’est pas toujours du côté du plus fort"

Du côté du Modem, le 56 k est de mise, dans la tristesse et le doute :
"Tout demain devra disparaître
Des choses que l’on a cru vraies"
Et dans ce monde à la dérive
Pareils aux autres animaux
Nous n’aurions d’autre choix pour vivre
Que dans la jungle ou dans le zoo"

L’occasion pour François Bayrou d’une étonnante confession :
"En groupe en ligue en procession
Et puis tout seul à l’occasion
J’en ferai la preuve par quatre
S’il m’arrive Marie-Jésus
D’en avoir vraiment plein le cul
Je continuerai de me battre
On peut me dire sans rémission
Qu’en groupe en ligue en procession
On a l’intelligence bête
Je n’ai qu’une consolation
C’est qu’on peut être seul et con
Et que dans ce cas on le reste"

Chez de nombreuses têtes de liste, le constat est le même :
Les guitares jouent des sérénades
Que j’entends sonner comme un tocsin
Mais jamais je n’atteindrai le Conseil Régional
"Bien que j’en sache le chemin"

La déception est d’autant plus grande que l’effort fut pénible :
"Le teint blafard et l’œil vitreux
Il se couchent tard et dorment peu
Mais tous les soirs c’est immuable
Ils ont un whisky sur la table
Les têtes de liste"

Ils s’y voyaient pourtant :
"Qu’aurais-je été qu’aurais-je été
Si ce n’est au violon ce qu’est la chanterelle
Cette corde que fait chanter
Vivaldi au printemps couleur de tourterelle
J’aurais simplement voulu être heureux
J’aurais simplement voulu
La la la la la la la la
J’aurais seulement voulu être élu

Persuadés, comme on leur avait appris que :
"La porte du bonheur est une porte étroite
On m’affirme aujourd’hui que c’est la porte à droite
Qu’il ne faut plus rêver et qu’il est opportun
D’oublier nos folies d’avant quatre-vingt-un"

Les voilà réduits à pas grand chose, de futurs nomades :
"Ils vont toujours de ville en plaine
Il n’y a rien qui les retienne
Eux c’est la route qui les mène
En dimanche comme en semaine
Les battus"

Mais certains choix malheureux sont déjà montrés du doigt, comme ce nauséabond débat sur l’identité nationale…
"Il se peut qu’on me fusille
Pour avoir donné du feu
Pour avoir joué aux billes
Avec un petit hébreu
On va t’écraser punaise
Pour avoir donné du pain
Pour avoir donné du pèze
Au petit nord-africain"

Heureusement, Philippe Seguin n’a pas vu tout cela :
"Tu vois rien n’a vraiment changé
Depuis que tu nous a quitté
Les cons n’arrêtent pas de voler
Les autres de les regarder
Si l’autre jour on a bien ri
Il paraît que " Le déserteur "
Est un des grands succès de l’heure
Quand c’est chanté par Anthony
Pauvre Philippe"

Et pendant ce temps là, le deuxième tour se prépare déjà, écologistes et socialistes s’alliant sans vergogne :
"Dehors ils ont passé la nuit
L’un contre l’autre ils ont dormi
La mer longtemps les a bercés
Et quand ils se sont éveillés
C’était comme s’ils venaient au monde
Dans le premier matin du monde"

En espérant secrètement voir se confirmer ces propose :
"Comme cul et chemise comme larrons en foire
J’ai vu se constituer tant d’associations
Mais il n’en reste qu’une au travers de l’histoire
Qui ait su nous donner toute satisfaction
Le PS et les écolos"

Et dans cet authentique défilé, les abstentionnistes ne se retrouvent pas eux qui espèrent d’autres discours :
"Il se peut que je vous déplaise
En peignant la réalité
Mais si j’en prends trop à mon aise
Je n’ai pas à m’en excuser
Le monde ouvert à ma fenêtre
Que je referme ou non l’auvent
S’il continue de m’apparaître
Comment puis-je faire autrement
Je ne fais pas de politique pour passer le temps"

et souhaitent se faire entendre :
"Pardonnez si je vous dérange
Je voudrais être un autre bruit
Etre le cri de la mésange
N’être qu’un simple gazouillis
Tomber comme un flocon de neige
Etre le doux bruit de la pluie
Moi je suis un cri qu’on abrège
Je suis l’abstention infinie"

Limite, les politiques en prendraient tous pour leur grade :
"Il obstrue la voie publique

Avec son vieux char-à-bancs
Il comprend pas nos mimiques
Nos solides arguments
Il a rien dans la caboche
Le baudet récalcitrant
Il mérit’rait des taloches
Il est pas intelligent"

Les voilà en mal de séduction des indécis et des non-votants :
"Que serais-je sans toi qui ne vins pas à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement ?"

A croire que l’avenir est ailleurs, plutôt demain :
"Avec leurs grands rires avec leurs façons
De toujours remettre le monde en question
Ce sont eux qui font les révolutions
Les enfants terribles ont toujours raison
Soyez terribles terribles
Soyez terribles les enfants"

Et si finalement on laissait Jean Ferrat parler, ce ne serait pas plus approprié et plus juste ?
De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirais pas d’écrire ta chanson
Ma France